Orientation genrée et réforme du bac

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Orientation genrée et réforme du bac

Censée réduire les inégalités en mettant fin à la hiérarchisation des filières et sous prétexte de favoriser l’égalité des chances entre élèves, la réforme du bac a, au contraire, renforcé durablement des fractures qui étaient déjà bien ancrées au lycée. Cette réforme, prétendant offrir plus de liberté et de diversité dans les parcours scolaires, semble au contraire contribuer à renforcer les parcours stéréotypés, notamment en ce qui concerne les choix d’orientation en fonction du genre. 

Désertion des matières scientifiques, manque de confiance, stress causé par le contrôle continu : filles et garçons ne sont pas égaux face à la réforme. L’illusion derrière le choix n’est plus à prouver et nous montre au contraire que le nouveau bac creuse les inégalités.

La spécialisation dès la seconde renforce les inégalités 

La spécialisation précoce des lycéens renforce les parcours stéréotypés. En choisissant leurs enseignements de spécialité dès la seconde, les élèves perpétuent les attentes sociales liées à leur genre. Le rapport “Faire de l’égalité filles-garçons une nouvelle étape dans la mise en œuvre du lycée du XXIe siècle” de Béjean-Roiron-Ringard souligne cette tendance : les filles sont largement surreprésentées dans les filières artistiques et littéraires, constituants 85 % des élèves, tandis que leur présence diminue drastiquement dans les filières scientifiques. En terminale, la part de fille n’est plus qu’à 35,7 % en 2023 contre 47,5 % en 2019. Un bond en arrière de 20 ans dans la lutte pour l’égalité fille-garçon en à peine 5 ans d’application de la réforme !

Et même lorsqu’elles choisissent de s’orienter vers les matières scientifiques, la fracture se poursuit. On remarque qu’elles optent le plus souvent pour les triplettes Math/physique-chimie/SVT tandis que les garçons vont volontiers vers les Sciences de l’Ingénieur ou en Numériques et Sciences Informatiques, là où la présence des filles ne dépasse pas les 13 % des effectifs. Ce chiffre retombe à 4 % lorsqu’elles sont issues des classes populaires. C’est sept fois moins que les garçons.  

Autre facteur d’inégalité pointé du doigt : l’absence de disciplines scientifiques dans le tronc commun. Les élèves ne suivent plus que 2 h de sciences par semaine en première, complémenté par 1 h 30 de mathématiques, depuis la rentrée 2022, lorsque l’élève n’a pas choisi la spécialité. Cela a un impact considérable sur les changements de voie, puisqu’il leur est devenu presque impossible de se réorienter vers des spécialités scientifiques lorsqu’ils sont dans des filières littéraires. Passé la classe de première, elles sont un peu plus de la moitié à abandonner la spécialité math. 

La réforme accentue les phénomènes d’autocensure et précarise davantage les filles

En plus de leur désertion des matières scientifiques, les filles demeurent beaucoup moins confiantes que les garçons dans leur capacité à réussir leurs études, alors qu’elles sont majoritaires à obtenir le brevet et le bac. Dans son dernier rapport, le HCE (Haut Conseil à l’égalité) indique que le sexisme subi et vécu par les filles constitue une entrave supplémentaire à leur réussite. 

Elles font donc souvent le choix de s’orienter vers des filières et des voies où elles se sentiront en sécurité. Ainsi, on observe que leur niveau de confiance à réussir dans leurs matières dites de prédilection est moindre et plus hétérogène que chez les garçons. Cette mésestime de soi participe grandement à la sous-représentation des femmes dans les matières présentées comme élitiste, et se poursuit dans les choix de carrière.  Pire encore, l’autocensure et le stress sont amplifiés par le contrôle continu et Parcoursup. Une fois encore, les filles représentent une part non-négligeable des burn-outs au lycée. 

Face à ce constat, il devient urgent de repenser le système éducatif. À l’heure où le sexisme perdure et s’aggrave, la lutte contre les inégalités de genre doit se faire au travers de mesures concrètes. Et des propositions concrètes, il en existe déjà : la mise en place d’un véritable service public de l’orientation, le retour d’un socle commun de connaissance et la fin de la sélection permettant l’égalité de toutes et tous.


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