Réforme du lycée pro : renforcement de l’orientation genrée

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Réforme du lycée pro : renforcement de l’orientation genrée

Le jeudi 4 mai 2023, Emmanuel Macron annonce la mise en place d’une réforme du lycée professionnel. Ces annonces sont immédiatement décriées par le corps enseignant, les syndicats de professeurs décrivant une réforme attaquant particulièrement les milieux populaires, sur représentés dans ces parcours de formation. D’une part, cette réforme permet au MEDEF l’assurance d’une main d’œuvre bon marché et déjà “formée”. D’autre part, elle attaque profondément la fonction première de l’école républicaine : l’émancipation de toutes et tous. 

Parmi les mesures phares figure la possibilité de suppression de certaines filières professionnelles pas assez compétitives selon le patronat dans le cadre d’une redéfinition pluriannuelle des formations. Les filières professionnelles maintenues sont ainsi destinées à combler les besoins de main d’œuvre du bassin d’emploi local. Cette décision impacte donc les possibilités de déplacements géographiques et finalement sociales de ces jeunes dans leur future carrière professionnelle.

Si ce constat est applicable à l’ensemble des jeunes soumis à cette réforme injuste qui ne  fait que conforter les intérêts des patrons, il est d’autant plus vrai pour les jeunes filles. 

Notons que l’orientation genrée a déjà été accentuée dans le cadre de la réforme du baccalauréat général avec l’abandon des matières scientifiques en masse par les filles, mais en filière professionnelle, le fossé se creuse encore. Aujourd’hui, nous pouvons observer une surreprésentation des jeunes filles dans les filières esthétiques (coiffure et esthétique) où elles représentent 90 % des effectifs. On retrouve aussi les filles en bac professionnel dans les filières de soins à la personne et d’hygiène, ce qui amène de façon plus générale à cantonner les femmes dans les professions liées au secteur du service. 

À l’inverse, les jeunes garçons sont surreprésentés dans les secteurs de la production (97 % en bac pro mécanique/électrique) ou encore dans le bâtiment, filière à 99 % composée de garçons. 

Cette orientation genrée est nécessairement liée à une éducation genrée. En effet, dans l’imaginaire collectif, les tâches inhérentes à ces différents métiers sont assignées soit aux femmes, soit aux hommes. 

Or, la qualité de travaux pénibles est difficilement reconnue dans les professions majoritairement féminines. Cette réforme ne va donc qu’accentuer une problématique déjà existante. La menace de suppression des filières pas assez compétitives poussera les chefs d’établissements et l’administration à favoriser celles qui marchent. Ainsi, quid des filières féminines dans les lycées professionnels à dominante masculine ?

Notons qu’à l’heure actuelle, 80 % des filles en bac professionnel sont concentrées dans seulement 5 filières. Pour retrouver le même effectif chez les jeunes hommes, il faut englober 18 filières. Ainsi, les filles bénéficient d’une diversité bien moindre en matière de formations. Avec les risques de fermetures de filières annoncées, ce sont donc des cohortes très importantes de femmes qui pourraient se retrouver privées de formation. 

C’est d’ailleurs bien ce que laissent craindre les premières annonces de fermetures de filières. Au lendemain de la présentation de la réforme, Pap Ndiaye annonçait que les premières formations touchées par la redéfinition de la carte de formation seraient le secrétariat, la comptabilité et le commerce. Soit strictement les filières concentrant le plus de jeunes femmes !   

Par ailleurs, de nombreux témoignages de jeunes filles étudiant dans des filières dites masculines montrent que celles-ci peinent à trouver des lieux de stage, seules face à la discrimination genrée. L’incitation aux stages avec leur rémunération mise en place par la réforme joue ainsi largement en leur défaveur, puisque celles-ci auront plus de mal à en bénéficier que leurs camarades hommes. 

De façon générale, comme pour la réforme des retraites ou dans le cadre des luttes contre les violences sexistes et sexuelles, ce gouvernement démontre son désintérêt pour celles qui étaient pourtant la “grande cause du quinquennat”. Il est important de souligner que dans le même temps, aucune mesure n’a été annoncée par le gouvernement afin de lutter contre les stéréotypes de genre ou l’éducation genrée au sein des filières professionnelles. Filles et femmes soumises à une éducation genrée puis une orientation genrée et finalement une division genrée du travail, les successives réformes du lycée exacerbent in fine les inégalités économiques et de genre. 


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