Pollutions plastiques, le moment d’agir

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Pollutions plastiques, le moment d’agir

Du 29 mai au 2 juin, les représentants de 175 pays se sont réunis en conférence à Paris pour poursuivre leurs travaux dans la lutte contre les pollutions plastiques. Les chiffres le prouvent : l’enjeu est de taille. Pourtant, de nombreuses dissensions se sont manifestées, en particulier avec les pays pétroliers et ceux reposant sur la production et la consommation de plastiques.

Le fléau des pollutions plastiques

Depuis les années 1950, près de huit milliards de tonnes de plastique ont été dispersées dans la nature. Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), contre 430 millions de tonnes produites chaque année (deux tiers à courte durée de vie), ce sont 350 millions de tonnes de plastique qui sont rejetées dans les sols, les rivières et les océans, et même dans l’air.

Ces quelques chiffres sont alarmants. Pourtant, ils ne représentent que la face visible du fléau que sont les pollutions plastiques. Depuis les années 1970, la production de plastique a doublé, et risque encore de tripler d’ici à 2060. Compte tenu de l’utilisation de matières fossiles dans le processus de fabrication, le plastique pourrait être à l’origine de 19% des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2040, soit 59 milliards de tonnes de CO2 chaque année jusque-là. En plus d’être un danger majeur pour la biodiversité, les matières plastiques présentent un risque d’accélération du réchauffement climatique.

La situation est particulièrement préoccupante pour les océans. D’après le ministre Christophe Béchu, 85% de la pollution marine est constituée de matières plastiques. Chacun connaît l’existence du “continent de plastique”, cet amas de déchets se déplaçant au gré des courants dans le Pacifique Nord. Une étude a révélé que des espèces endémiques des côtes se sont retrouvées en haute mer dans le vortex de plastique : celui-ci existe bel et bien comme un réel continent du point de vue de la biodiversité, perturbant l’habitat d’origine des espèces du Pacifique. À l’horizon des années 2050/2060, la masse de plastique dans l’océan pourrait même dépasser celle des poissons.

Un accord introuvable

Malgré l’urgence de réduire la pollution plastique, tous les pays ne sont pas prêts à faire un pas dans la bonne direction. Pendant le G7 de Hiroshima en avril, tous les dirigeants réunis ont fait la promesse de mettre fin à leur propre pollution en 2040. Face à cette perspective, ce sont les États européens et surtout africains qui se montrent les plus volontaires. Le Rwanda est tout particulièrement à l’avant-garde sur cette question.

Ce n’est en revanche pas le cas des États-Unis. Premiers consommateurs, ils seront avec la Chine (premier producteur) les deux pays les plus pollueurs par le plastique en 2040. Selon l’IDDRI (Institut de développement durable et des recherches internationales), aucun de ces deux pays n’est aujourd’hui prêt à agir sur l’un ou l’autre des stades de la vie des produits plastiques. Cet aspect n’est qu’un exemple parmi toutes les difficultés qu’ont rencontrées les négociations à Paris.

La volonté de la France et des nombreux pays en faveur du traité est d’instaurer un mécanisme d’obligations fondamentales contraignantes. Elles seraient assorties de mesures de contrôle pour vérifier que les États déploient effectivement les moyens permettant de tendre vers l’éradication des pollutions plastiques. Outre les USA et la Chine, sont opposés aux procédés contraignants la Russie, l’Inde ou encore le Brésil.

À la tête des opposants les plus farouches se trouve toutefois l’Arabie Saoudite. Défendant le modèle économique des pays pétrogaziers, le royaume refuse toute restriction à la production de plastique. Ces États étaient soutenus par les nombreux lobbyistes de l’industrie fossile présents pendant la conférence. Le projet de traité contre les pollutions est ainsi largement influencé par les intérêts privés : en témoigne le projet de Saudi Aramco et de TotalEnergies d’ouvrir de nouvelles unités de production de polyéthylène. Des ONG réclament ainsi un moratoire sur l’ouverture de telles usines, ou encore l’exclusion des lobbyistes des conventions sur l’environnement.

Des solutions encore à exploiter

Pour Macron, le premier projet de traité qui sera présenté en novembre devra fixer des objectifs de réduction de production plastique, de recyclage à 100% des déchets, et d’exploration d’alternatives aux matériaux quotidiennement utilisés. La France se veut exemplaire sur le sujet : la loi AGEC a entériné la fin des plastiques à usage unique, le recyclage et le réemploi des produits, ou encore l’interdiction des micro-plastiques.

Le projet de Macron poursuit toutefois la construction d’une “mondialisation plus juste, qui protège la nature et encourage l’innovation au service de la planète plutôt qu’elle ne la détruise”. Autrement dit, l’innovation au service du capitalisme vert, des alternatives dont on ignore si elles seront accessibles pour tous, dans tous les pays du monde. La perspective d’une coopération juste est évoquée, mais n’est pas immédiatement palpable dans un système capitaliste.

Le Pnue et les organisations environnementales revendiquent ainsi le passage d’une économie globalisée du plastique à une économie circulaire, couplé à un recyclage des déchets à 100%. Cela permettrait de “réduire de plus de 80% le volume de plastique entrant dans les océans, de 55% la production de plastique vierge, faire économiser 70 milliards de dollars aux gouvernements d’ici à 2040, réduire de 25 % les émissions de gaz à effet de serre et créer 700 000 emplois supplémentaires, principalement dans les pays du Sud”.

De façon pragmatique, l’ambition doit guider la révolution du système mondial de production vers une transition pour un modèle durable, socialement et écologiquement. La sortie d’un système nocif pour la biodiversité doit s’accompagner de parcours de formation des travailleurs pour adapter leurs qualifications aux changements des modes de production.

Il convient néanmoins de rappeler que tous les “grands pollueurs” n’en sont pas au même stade de développement de leurs forces productives. Tandis que les États-Unis ou les riches pays du Golfe peuvent organiser leur transition vers des modes de consommation ou de production plus propres, des pays comme la Chine et l’Inde restent encore les “ateliers” du monde. 

Tant que leurs économies nationales et la demande mondiale n’auront pas évolué, il sera compliqué pour eux d’abandonner la production plastique. Ce n’est qu’en mettant les moyens à la hauteur du défi plastique, tout en déployant une coopération internationale forte, qu’un modèle plus vertueux pourra émerger.


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