Réforme du bac pro : des annonces concrètes

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Réforme du bac pro : des annonces concrètes

Les contours de la réforme du baccalauréat annoncée par Emmanuel Macron à l’été 2023 commencent à se dessiner plus en détail. Les récentes annonces confirment une orientation patronale de la réforme, fondée sur un principe de baisse du nombre d’heures de classe pour augmenter le temps passé en stage. 

Une baisse du nombre d’heures de cours

C’est l’élément principal à retenir de la réforme. Après avoir retiré dix semaines d’enseignements avec la réforme Blanquer en 2018, le gouvernement va retirer à nouveau l’équivalent de sept semaines de cours sur les trois années aux lycéens professionnels. 

Concrètement, pour les années de seconde et de première, des heures de cours utilisées actuellement pour faire du soutien en mathématiques et en français seront supprimées. Une partie d’entre elles, seulement, seront remplacées par de l’aide à l’orientation. Mais c’est en année de terminale que le coup est le plus dur, puisque 85H d’enseignements professionnels sont supprimés. Ceux-ci sont pourtant au centre de l’originalité du lycée professionnel, qui permet d’apprendre un métier auprès de professeurs de l’Éducation nationale. 

Pas un problème pour Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la formation professionnels pour qui ces heures perdues seront compensées… par plus de stages. Des propos révélateurs de la vision patronale de la Ministre pour qui patrons et professeurs sont interchangeables pour apprendre un métier. 

Des stages vidés de leur sens

En effet, les élèves auront la possibilité d’effectuer plus de stages à la fin de l’année de terminale. Une fois passé les principales épreuves du baccalauréat au mois de mai, ceux-ci pourront terminer l’année par six semaines en entreprises. 

Mais alors que le principe du stage repose sur l’application en entreprise de compétences acquises en cours, puis d’un retour en établissement pour travailler sur le stage, ces six semaines ne pourront être exploitées pédagogiquement par la suite puisque l’année sera terminée. 

Encore une fois, la Ministre assume, et parle de ces stages de fin d’année comme d’un “premier emploi”. Ainsi, le gouvernement ne fait même plus mine de vendre l’augmentation du nombre d’heures de stages comme un dispositif pédagogique, mais assume qu’il s’agit de mettre au travail les élèves, pour une rémunération, rappelons le dérisoire. Ceux qui ne souhaiteraient pas terminer leur scolarité par un boulot sous-payé, pourront eux partir suivre une “Préparation à la poursuite d’études supérieures”.

Qui pour enseigner à la fin de l’année ? 

Ce “choix” laissé aux élèves entre études et stages à la fin de l’année de terminale risque de ne pas en être un pour beaucoup. Souvent issus de familles précaires, en difficulté scolaire, un grand nombre de jeunes de lycée professionnel risquent de choisir par défaut le stage plutôt que la poursuite d’étude. Mais pour ceux qui continueraient en cours, impossible à l’heure actuelle de savoir à quoi ceux-ci ressembleront, et pour cause. Avec la réorganisation de l’année de terminale, l’intégralité des heures de travail des professeurs seront concentrées de septembre au mois de mai. Ils auront ensuite terminé leur service. 

Qui donc y aura-t-il devant les élèves ayant choisi le parcours “Préparation à la poursuite d’études supérieures” ? Il y a fort à parier que le gouvernement mise sur le “volontariat” des professeurs ayant signé le PACTE ou sur des intervenants extérieurs, ce qui fera de ces semaines des moments hors Éducation nationale. Ainsi, qu’ils choisissent les stages ou les enseignements à la fin de l’année, les élèves perdront donc des heures de classe. 

C’est là toute la philosophie d’une réforme qui ne conçoit pas le lycée professionnel comme un lieu de formation des travailleurs et des citoyens de demain, mais comme une rampe de lancement accélérée vers l’exploitation. 


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