Pourquoi les communistes refusent les paradis artificiels ?

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Pourquoi les communistes refusent les paradis artificiels ?

L’éternel débat sur la légalisation du cannabis refait surface en France, notamment à gauche, depuis le dépôt d’une proposition de loi portée par le député La France insoumise (LFI) de Marseille Sébastien Delogu fin décembre. Alors que les soutiens de la proposition, notamment le député Antoine Léaument, insistent sur l’échec évident des politiques répressives (les Français demeurant les plus gros consommateurs d’Europe) ainsi que sur les retombées économiques positives que l’on pourrait attendre d’une éventuelle légalisation, le Mouvement jeunes communistes de France, lui, reste fermement opposé à cette perspective. 

Pour le MJCF, la légalisation du cannabis est un mirage qui ne répond ni aux enjeux de santé publique, ni aux réalités sociales et criminelles qui sont propres au trafic de drogues.

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Une vraie réponse ou une fausse promesse ?

Dans plusieurs pays, la légalisation du cannabis a été expérimentée avec des résultats contrastés. Aux États-Unis, 23 États ont fait le choix de légaliser l’usage récréatif. Résultat : une étude publiée en 2019 a révélé une nette augmentation des admissions aux urgences liée à sa consommation, dans le Colorado, et notamment chez les jeunes.

En Europe, l’exemple des Pays-Bas montre que le marché noir n’a pas disparu. Selon l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, le commerce illégal du cannabis y génèrerait encore 11,4 milliards d’euros de profits annuels. Plus globalement, les différents exemples montrent qu’avec la légalisation, qui est loin de freiner l’économie parallèle, les réseaux criminels continuent d’exister, en se réorientant parfois même vers des produits plus forts (trafic de drogues dures) ou vers d’autres activités illégales.

Une industrie du crime organisé qui prospère sur l’addiction

Cependant, l’idée même selon laquelle il existerait une frontière nette entre « drogues dures » et « drogues douces » est de plus en plus remise en cause par la recherche scientifique. Le cannabis d’aujourd’hui concentre souvent bien plus de THC qu’il y a quelques décennies et peut provoquer des troubles cognitifs durables, en particulier chez les jeunes consommateurs.

Cela, cumulé à l’explosion de la circulation des drogues de synthèse, comprenant certains cannabinoïdes comme le HHC, dont la consommation pourrait présenter davantage de risques médicaux et psychologiques que le THC, fait que les drogues « classiques » sont de plus en plus régulièrement coupées à ces drogues de synthèse. Aujourd’hui, consommer des drogues « naturelles », y compris le cannabis, expose à l’additivité et aux effets secondaires accrus des nouveaux stupéfiants de synthèse.

De la même manière que l’industrie du tabac et de l’alcool ont minimisé leurs effets nocifs sur la santé pendant des années pour maximiser leurs profits, les géants du cannabis légalisé suivent la même logique.

Aux Pays-Bas, par exemple, l’industrie du cannabis est tolérée, mais pas légale. Celle-ci s’est développée à une vitesse fulgurante, avec une concentration du marché entre les mains d’acteurs privés qui cherchent à maximiser la consommation, notamment des touristes, afin d’en tirer un maximum de profits.

La coexistence entre le cannabis et les réseaux criminels

Un des autres arguments majeurs des partisans de la légalisation est l’assèchement des revenus du crime organisé qui conduirait, à terme, à la disparition de celui-ci. Mais les expériences internationales montrent que les trafiquants savent s’adapter. En Californie, où le cannabis est légalisé, le marché noir reste prédominant face à un marché légal qui, lui, a même reculé, selon le California Cannabis Advisory Committee. En France, les réseaux criminels liés au trafic de cannabis sont aussi impliqués dans d’autres activités illicites : évasion fiscale, trafic d’armes, etc. 

Pour le MJCF, le débat ne peut se réduire à une opposition binaire entre répression et légalisation. Il s’agit d’un véritable enjeu de santé et de sûreté publique ainsi que, plus largement, d’un combat contre toutes les formes d’aliénation. Loin d’une approche moralisatrice, les jeunes communistes refusent la stigmatisation des consommateurs et plaident pour l’application d’une politique ambitieuse reposant sur trois piliers :

  • Un service public de santé des addictions, doté de moyens suffisants pour assurer un accompagnement médical et psychologique digne et efficace.
  • Une politique de prévention ambitieuse, fondée sur l’éducation populaire, pour sensibiliser aux risques et proposer des alternatives culturelles et sociales à la consommation.
  • Une lutte résolue contre les trafics, qui passe par l’assèchement des circuits financiers des réseaux criminels et des sanctions contre les États complices qui permettent le blanchiment d’argent et/ou qui tolèrent une production à but exportatif.

Plutôt que de céder à une légalisation qui ne ferait que déplacer les problèmes sans les résoudre, le MJCF défend un projet de société où chacun pourra s’émanciper de toutes les formes d’aliénations, qu’elles soient économiques, sociales ou liées aux addictions. 


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