Détentrice des droits de diffusion de la Ligue 1 à partir de la saison 2020-2021, la société espagnole Mediapro s’est associée à TF1 afin de lancer sa chaîne télévisuelle entièrement dédiée au football : Téléfoot.
Téléfoot : une émission populaire dédiée au foot
La nouvelle a de quoi ravir quelques aficionados. En plus de reprendre le nom du mythique journal foot de la Une diffusé le dimanche matin, Mediapro a engagé le duo de commentateurs stars Grégoire Margotton et Bixente Lizarazu.
Téléfoot, c’est un nom qui évoque forcément quelque chose pour toutes et tous les passionné·e·s de football. Des années 70 à 2000, elle était la seule émission à diffuser les images du Championnat de France en clair. Pour quiconque ne souhaitait pas s’abonner à Canal +, Téléfoot constituait le seul moyen de revoir les images des matchs du samedi soir. Les tops buts, reportages dans les centres d’entraînement et les écoles de football invitées dans le public ont contribué à forger la réputation d’une émission populaire et grand public. De nombreuses générations ont été bercées par le grand rituel du dimanche matin, avant d’alimenter les discussions du lundi dans les cours de récréation et devant les machines à café.
Depuis la fin des années 2000, l’émission avait perdu de sa superbe. La perte des droits de diffusion par TF1 avait vidé Téléfoot de sa substance, le transformant en simple talk-show dépourvu des images des compétitions. Canal + avait pris la relève du journal football du dimanche diffusé en clair.
Le nouveau Téléfoot de TF1 et de Mediapro : chaîne cryptée et recherche du profit
Cette annonce conjointe de TF1 et Mediapro avait donc de quoi susciter la curiosité, si ce n’est de réveiller la nostalgie. Pourtant, derrière le nom, on peine à comprendre la ressemblance. Si TF1 conserve son émission du dimanche matin, celle-ci ne possède toujours aucune image à diffuser. Pire, Jaume Roures, le patron de la chaîne espagnole, a mis fin aux rumeurs attribuant à TF1 le droit de diffuser un match en clair par semaine.
Conformément aux annonces faites par la Ligue de football professionnelle (LFP) lors de l’attribution des contrats de diffusion, Mediapro diffusera bien huit matchs de Ligue 1 et autant de Ligue 2 par semaine sur sa nouvelle chaîne cryptée. Toutes celles et tous ceux qui espéraient voir le Championnat de France en clair seront déçu : l’abonnement à la chaîne Téléfoot devrait osciller autour de 25 € par mois, excluant de fait les plus modestes de la possibilité de regarder le championnat.
Il faut dire qu’avec des contrats de diffusion de 780 millions d’euros par saison, Mediapro a mis le prix. Pour assurer la rentabilité de son investissement et dégager de juteux profits, le diffuseur monétise au maximum les matchs, payés au prix fort par le consommateur. Afin de faire gonfler ses revenus, la LFP a saucissonné le championnat et étalé les créneaux des matchs au cours d’un même week-end. Ainsi, si Téléfoot diffuse bien 80 % des matchs, Canal + a obtenu le droit de diffuser l’essentiel des meilleures affiches.
Un nouveau calendrier de diffusion des matchs qui impacte le football amateur
Alors que la Ligue 1 se jouait traditionnellement le samedi soir avec le fameux multiplex, le nouveau calendrier de diffusion prévoit d’espacer les matchs : seuls deux matchs se joueront le samedi et un le vendredi. Le reste se jouera le dimanche sur des créneaux beaucoup plus étendus. Une manière de retenir le téléspectateur plus longtemps devant son écran et donc de rentabiliser au maximum l’investissement.
Ce nouveau calendrier n’est pas anodin pour le football amateur dont l’essentiel des matchs se joue le dimanche. Déjà fragilisées par la fin des contrats aidés, les structures associatives qui font vivre ce football populaire dans tous les quartiers et villages de France risquent de prendre de plein fouet le désengagement suscité par la concurrence du football professionnel télévisé. Bénévoles, éducateurs et éducatrices mais aussi joueurs et joueuses amateurs risquent de voir leurs clubs désertés à cause de la perspective de voir son équipe favorite jouer le dimanche après-midi.
Marchandisation du football : les supporteurs et supportrices paient toujours plus
La marchandisation du football atteint des niveaux insupportables. Les spectateurs doivent payer toujours plus pour répondre à la voracité d’une industrie financiarisée devenue incontrôlable. Dans ce cadre, les supporteurs ne sont pas considéré·e·s comme des parties prenantes au football, capables de participer à sa direction en toute souveraineté, mais uniquement comme des consommateurs. La reprise des championnats européens dans des stades vides en est la démonstration ultime : le spectateur n’a pas d’utilité aux patrons du foot-business tant que les droits télévisés suivent.
Il est ironique de constater que Mediapro tente de s’appuyer sur une émission connue pour lancer sa chaîne alors même que le Championnat de France a disparu des écrans en clair. La refonte du football passe également par la garantie du droit du plus grand nombre aux matchs de haut niveau. Même d’élite, le football reste un sport populaire.