Grand oral : une nouvelle épreuve du bac maintenue, inégalitaire et mal préparée

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Grand oral : une nouvelle épreuve du bac maintenue, inégalitaire et mal préparée

Cette année, l’épreuve phare du nouveau bac Blanquer qu’est le grand oral devrait faire son apparition. Du lundi 21 juin au vendredi 2 juillet 2021 les élèves de terminales sont prévenus qu’ils passeront devant le jury. Mais toutes les conditions sont-elles réunies pour que les quelques centaines de milliers d’élèves de terminales passent cette épreuve ?

LE GRAND ORAL C’EST QUOI ?

Depuis la dernière réforme du bac portée par Jean Michel Blanquer, en voie générale et technologique, les élèves de terminales passent à la fin de l’année un grand oral. Cette épreuve fait partie des 5 épreuves finales du baccalauréat (60% de la note finale) et compte avec un coefficient 10 en voie générale ou 14 en voie technologique. Cette épreuve dure 20 minutes et est précédée de 20 minutes de préparation. Cet oral, dit “de maturité”, est préparé en amont, dès la classe de première.

Comment se déroule ce grand oral ? Le peu de choses que l’on sait aujourd’hui est que, en voie générale, le candidat doit présenter au jury deux questions préparées avec ses professeurs et éventuellement avec d’autres élèves, qui portent sur ses deux spécialités, soit prises isolément, soit ensemble. Cependant, les professeurs rapportent une grande souplesse dans le choix des sujets, ce qui aiguille mal sur le sens éducatif réel de cette épreuve. Pour la voie technologique, ces questions doivent porter sur l’enseignement de spécialité. Le jury choisir une des deux questions préparées par l’élève et le candidat a ensuite 20 minutes de préparation pour répondre à cette question.

Pour ce qui est de la composition du jury, elle n’est pas très strict et compte notamment la possibilité que ce soit deux professeurs de disciplines différentes, dont l’un représente l’un des deux enseignements de spécialité du candidat et l’autre représente l’autre enseignement de spécialité ou l’un des enseignements communs, ou est professeur-documentaliste.

UNE ÉPREUVE CRITIQUÉE

Si l’on en croit les dires du gouvernement, cette épreuve a été conçue “pour permettre au candidat de montrer sa capacité à prendre la parole en public de façon claire et convaincante”. On nous dit aussi que ce sera l’occasion pour l’élève de montrer ses capacités argumentatives, et “la maturité de son projet de poursuite d’études, voire professionnel”.

Si beaucoup de termes restent encore flous, et semblent plutôt artificiels, la volonté de mettre la capacité à prendre la parole aisément au centre de nouveau bac est claire. Et parmi les nombreux autres problèmes de cette réforme, celui-ci avait déjà été pointé du doigt lors des manifestations contre la réforme Blanquer.

En effet des études réalisées en sociologie de l’éducation montrent comment les compétences orales d’un individu dépendent en grande partie de la classe sociale dont il est issu. Et ainsi plus la culture familiale est proche de la culture institutionnelle que l’on apprend à l’école, plus l’élève a les codes pour s’exprimer aisément sur les sujets abordés en classe. Par ce biais, la réforme Blanquer crée une inégalité sociale dans l’enseignement secondaire de plus, auquel elle ne compte pas trouver de solution.

De plus cette réforme illustre la politique globale de la réforme : l’individualisation des parcours et de la formation. Dans cette épreuve on cherche à valider l’élève sur sa capacité à mener à bien à projet personnel, et à l’exprimer seul en public, en plaçant cette capacité à 60% de la note finale. Cela rappelle fortement certains critères d’entrée dans le monde du travail et vient confirmer la dangerosité de cette épreuve.

De plus, le format de l’oral en lui-même entraîne une rupture avec l’anonymat que les nombreuses épreuves écrites donnaient avant. Sans s’en apercevoir, l’évaluateur pourrait avoir tendance à juger l’élève sur son apparence ou son savoir être, à travers ses propres codes sociaux à lui. Et comme la réforme prévoit que le jury soit composé de professeurs de l’élève ou de l’établissement, la neutralité du jugement peut être remise en question aussi.

En bref, une épreuve en harmonie avec un nouveau baccalauréat dont le maître-mot est le mérite et l’individualisation, et qui demanderait pour qu’il y ait une équité, de revoir en profondeur notre système éducatif. Cette épreuve participe aussi à faire du baccalauréat un diplôme d’établissement, en balayant la dimension nationale du baccalauréat, et en mettant en concurrence les établissements entre eux.

LE GRAND ORAL 2021

Les syndicats de professeurs alertent déjà depuis plusieurs mois sur les difficultés liées à la tenue de cette épreuve.

D’abord parce que les élèves comme les professeurs n’y sont pas préparés. On remarque d’abord une disparité de l’avancement dans les programmes dû au cours à distance mais aussi un très grand manque de formation des professeurs qui sont encore pour beaucoup perdu dans les missions que leur donne le ministère. De plus, la vaccination de la population n’allant pas assez vite, on craint que les élèves et les professeurs ne le soient pas en juin, et donc participe à répandre le virus.

Malgré toutes ces inquiétudes et l’échéance de l’épreuve qui arrive à grand pas, le ministère de l’Éducation nationale n’a toujours pas apporté de modification au sujet du grand oral.

Cependant, selon les informations du “Parisien”, il serait envisagé de faire baisser le coefficient, ne le faisant compter que pour 5% de la note finale plutôt que 10%.


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