Éoliennes en mer : quand le capitalisme prétend se mettre au vert

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Éoliennes en mer : quand le capitalisme prétend se mettre au vert

Depuis septembre, le parc éolien offshore de la baie de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) commence à produire de l’électricité. Sur les 62 éoliennes prévues, 35 sont installées, et 6 sont en activité.

Le projet, débuté en 2012, s’inscrit dans la volonté de l’État d’augmenter la part d’énergie renouvelable dans le mix énergétique français.

Débuts en douceur donc, pour le premier parc éolien en mer de Bretagne qui a déjà subi maints remous : arrêt des travaux dû à la covid, manifestations des marin-pêcheurs et autres problèmes techniques.

Les enjeux de la production électrique en Bretagne

Jusqu’en 2021, la part d’électricité importée d’autres régions en Bretagne était de 80 %, l’essentiel de la production électrique bretonne provenant des centrales à fioul ou au gaz du Finistère.

Les ambitions du nouveau parc sont grandes : couvrir 10 % des besoins électriques de la Bretagne. Et Agnès Panier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, venue en visite à Pleudaniel ce 29 septembre, l’affirme : “Cette électricité décarbonée va remplacer l’électricité faite à base de gaz, de fioul, d’autres énergies fossiles. L’ambition, c’est d’avoir d’ici à 2050 une cinquantaine de champs éoliens en France”.

Au maximum de sa capacité, le parc éolien pourra produire 1 850 Gigawattheures, soit l’équivalent de la consommation électrique de 835 000 habitants (¼ de la population bretonne). Mais c’est sans compter l’absence de solution de stockage de l’électricité éolienne, ni les aléas de l’éolien qui ne produit pas d’électricité lorsqu’il n’y a pas assez de vent, ou lorsqu’il y en a trop.

Cela n’empêche pas Emmanuel Rollin, directeur général d’Iberdorla, de se réjouir. “Les côtes bretonnes sont tout à fait favorables au développement de l’éolien en mer. Que ce soit posé ou flottant. Plusieurs appels d’offres de l’État qui sont en cours concernent la Bretagne”. La multinationale espagnole détient à 100 % Ailes Marines, la société française qui a remporté l’appel d’offre pour le parc offshore en baie de Saint-Brieuc.

Quand les éoliennes font plus de mal que de bien à l’environnement

En raison de sa grande biodiversité, la baie de Saint-Brieuc est une aire marine protégée. De nombreuses espèces, parfois protégées, y vivent ou viennent s’y reproduire. Des mesures strictes de protection de l’environnement sont prises, comme des réglementations de pêche par exemple.

Ainsi, en 2015, pour que les travaux puissent débuter, Ségolène Royal, ministre de l’Environnement de l’époque, a signé une prescription donnant droit à «  la destruction, l’altération, ou la dégradation de sites de reproduction ou d’aires de repos d’espèces protégées ». La prescription concerne 5 espèces de mammifères marins et 54 espèces d’oiseaux.

De quoi donner la puce à l’oreille aux marin-pêcheurs qui sont eux-mêmes soumis à de nombreuses contraintes et règlementations. Si les oiseaux et mammifères marins sont concernés, pourquoi pas les poissons et surtout l’or de la baie de Saint-Brieuc : la coquille Saint-Jacques ?

Il n’en faut pas plus pour que les syndicats se penchent sur les mesures d’impact environnemental effectuées par Iberdrola avant le début des travaux.

Le peu de données obtenu est consternant : manque de rigueur scientifique dans les expériences effectuées, absence d’expérimentations pour les espèces non commercialisées qui ont pourtant un rôle essentiel dans les réseaux trophiques.

Et lorsque l’on demande à Iberdrola ou Aile Marine le reste des résultats, ces entreprises refusent de les communiquer sous prétexte du secret industriel. Les intérêts environnementaux passent une fois de plus derrière les intérêts capitalistes.

Mais au cas où il aurait fallu des preuves supplémentaires, la phase de travaux vient nous en apporter. Des métaux lourds — toxiques et non dégradables — sont rejetés dans la baie. Les vibrations dues aux forages dépassent les normes réglementaires, car Iberdrola n’avait pas prévu que le fond de la baie soit composé de granite.

Et les nouvelles de nos voisins européens ne sont pas meilleures. Dans les autres parcs éoliens offshore, les scientifiques ont observé que les écosystèmes ne revenaient pas à la normale même après une dizaine d’années. Partout, on constate une perte de biodiversité et la colonisation par des espèces invasives.

Des alternatives moins envahissantes pour les écosystèmes marins

D’autres alternatives auraient pourtant pu être envisagées. Des dispositifs éoliens flottants auraient évité la dégradation du plancher océanique. Des systèmes utilisant la force marémotrice auraient permis la production continue d’électricité. Quel dommage de ne pas les développer alors que la Bretagne possède les plus grandes marées au monde.

L’urgence demeure la réalisation d’un mix énergétique réellement décarboné. Il doit allier les énergies renouvelables les moins nocives pour la biodiversité et notre parc nucléaire destiné à se renforcer. Pour cela, il est impératif que la recherche soit financée à hauteur afin que les sources d’électricité dont nous avons besoin soient les plus propres possibles.


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