Alors que la session d’admission 2023 de Parcoursup a pris fin le 14 septembre dernier, le gouvernement se livre à son exercice annuel d’autosatisfaction sur les résultats de la plateforme. Une propagande qui vise à légitimer la sélection sociale de la plateforme à coups de chiffres tronqués et de questions orientées.
La sélection parfaitement assumée
Dans sa communication autour de l’édition 2023 de Parcoursup, le gouvernement met en avant des chiffres explicites sur le caractère discriminant de la plateforme. Lorsque, sur la base d’un sondage, il se réjouit d’un taux de 76 % d’élèves “satisfaits” des propositions reçues, il assume clairement que pour les autres 24 %, soit plus de 150 000 lycéens, la plateforme ne fonctionne pas. De la même manière, le gouvernement vante le fait que 96,5 % des élèves aient obtenu au moins une proposition, sans jamais s’émouvoir du sort des 40 000 pour qui la page des résultats est restée inlassablement vide. On pourrait continuer longtemps à examiner ces chiffres qui cachent en réalité des inégalités profondes sur l’expérience de la sélection par les jeunes, mais s’il y a certes de la manipulation en partant de chiffres qui arrangent le gouvernement, il faut surtout voir ici une entreprise de normalisation de la sélection et de la concurrence entre élèves introduites par Parcoursup. À travers tout le baromètre et les éléments de communication, un message insidieux et cynique est omniprésent : Parcoursup n’est pas fait pour tout le monde. Et il est vrai qu’avec ’⅓ des élèves ne jugent qui jugent la procédure pas claire et ¼ qui disent avoir vécu la plateforme comme pire qu’ils l’avaient imaginé, beaucoup d’élèves sont laissés sur le côté. Mais le gouvernement s’en satisfait, car les plus “méritants” s’en sont sortis. Merci pour eux.
Plus de propositions ne veut pas dire moins de sélection
Le rapport vante aussi largement les progrès faits en termes de propositions formulées aux candidats. En effet, on constate une hausse de 12 % des propositions reçues par les candidats. Cette hausse se répercute ensuite logiquement sur les taux d’acceptation des propositions par les candidats. Il faudrait donc comprendre que la plateforme serait moins sélective. Mais l’explication est probablement à chercher ailleurs, car le nombre de formations proposées sur la plateforme a augmenté lui aussi de 10 %. Il semblerait alors logique qu’avec plus de formations proposées, plus de propositions soient faites aux candidats et que, donc, plus soient acceptées, sans que la sélection en soi atténuée. Au contraire, celle-ci est bien réelle, même si le Ministère voudrait nous faire croire que les élèves y consentent.
Des lycéens consentants à la sélection ?
Ainsi, le baromètre Parcoursup 2023 affirme que les “la philosophie de la plateforme plaît aux lycéens”. Mais de quelle philosophie parle-t-on ? Celle de la sélection généralisée ? De la discrimination en fonction du lycée d’origine ? Pour affirmer une telle allégation, les sondeurs ont demandé aux élèves si les éléments suivants de la plateforme leur avait “plu” : “le fait de trouver toutes les formations supérieures reconnues par l’État”, “le fait de donner des indications claires et homogènes pour chaque formation” ou encore “le fait de proposer un calendrier unique et une procédure dématérialisée”. Des éléments somme toute assez techniques, logiquement appréciés par les lycéens, mais qui n’ont pas grand-chose à voir avec la “philosophie” sélective de la plateforme.
D’ailleurs, lorsque les candidats sont interrogés sur le cœur de Parcoursup, ceux-ci se font beaucoup moins dithyrambiques. Le ministère se fait en effet plus discret sur les 83 % d’élèves qui trouvent la procédure stressante, sur les 51 % qui ne la trouvent pas transparente, ou encore sur le fait que 69 % considèrent que Parcoursup est injuste, car il ne traite pas les candidats de manière équitable. Une réalité qui, elle, ne s’apprécie pas à coups de sondages.
La sélection qui n’est pas dite
Car il y a aussi la sélection dont le gouvernement ne nous parle pas. Derrière, les 96 % de candidats ayant accepté une proposition, combien l’ont fait par défaut ? Combien, face à un rejet dans la formation de leur rêve, se sont rabattus sur une option de secours ? Combien aussi, ont quitté la plateforme avant la fin de la session et ne sont donc pas comptabilisés par le ministère ? Combien, enfin, ont été laissés aux portes de l’enseignement supérieur, car jugés pas assez méritants ou issus d’un lycée pas assez favorisé ? L’année dernière, ils étaient au final plus de 84 000 à quitter la plateforme sans aucune formation.
Timidement, mais surement, le gouvernement semble donc vouloir légitimer et banaliser la sélection comme mode d’orientation vers l’enseignement supérieur. Sélectionnez-les tous, donc, l’université reconnaîtra les siens.