La Charité : bonne conscience des dominants

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La Charité : bonne conscience des dominants

L’image d’un Macron à genoux au chevet des plus démunis, c’est semble-t-il l’angle pris par l’opération de communication du président pour se reconstruire une figure paternelle de président investi au service du peuple et soucieux de tous les Français, jusqu’aux plus invisibles : les SDF.

Il avait d’ailleurs multiplié ce genre d’affirmations grandiloquentes allant dans le sens d’une prétendue facette sociale de son projet : « Je ne veux plus d’ici la fin de l’année avoir des femmes et des hommes dans les rues », une promesse de 2017 dont l’échec prévisible – étant donné qu’aucune mesure pouvant aller dans ce sens n’a été mise en place et même pire puisque le budget des CHRS (Centres d’hébergement et de réinsertion sociale) a baissé de 20 millions en 2018 – a au moins permis d’en tirer une campagne pour tenter de refaire une santé à sa cote de popularité 2 ans plus tard.

Mais est-ce cela que le président veut montrer comme étant la voie de libération de la misère sociale ? Le don de soi aux plus pauvres, ceux qui n’ont rien (ou ne « sont rien »? selon ses mots) pourraient être libérés par le contact du sauveur venu les délivrer grâce à la charité ? Cela révèle une conception de l’État à laquelle nous n’étions plus tellement habitués qui fait suite à la tradition démocrate chrétienne qui a toujours été dans l’ADN des “centristes” français. On se rappelle par exemple de Giscard qui dînait régulièrement chez “Monsieur tout le monde”, dans la volonté de “regarder la France au fond des yeux”. Mais la tradition peut remonter jusqu’à la monarchie avec le roi, désormais président, qui vient rencontrer son peuple, lui faire la charité et même le soigner.

Peut-être comme le disait Jacques Duclos :

« Il faut bien convenir que tout ce qu’il y a dans le vieux fond ancestral de l’humanité laisse des traces dans la conscience des hommes. » (Ce que je crois, 1975)

Après tout, la charité n’est-elle pas l’une des plus anciennes formes d’aide sociale, pourrait elle aujourd’hui apparaître comme une voie libératrice possible pour les opprimés ?

Bien sûr que non, et il serait risible de penser le contraire mais dans la tradition communiste de la dialectique, nous répondrons à cette question en revenant sur une définition matérialiste de la charité, nous en verrons les effets concrets qu’elle peut et a pu avoir et nous proposerons (ou rappellerons) les propositions pour dépasser ce concept.

De la charité chrétienne à la charité bourgeoise

Qu’est-ce que la charité ? La charité est une des trois vertus dites théologales de la religion chrétienne, c’est-à-dire qu’elle est avec l’espérance et la foi une vertu destinée à se faire guide de l’action des hommes vis-à-vis du monde et de Dieu. La charité chrétienne est donc à la fois une vertu, c’est-à-dire une caractéristique de l’individu, et une pratique sociale (et spirituelle).

C’est Saint Paul qui en pose les bases dans sa première Épître aux Corinthien (chapitre XIII, verset 13, Nouveau Testament) :

13:1 Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je suis un airain qui résonne, ou une cymbale qui retentit.

13:2 Et quand j’aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand j’aurais même toute la foi jusqu’à transporter des montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien.

13:3 Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais même mon corps pour être brûlé, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert de rien.
[…]

13:13 Maintenant donc ces trois choses demeurent: la foi, l’espérance, la charité; mais la plus grande de ces choses, c’est la charité.

La charité est donc cet héritage de la religion, à l’origine un geste qui fait le lien entre l’homme et son prochain au travers de Dieu. L’ensemble de ces croyances ne sont, dans l’analyse matérialiste, qu’une tentative d’échappatoire hors des questions sociales : « l’opium du peuple ». Or seules les questions matérielles apportent les réponses qui sont de nature à pouvoir bouleverser les sociétés humaines. La charité chrétienne n’est donc, ni plus ni moins, qu’une forme de perpétuation éternelle de l’ordre social en cours.

Lorsqu’on s’écarte de la définition purement religieuse, la charité perd son caractère de vertu, mais reste une simple pratique : la pratique du don. Le don charitable étant l’action d’offrir ce que l’on possède à celui qui ne possède pas, il présuppose deux choses : la possession privée de richesses et les inégalités sociales. Car il serait assez vain de vouloir donner pour celui qui ne possède rien à donner, ou rien qui ne manquerait ni ne serait utile à celui auquel il voudrait donner.

Ce n’est pas pour rien que les galas de charité sont une pratique sociale extrêmement répandue dans la grande bourgeoisie et que l’on parle de « philanthropie » pour n’importe quel multimilliardaire faisant un don de quelques milliards, voire de quelques millions, à une quelconque œuvre de charité quand bien même cela ne représenterait proportionnellement à sa richesse totale individuelle qu’un pourcentage proche de ce qu’un ouvrier au smic pourrait donner en faisant un don mensuel de 10€ à une association de son choix. L’idéalisme religieux a fait place à l’idéalisme séculaire, remplaçant Dieu par la raison et la morale laïque dans une transition qui n’est qu’une simple transformation de façade qui ne modifie pas fondamentalement les rapports de domination qui subsistent dans des formes nouvelles, mais sans doute plus visibles :

« Elle [ndlr : la bourgeoisie] a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste » (Le manifeste du Parti Communiste, 1847, K Marx et F. Engels).

Bill Gates, par exemple, est particulièrement célèbre pour son action dite « philanthropique » notamment en Afrique, une simple recherche Google fera pleuvoir par dizaines les articles sur ses dons en milliards de dollars. En revanche, moins nombreux seront les articles à noter qu’entre 2010 et 2018, la fortune du même Bill Gates a augmenté de 40 milliards de dollars, c’est-à-dire 5 milliards par an, le portant à 96,5 milliards de dollars. À titre de comparaison, le budget annuel du Burkina Faso et ses 20 millions d’habitants est de 3,4 milliards de dollars.

La seconde fortune mondiale milite même désormais pour augmenter ses propres impôts et ceux des autres grandes fortunes aux États-Unis, alors même que son entreprise Microsoft pratique partout l’optimisation fiscale (le fisc français lui réclame actuellement 600 millions de dollars) et l’évasion fiscale. Hypocrisie qui montre une chose claire : les plus riches veulent avant tout pouvoir choisir ce qu’ils consentent à donner et à qui ils consentent à le donner, pour des dons et même pour les impôts, se métamorphosant parfois en sauveurs aux yeux des moins critiques.

La bourgeoisie s’est chargée de remplacer le spirituel par le spectaculaire mais dont l’illusion, tout comme celle du religieux s’effrite jour après jour. Qui peut encore croire après 32 ans d’existence du téléthon que ce spectacle de la bonne conscience où l’on exhibe la misère puisse remplir le moindre rôle social cohérent quand en 2018 il parvient à peine à récolter 69 millions d’euros pour la recherche médicale alors que l’État français se refuse toujours à investir les 4 milliards dont l’université publique française a besoin pour sortir de sa crise ? Ainsi, à la différence de la charité chrétienne que l’on peut voir comme un pas vers Dieu et dont les motivations spirituelles sont un masque encore opaque devant les intentions conservatrices, la charité bourgeoise apparaît pleinement comme une hypocrisie :

« La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les activités qui passaient jusque-là pour vénérables et qu’on considérait avec un saint respect. » (Le manifeste du Parti Communiste, 1847, K Marx et F. Engels).

Tout le pouvoir économique se trouvant aux mains de la bourgeoisie, on en vient jusqu’à dire que le patron « donne » du travail au salarié, mais en quoi donne-t-il vraiment lorsqu’il tire une plus-value sur le travail en créant les conditions d’une dépendance pour l’ouvrier qui n’a de toute façon aucun autre choix que de travailler pour assurer son existence ? Le capitaliste ne « donne » pas, il accumule, et ce qu’il consent à reverser n’est qu’une façon de travestir le rapport de domination par lequel il accumule et sans lequel la possibilité même de « donner » n’existerait pas.

Comme on l’a vu, la charité, comme pratique religieuse ou pratique séculaire, porte en son sein la négation totale de l’égalité. C’est en réalité un acte de violence sociale qui démontre la domination d’un individu sur un autre et à l’échelle d’une société : d’une classe sociale sur une autre, de la bourgeoisie sur le prolétariat. Elle s’oppose entièrement et totalement à la justice sociale car elle consacre le premier et le pilier de tous les droits bourgeois : le droit d’exploiter.

Le rôle social de la charité

Néanmoins, les œuvres de charité sont multiples : téléthon, secours catholique, resto du cœur, médecin sans frontières… et même : le Secours Populaire héritier de 1945 du Secours Rouge International (SRI). Le secours Rouge international avait toutefois cette particularité de travailler directement avec les travailleuses et travailleurs, d’organiser la solidarité entre eux aux sein de leurs lieux de vie et de travail, d’aider les privé.e.s d’emploi dans l’objectif de créer un lien qui favorise la conscience de classe. Certes, si le Secours populaire d’aujourd’hui n’est plus l’organe communiste qu’il fut autrefois, il en conserve pourtant de nombreuses valeurs. Alors comment, si nous décrions tant l’illusion de la charité, pouvons-nous accepter et encourager l’existence et le travail avec des associations investissant ce terrain social ?

Tout simplement, car si nous dénonçons la responsabilité de la société de classe et les manquements de l’État bourgeois, nous n’avons jamais eu pour ambition de rester les bras croisés devant la misère, particulièrement lorsqu’elle se développe. La charité assure alors, dans des formes diverses, un palliatif faiblard mais néanmoins existant contre ces manquements criants de l’État, elle permet au minimum de les constater et en définitive de les étudier pour les dénoncer, marginalement de créer des solidarités concrètes et exceptionnellement mieux.

Dans l’Histoire, la charité organisée dans les pays chrétiens par l’Église a, en un sens, posé les embryons d’une forme de système de répartition : les hôpitaux, la soupe populaire, etc. toutes ces initiatives déléguées par le pouvoir seigneurial au pouvoir religieux ont une forme similaire à celles développées par l’État bourgeois moderne : l’Église collecte impôts (et dons) et répartit ensuite ses dépenses pour organiser le soutien aux plus faibles. Selon les lieux, les époques et les gestions l’Église a ainsi pu, par ces dispositions sociales, assurer la persistance de son lien avec les classes laborieuses en se rendant, le plus que possible, et en adéquation avec ses intérêts, indispensable aux plus pauvres. Cette tradition dépasse le cadre institutionnel du catholicisme, elles ont été poursuivis par les organisations qui ont œuvré, y compris indépendamment de la hiérarchie ecclésiastique, à créer une convergence religieuse avec le mouvement ouvrier depuis les saint-simoniens jusqu’aux mouvements ouvriers chrétiens (qui paradoxalement prétendaient parfois dépasser la charité en s’appuyant sur un amour du prochain guidé par la raison et la morale plutôt que la spiritualité, cela reste la charité au sens de la pratique comme développé précédemment).

Dans certaines circonstances on peut même voir une défense par les exploités de ces formes de structures sociales qui ont précédées le capitalisme, Durant les guerres carlistes au XIXème siècles s’opposaient par exemple les partisans d’une Espagne centralisée et libérale contre les partisans d’une Espagne régionaliste et féodale (les carlistes). On pourrait penser qu’à l’instar de la révolution française dans un cadre pré-industriel, la paysannerie pauvre aurait facilement préféré le parti des libéraux, mais ce n’était pas toujours le cas : en effet, pour de nombreux paysans, en travaillant sur les terres des seigneurs ou de l’Église, ils profitaient d’une forme d’autonomie de gestion dans leur travail et d’un système social que le salariat bourgeois aurait fait voler en éclat. Ils ont vu leur intérêt dans le soutien au carlisme malgré que celui-ci proposait un projet plus réactionnaire en principe. Car la charité féodale remplie à sa façon le rôle du salariat sous le capitalisme : permettre la reproduction de la force de travail. C’est cet angle d’analyse que certains « socialistes » ont par la suite pris pour dénoncer le capitalisme et revendiquer un retour aux formes de sociétés antérieures :

La première [ndlr : catégorie de socialistes] est composée de partisans de la société féodale et patriarcale, qui a été détruite et est détruite tous les jours par la grande industrie, le commerce mondial et la société bourgeoise créée par l’une et par l’autre. Cette catégorie de socialistes tire des maux de la société actuelle cette conclusion qu’il faut rétablir la société féodale et patriarcale puisqu’elle ignorait ces maux. Toutes leurs propositions tendent, directement ou indirectement, à ce but. Cette catégorie de socialistes réactionnaires seront toujours, malgré leur feinte compassion pour la misère du prolétariat et les larmes qu’ils versent à ce sujet, combattus énergiquement par les communistes, car :

l) ils se proposent un but impossible à atteindre.

2) ils s’efforcent de rétablir la domination de l’aristocratie, des maîtres de corporations et des manufacturiers avec leur suite de rois absolus ou féodaux, de fonctionnaires, de soldats et de prêtres, une société qui, certes, ne comporte pas les maux de la société actuelle, mais qui en comporte tout au moins autant, et ne présente même pas la perspective de la libération, grâce au communisme, des ouvriers opprimés.

3) ils montrent leurs véritables sentiments chaque fois que le prolétariat devient révolutionnaire et communiste: ils s’allient alors immédiatement avec la bourgeoisie contre le prolétariat.

Friedrich Engels, Principes du Communisme,
XXIV. EN QUOI LES COMMUNISTES SE DIFFÉRENCIENT-ILS DES SOCIALISTES ? 1847

Par cette critique sur les socialistes réactionnaires (dont les héritiers contemporains sont, entre autres, les fascistes plus ou moins assumés) Engels dénonçait une vision idéalisée du passé qui se substitue à l’analyse matérialiste. S’il arrive à l’histoire de bégayer et parfois même de se répéter comme un écho, la marche du temps, elle, est inexorable et il est impossible à la fois de revenir en arrière et en même temps de dépasser les contradictions du présent en replongeant la tête la première dans les systèmes qui ont engendré les contradictions du passé. Dépasser les contradictions du système dans le projet révolutionnaire implique toujours une forme de sacrifice, et noyer l’analyse matérialiste dans la nostalgie sélective n’est pas de nature à accomplir ce projet.

La solidarité, dépassement de la charité

Alors, comment accomplir ce projet ?

Les révolutionnaires s’étaient en réalité déjà saisis de la question bien avant la naissance du communisme. Ce n’est pas pour rien que la devise officielle de la France reste « Liberté, Égalité, Fraternité » depuis la révolution de 1848 (bien que ces mots étaient déjà associés à la République depuis la décennie 1790). Ainsi, c’est supposément le rôle premier de l’État, au sens où l’imaginait Robespierre, que de garantir :

  • La Liberté – mais la liberté sans entrave ne devient elle pas oppression lorsqu’elle permet l’exploitation ?
  • l’Égalité – mais qu’est-ce que l’égalité lorsque reste l’accumulation capitaliste qui garantit la privation de richesses au reste la société ?
  • La Fraternité – comparable à la solidarité, mais qu’est-ce que la fraternité lorsqu’elle ne tient à rien sinon à la « vertus » individuelle, ce concept vide ?

Le problème a donc toujours été de savoir de quelle manière faire vivre ces ambitions alors qu’elles sont contraintes par des contradictions indépassables dans le capitalisme. Il est d’ailleurs perturbant de voir comment la gauche française a pu régresser sur ces questions lorsque l’on voit que ce retour à la « vertue », si chère à Robespierre, est devenu en 2017 le thème du principal livre de Mélenchon pour promouvoir sa théorie à la présidentielle, n’apportant d’ailleurs strictement rien au concept ne reposant toujours que sur un idéalisme naïf. Triste spectacle de voir que les mêmes accusant les marxistes actuels d’être les produits de dogmes dépassés puisent leurs uniques références théoriques comme esthétiques dans un passé encore plus lointain et dont les mécanismes féodaux ont déjà été dépassés (contrairement au capitalisme).

En réalité, et c’est l’apport des penseurs socialistes, d’abord utopiques, puis marxistes, que d’avoir cherché les possibilités de faire vivre ces principes en s’attaquant d’abord au droit bourgeois comme Blanqui qui percevait la révolution ou l’abolition des injustices comme des choses que l’on peut décréter, ou comme Proudhon qui fait l’analyse de la propriété dans le droit sans l’analyse économique. Marx a, sur ce point, corrigé et dépassé Proudhon avec son œuvre, lorsqu’il a fait la critique de sa maxime résumant cette analyse législative : « La propriété, c’est le vol », nous citerons cet extrait suffisamment explicatif par soucis d’éviter la paraphrase :

« Ce qu’il s’agissait pour Proudhon de traiter c’était la propriété bourgeoise actuelle. A la question de savoir ce qu’était cette propriété, on ne pouvait répondre que par une analyse critique de l’économie politique, embrassant l’ensemble de ces rapports de propriété, non pas dans leur expression juridique de rapports de volonté, mais dans la forme réelle, c’est-à-dire de rapports de production. Comme Proudhon intègre l’ensemble de ces rapports économiques à la notion juridique de la propriété, il ne pouvait aller au-delà de la réponse donnée par Brissot, dès avant 1789, dans un écrit du même genre, dans les mêmes termes : “La propriété c’est le vol”

La conclusion que l’on en tire, dans le meilleur des cas, c’est que les notions juridiques du bourgeois sur le vol s’appliquent tout aussi bien à ses profits honnêtes. D’un autre côté, comme le vol, en tant que violation de la propriété, présuppose la propriété, Proudhon s’est embrouillé dans toutes sortes de divagations confuses sur la vraie propriété bourgeoise. »

K. Marx dans une lettre adressée en 1865 à J-B von Schweitzer

Pour Marx, ce qui amène réellement l’égalité ne peut que dépendre non pas d’une révolution purement institutionnelle mais bien d’une révolution qui touche de la sphère la plus publique à la sphère la plus privée, de l’État à la famille, en s’attaquant à la racine de tout ce qui les produit : la structure économique de la société.

Ainsi, pour faire éclater les inégalités, il faut garantir la solidarité concrète dans des formes qui permettent à celles-ci d’exister : prenez l’exemple de la santé aux États-Unis, en 2014, 9,5 milliards ont été collectés sur des sites de crowdfunding pour des affaires médicales dans un pays où il n’y a pas de sécurité sociale alors que 44% des habitant.e.s disposent de moins de 400$ en banque en cas de problème. Le montant est en constante augmentation depuis le mandat d’Obama, à cause des grandes insuffisances de l’Obamacare et ne descend pas avec les déstabilisations de celui-ci par l’administration Trump. Reagan avait combattu farouchement avec ses critiques la “welfare queen”, cette femme imaginaire (souvent affublée de violents stéréotypes raciaux et sexistes) qui ne vivrait que des aides sociales (welfare) et de la fraude de celles-ci, une idée qu’on retrouve dans la droite française d’Emmanuel Macron qui fustige le « pognon de dingue » que coûteraient les aides sociales, Édouard Philippe et Laurent Wauquiez qui exigent des « contreparties » aux aides sociales, ou encore Marine le Pen qui prétend de façon éhontément mensongère qu’un immigré « fraîchement débarqué » serait gavé d’aides sociales au point de toucher plus qu’un « retraité qui a travaillé toute sa vie », etc. En somme, non seulement ils confondent charité et solidarité, mais ils suggèrent même que la charité se mérite en donnant au dominant le désir de donner au dominé.

L’idée de la gauche socialiste ou communiste, inspirée dans des formes plus ou moins diverses et plus ou moins proches des ambitions de K. Marx, c’est de dire : Nous payons tous, pour tous, selon nos moyens, pour répondre à nos besoins collectifs et individuels. Ainsi, celui qui n’est que rarement malade paiera quand même pour la santé de tous même s’il profite moins du service de santé que celui qui est souvent malade ou même handicapé. Car même avec une santé de fer, on peut être sujet à un accident ou à une maladie grave et à ce moment sa solidarité qui pourrait avoir égoïstement eu l’air d’une perte vaine, prendra tout son sens. Cela va de même dans tous les domaines : éducation, transport, loisirs, etc. Car si nos besoins sont tous bien différents, ils sont aussi tous évolutifs et parfois inconstants, souvent totalement indépendamment de nos choix individuels. Il n’a jamais été question de niveler vers le bas ou de produire des « assistés » mais de garantir la juste répartition du produit des efforts collectifs.

Conclusion

La charité ne peut pas, et ne doit pas, être la voie libératrice pour les opprimés, car elle est résultante de toutes les contradictions qui la rendent paradoxalement utile. La charité (au sens laïc du terme) peut être, certes, utile à l’occasion mais doit être vue comme un moyen et jamais comme une fin car elle ne porte aucun espoir d’accomplir les transformations nécessaires pour résoudre les contradictions dont elle émane. Elle est donc à la fois, tragiquement, le palliatif qui garantit la subsistance de la maladie et parfois même lui permet de progresser indiciblement.

Et oui ! L’Etat bourgeois se sert aussi aussi de la charité pour justifier et amplifier les inégalités : Pensez aux déductions d’impôts des donneurs qui frappent indirectement au portefeuille les services publics (remarquez d’ailleurs que les dons ont drastiquement baissé quand l’ISF a été supprimé par le gouvernement Macron), pensez aux subventions aux associations de bénévoles pour éviter d’avoir à payer des fonctionnaires et donc diminuer l’emploi, etc. Les exemples sont légions, ils montrent le désengagement permanent de l’État de son devoir républicain et l’usage de la charité pour justifier celui-ci.

Les communistes sont républicains, c’est leur objectif que d’extraire l’intégralité du produit du travail des mains des exploiteurs et de le socialiser pour garantir enfin un système où les richesses produites soient librement partagées dans le respect de la liberté réelle, celle qui s’arrête à la capacité de soumettre un individu à un autre, l’égalité effective, celle qui garantit le partage des richesses et la solidarité concrète, qui garantit leur accès égal à celles et ceux qui en ont besoin. Dotons nous enfin d’une véritable République sociale.


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