Rapport sur Parcoursup : l’opacité et les inégalités confirmées

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Rapport sur Parcoursup : l’opacité et les inégalités confirmées

Comme chaque année depuis la création de la plateforme, le Comité éthique et scientifique de Parcoursup a rendu son rapport. Composition du comité oblige, celui-ci se garde bien de remettre en question le bien-fondé de la plateforme de sélection. Mais il émet des critiques et réserves qui rejoignent celles des syndicalistes, politiques et personnalités. 

Composé d’enseignants-chercheurs et de fonctionnaires de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur et de la recherche, ce comité est chargé de formuler des recommandations annuelles sur la plateforme de sélection du gouvernement. Cette année, son rapport traite pêle-mêle de la question des critères de sélection, de la place des élèves en réorientation sur la plateforme, des modalités d’évaluations ou encore de la qualité des formations des écoles privées proposées. 

Un lycée transformé en classe préparatoire 

“Faut-il choisir entre le baccalauréat et la préparation à l’enseignement supérieur ?”. C’est la question que se pose le Comité dans le premier chapitre de son rapport. En effet, avec le décalage des épreuves terminales au mois de juin suite au mécontentement des élèves et des professeurs à propos des épreuves terminales en mars, l’intégralité de la sélection se fait par le contrôle continu. De quoi alerter les experts sur un contrôle continu qui risquerait de renforcer les inégalités entre élèves et établissements, en raison d’une absence de notes “ standardisées, indépendantes de la façon de noter de chaque professeur et de chaque lycée”. Une manière de reconnaître que le contrôle continu est une modalité parfaitement inégalitaire et source de stress, quoiqu’ont pu en dire les – rares – défenseurs de la réforme du bac.

Le comité plaide donc pour la mise en place de “banques d’épreuves standardisées pour les lycées” permettant d’évaluer les élèves, certes en contrôle continu, mais avec les mêmes épreuves pour toutes et tous. 

Mais surtout, celui-ci appelle à une “évolution nécessaire, mais longue et difficile, de la finalité des classes du lycée général”. Il faudrait ainsi faire du lycée une classe préparatoire pour l’enseignement supérieur. Une recommandation qui s’inscrit parfaitement dans la logique de Parcoursup et de la réforme Blanquer : en finir avec le lycée comme un lieu de formation générale permettant d’offrir un socle commun de connaissances et de compétences. C’est ainsi le sens des spécialités qui n’ont eu pour effet que de renforcer l’hyperspécialisation et la reproduction sociale et de genre. Le lycée se voit alors transformé en une classe préparatoire, dans laquelle n’ont vocation à réussir que les meilleurs élèves qui auront ensuite la chance d’être sélectionné par Parcoursup. La boucle est bouclée.  

Des critères de sélection toujours aussi opaques et injustes

Lorsque l’on s’intéresse au cœur de la machine Parcoursup, on en arrive très rapidement à l’épineuse question des critères de sélection, appelés “critères d’analyses” dans la langue de la plateforme. 

Là encore, le bât blesse puisque le Comité pointe du doigt une absence quasi-totale de transparence sur les critères des établissements. Deux semblent particulièrement tus. Les formations semblent frileuses des formations à assumer l’obligation faite aux candidats de suivre certaines spécialités pour les rejoindre. Un critère non assumé, semble-t-il, en raison d’injonctions contradictoires du gouvernement. Lors de la mise en place de la plateforme, le ministère de l’Éducation nationale répétait à qui voulait l’entendre que le choix des spécialités ne serait jamais un critère déterminant dans la sélection. Plusieurs années plus tard, force est de constater que cela est le cas. Le rapport invite donc les établissements d’enseignement supérieur à “assumer politiquement que le parcours antérieur de l’élève ne donne pas la même probabilité d’accès, et de réussite, dans toutes les formations du supérieur”. Un effort de transparence louable, mais dont on peut légitimement contester la logique de fond. En effet, accepter ce critère revient alors à enfermer les lycéennes et lycéens dans les choix de spécialités, parfois effectués par défauts, et très souvent déterminés par leur origine sociale ou leur genre. Ainsi, un mauvais choix fait en fin d’année de première se paie cash au moment de formuler ses vœux sur Parcoursup, et prive des milliers de jeunes des études et métiers de leurs rêves. 

Le rapport met aussi en lumière la pratique de “redressement des notes en fonction du lycée d’origine sur la seule base de la rumeur”, entendez par la prise en compte de la réputation du lycée d’origine. Il s’agit là d’un véritable secret de polichinelle tant la pratique est connue et répandue, bien que dissimulée, car potentiellement illégale. Concrètement, des formations vont venir baisser ou monter la moyenne d’un élève selon que son établissement d’origine est considéré comme “bon” ou non. Une pratique de ségrégation sociale, parfaitement antirépublicaine, que le comité qualifie timidement comme représentant un “risque juridique”. Cette dérive est pourtant largement documentée et dénoncée depuis des années par différents acteurs, parmi lesquels le Défenseur des droits depuis 2019.

Étudiants en réorientation : mission quasi impossible

Le Comité scientifique s’attarde cette année aussi sur la question des étudiants en réorientation sur la plateforme, contraints, eux aussi, de repasser par Parcoursup, indépendamment de leur parcours universitaire. Cela conduit inévitablement à un effet de saturation, dont ils sont les premiers à payer le prix. Si 75 % d’entre eux reçoivent au moins une proposition d’affectation (ce qui est moins que la moyenne générale), moins d’1 sur 2 quitte la plateforme en acceptant une offre. Le résultat donc d’une procédure de sélection ne leur proposant pas les formations réellement souhaitées, voir ne leur en proposant pas du tout. Une sélection à rebours donc, qui frappe durement les élèves issus de BTS, dont près de la moitié n’obtiennent aucune proposition sur Parcoursup.

Il y a fort à parier que ce rapport donnera lieu à quelques timides annonces d’évolutions de la plateforme lors de la prochaine rentrée. Des améliorations déjà qualifiées de “bien trop fragiles” par Rémy Reynaud, secrétaire national à la CGT Educ’action pour qui “ce rapport se garde de questionner le fond du problème : les effets destructeurs engendrés par l’existence même de cette plateforme”. 


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