La colère des agriculteurs continue de se faire entendre en France. Les annonces de Gabriel Attal l’ont montré : le gouvernement est prêt à repousser le problème, reporter des réformes contestées, mais en aucun cas d’attaquer la crise à sa racine, à savoir le libéralisme, le libre-échange et les logiques de rentabilités.
Face à cette inaction, de nombreuses personnalités et forces politiques proposent des solutions. Certaines sont intéressantes, d’autres moins. Que l’État intervienne à chaque étape de la fabrique du prix des produits agricoles pour fixer les marges des uns et des autres, et permettre aux agriculteurs de vivre de leur travail. Réguler les marges des entreprises agroalimentaires et de la grande distribution. Assumons-le. Que l’État, garant de l’intérêt commun, intervienne dans l’économie, de la fourche à la fourchette. Voilà pour l’intéressant.
Moins intéressant, les interventions qui se succèdent pour culpabiliser les Françaises et les Français, en leur disant : “Vous soutenez les agriculteurs ? Achetez français ou taisez-vous. ” C’est ce qu’a dit l’animatrice télé Karine Le Marchand ce lundi en Seine-et-Marne, en apportant les croissants aux agriculteurs. Si l’intention est appréciable, et les viennoiseries sûrement excellentes, le fond est plus que douteux. Comme pour l’écologie, ce serait non plus aux élus ou aux travailleurs de se battre pour changer les choses, mais aux consommateurs d’agir. La démocratie par les urnes est morte, vive le vote par la carte bleue ! Quel renoncement.
Si nous faisons société, si nous avons un État, des règles, des élus, c’est justement puisque nous ne voulons pas que l’équilibre de la société repose sur des choix individuels. Nous ne pensons pas qu’une main magique et invisible va faire en sorte que l’addition des actes individuels fasse le bonheur collectif. Certes, l’État et la République servent depuis trop longtemps des intérêts privés et ont trahi leur fondement, mais ne jetons pas le plateau avec les fruits pourris.
À l’État de faire en sorte que nous ayons intérêt à acheter français, alors les habitudes de consommation changeront. Permettons aux agriculteurs de produire français, correctement, et à bas coût, là, nous consommerons français. Face à la colère des agriculteurs, Fabien Roussel plutôt que Karine Le Marchand. Le manifeste du Parti communiste plutôt que L’amour est dans le pré.