On la pensait enterrée grâce à la mobilisation des professeurs à l’automne, mais voilà que la réforme du baccalauréat professionnel fait son retour pour la rentrée 2023-2024. Une réforme taillée pour les besoins des patrons et qui vise à faire des lycéennes et lycéens de la main d’œuvre moins qualifiée et gratuite. Décryptage.
Des stages sous-payés
C’est la grande mesure de cette réforme : les stages seront payés. Une fois passé l’effet d’annonce, la « gratification » promise par le gouvernement a de quoi décevoir. À 50 euros la semaine en seconde, 75 en première et 100 en terminale, la rémunération ressemble plus à une aumône.
Un élève de seconde sera donc « gratifié » de 1,40 euro de l’heure, tandis que ces aînés de terminale verront eux cette rémunération frôler la barre de 3 euros. Alors que les stages sont censés préparer l’entrée dans la vie professionnelle, la gratification se situe en dehors du droit du travail. Une manière de les habituer dès le plus jeune âge à des conditions d’emploi dégradées ?
Les enseignements bradés
Macron reprend avec cette réforme une autre grande lubie des patrons : augmenter la durée des stages. Une fois le bac passé, les élèves pourront soit retourner en cours, soit partir faire un long stage à la place des enseignements.
Le message est donc clair : les enseignements ne sont pas les plus utiles, ce qui compte, ce sont les stages. Pourtant, bien souvent, les élèves en stages n’apprennent pas le métier, mais sont cantonnés à des tâches très éloignées de leur futur métier : mise en rayon pour la vente, changement de roues à la chaine pour un bac mécanique…
Puis, qu’en est-il du “choix” ? Dans les faits, les élèves les plus en réussite continueront à aller en cours pour préparer un BTS ou un BUT, tandis que les autres iront en stage afin de gagner quelques centimes. Une sorte donc de chantage basé sur l’origine sociale.
Des formations pour les patrons
Les patrons auront aussi la main mise sur l’ouverture ou la fermeture de filières. Ainsi, la carte des formations sera redéfinie régulièrement pour répondre aux “besoins locaux dans les filières en tension”. Entendez par là les filières qui peinent à recruter à cause des mauvaises conditions de travail et des bas salaires. Le bac professionnel ne servira donc pas à former des citoyens et des travailleurs, mais à fournir de la main d’œuvre immédiate en fonction des besoins locaux. Au risque de créer de fortes inégalités d’accès à l’éducation puisqu’en fonction du territoire, un jeune pourra être privé d’une formation.
Le privé partout au lycée
Parce que cette réforme est taillée pour les besoins des patrons, autant les faire intervenir directement dans les lycées ! C’est ainsi que la réforme multiplie les dispositifs faisant entrer le secteur privé dans les lycées sous couvert de “rapprochement avec le terrain”. Il en est ainsi de la place faite à “France Travail” (futur Pôle Emploi) dans les établissements pour aider les élèves dans leur insertion professionnelle, ou encore des fameux “bureaux des entreprises” au sein même des lycées. Ces derniers verront intervenir des patrons dont les besoins sont importants dans les établissements pour fournir des stages aux élèves.
Une fois encore, l’ambition de la formation est totalement sacrifiée. Seul reste le besoin de “faire rentrer les jeunes sur le marché du travail” coûte que coûte, indépendamment de leurs aspirations ou de leurs compétences.
Une véritable réforme de l’enseignement professionnel viserait à avoir une ambition commune pour chaque élève , quels que soient son niveau scolaire et son origine sociale, pour atteindre un objectif commun : former l’homme, la femme, le citoyen, la citoyenne, le travailleur, la travailleuse de demain.
Pourtant, après avoir voulu faire travailler les vieux plus longtemps, ou les chômeurs gratuitement, voilà qu’Emmanuel Macron veut faire travailler les jeunes toujours plus tôt. Un retour au XIXᵉ siècle qui doit être combattu urgemment.