Servir la soupe à la Joconde est-il pire qu’assiéger Paris ?

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Servir la soupe à la Joconde est-il pire qu’assiéger Paris ?

Victime d’un attentat pâtissier en mai 2022, Mona Lisa a pu goûter cette semaine à la soupe au potiron. Les deux militantes coupables des jets de potage revendiquent un droit à l’alimentation saine et durable, en plein siège de la capitale par les agriculteurs. Les revendications autour des questions environnementales permettent aujourd’hui de tourner les projecteurs vers les formes de militantisme qui les portent.

Deux poids, deux mesures ?

L’Avant-Garde est revenue récemment sur la perception par l’opinion publique de la mobilisation des agriculteurs. Une chose en ressort : pour des actes plus violents, plus radicaux que ceux habituellement rencontrés dans les mobilisations, le soutien de la population est plus fort.

Ce soutien s’explique naturellement par la façon dont les Françaises et les Français perçoivent le milieu agricole lui-même. Travail pénible, ingrat, peu rémunérateur et contraignant… et pourtant vital et caractéristique d’une France rurale chère à beaucoup. Les travailleurs de la terre ont l’avantage d’être chéris, et le gouvernement en profite.

Depuis le début de la mobilisation, Gérald Darmanin ne cesse d’affirmer qu’il n’y pas deux poids, deux mesures face aux actions des agriculteurs, dont le siège de Paris est le paroxysme. Car ce sont des gens qui travaillent, leurs coups de sang sont légitimes. Et personne ne pourra effectivement nier la légitimité de la colère des agriculteurs.

Pour autant, la démarche de la droite est loin d’être sincère. Soucieuse de préserver son image auprès de l’électorat rural et paysan, tout est bon pour se faire une virginité après avoir pourtant conçu une grande partie des textes qui ont plongé les agriculteurs dans la précarité qu’ils connaissent aujourd’hui.

C’est surtout à une démarche de division du monde du travail que procèdent les libéraux. En opposant la ruralité, les travailleurs de la terre avec les travailleurs urbains, tertiaires, le gouvernement fait le jeu du capital. N’étaient-ce pas des travailleurs qui se mobilisaient contre la réforme des retraites ? Leur “coup de sang” n’était-il pas légitime ? À l’heure où la CGT RATP dépose un préavis de grève de 7 mois, nous verrons bien le traitement que lui réservera la droite.

Comment militer pour l’environnement ?

Alors, l’opinion publique est-elle injuste envers les militantes écologistes qui ont recouvert la Joconde de soupe ? Envers ceux qui se sont rendus à Sainte-Soline pour manifester contre les mégabassines ? La réponse est complexe et n’est certainement pas binaire.

La crise environnementale est une problématique largement connue par la population française. Beaucoup reconnaissent que des changements seront nécessaires à l’avenir pour préserver la nature et nos modes de vie. Un boulevard devrait alors se dérouler devant les militants de la cause écologique pour renforcer l’attention sur ce sujet.

Mais comme l’actualité l’a montré, les actions ciblées sur l’écologie sont accueillies moins favorablement que la mobilisation des agriculteurs, plus radicaux dans leurs méthodes. Pour cause : elles sont menées bien moins intelligemment, et le gouvernement en profite.

L’action au Louvre a été menée en faveur d’un droit à une alimentation saine et durable et d’un changement radical de société sur le plan climatique et social. Les militantes de “Riposte alimentaire”, sans dégrader d’ailleurs le tableau de Léonard de Vinci, ont dénoncé un système agricole malade. Très à propos par les temps qui courent.

Malgré ce contexte favorable, les deux activistes ont fait passer le mauvais message. Comme il est de coutume depuis quelques années, c’est en opposant l’art aux besoins essentiels, en agissant individuellement sans organiser le combat collectif, en revêtant une attitude pseudo-subversive que ces personnes ont choisi d’agir. Pas étonnant que la droite instrumentalise ces postures pour attiser le rejet de ce combat par la population.

Ainsi, l’opinion publique n’est pas injuste envers les militants écologistes. Ce sont nos dirigeants qui le sont, en admettant “deux poids, deux mesures”. Et à la question de savoir si servir la soupe à la Joconde est pire que faire le siège de Paris, nous répondrons bien entendu que non. C’est, en revanche, bien moins intelligent : preuve que l’action écologique ne prospérera qu’en intégrant de façon concertée tous les enjeux de classe qui lui sont intimement liés.


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