Le 20 mai dernier, Sylvie Retailleau a été nommée ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. C’est la première fois qu’elle accède à un poste dans un gouvernement. Mais qui est la nouvelle ministre de l’ESR ?
Comme sa prédécesseure, Frédérique Vidal, elle est enseignante-chercheuse dans le domaine scientifique. Elle fait d’abord des études en classes préparatoires près de Nice, d’où elle est originaire. Elle intègre ensuite le département EEA (Électronique, électrotechnique et automatique) de l’ENS Cachan à l’université Paris-Saclay. Elle passe l’agrégation de sciences physiques, obtient un doctorat en sciences à l’université Paris-Sud en 1992. Université dont elle est depuis 2020, la présidente.
Présidente d’une université à deux vitesses et compétitive
Depuis 2020, l’UPS comporte une première voie, sélective, composée d’exigeantes licences doubles diplômes, et une seconde, l’École universitaire Paris-Saclay, ouverte à tous les bacheliers. Les licences ouvertes à tous ont d’ailleurs été relayées dans les annexes de l’université située en banlieue parisienne, alors que les étudiants de la première voie d’excellence sont eux restés sur le plateau de Saclay.
La volonté était tout assumée : faire évoluer l’établissement dans les classements internationaux, en sélectionnant le plus tôt possible les étudiants. On peut tout aussi bien imaginer que ce projet est aussi un test qui pourrait amener une loi future et accentuer la course à l’université d’excellence et de recherche intensive.
Un projet initié par Sylvie Retailleau, en complète adéquation avec la loi de programmation de la recherche. D’ailleurs, celle-ci avait déclaré lors d’une audition au Sénat, le 28 avril 2022, que la LPR est « un bon début » de réinvestissement, mais « le rythme et la durée sont certainement à revoir » et des mesures sont à « amplifier » pour permettre à la France de « rattraper la concurrence ».
Vidal en pire ?
Sa vision de l’ESR est en complet accord avec les réformes menées par les gouvernements précédents. Pour elle, il est urgent de « conforter les formations à l’entrepreneuriat à tous les niveaux, dès la licence. Mais il faut aussi faire évoluer nos formations pour y développer la curiosité, la notion de risque et la capacité d’adaptation à un marché du travail qui évolue de plus en plus vite ».
Cela passe pour elle par créer des « écosystème » de sites universitaires, proche de sites d’industrie et d’entreprise. Ce qui permettrait de « répondre à l’immense enjeu des compétences ».
En bref : créer une université à deux vitesses, qui s’adapte au « marché du travail » en formant directement les étudiants à répondre aux demandes de compétences des entreprises, au lieu de donner un enseignement de connaissances.
Sur les promesses de Renaissance concernant l’ESR, le programme reste flou, cependant une volonté reste affirmée : continuer dans la lignée de la dernière ministre en mettant en place et en renforçant la LPPR. Pour cela Sylvie Retailleau est toute choisie.
L’ombre de la précarité étudiante
En ce qui concerne la précarité étudiante, Emmanuel Macron a indiqué vouloir s’attaquer « tout de suite » à la réforme des bourses, qui devait faire l’objet du précédent quinquennat, mais qui n’a jamais abouti.
« Je veux refonder le système des bourses et des APL parce qu’il y a beaucoup de jeunes qui, quand ils ne peuvent plus vivre chez leurs parents, ne sont pas aidés comme il faut », a-t-il déclaré. Voilà une tâche ardue, insuffisante bien évidemment, mais cependant nécessaire à laquelle Mme Retailleau devrait s’atteler.
Cependant, d’après les étudiants de « Saclay en lutte », c’est loin d’être une priorité pour notre nouvelle ministre. Les étudiants du collectif ont interpellé la présidente de l’université à l’occasion de la « Week of Innovative Regions in Europe », le mercredi 11 mai 2022. Dans leur tribune on peut lire notamment « Que dire de la précarité étudiante qui invalide d’emblée tout pseudodiscours sur l’égalité des chances, précarité amplifiée par la baisse des APL décidée par le gouvernement ? ».
Discours et rhétoriques sont omniprésents dans la communication du nouveau gouvernement lorsque celui-ci s’exprime pour parler de l’éducation en général, et en particulier pour l’ESR.
Pas de changement de cap
En bref, on ne prend pas les mêmes, mais on recommence quand même. Le cap ne change pas, et Sylvie Retailleau pourrait bien, pendant ces 5 années à venir, signer l’arrêt de mort de l’ESR tel que nous le connaissions. Celui que les organisations et syndicats, étudiants comme professeurs voudraient : un ESR public, doté de moyens à la hauteur des missions à remplir, gratuit, avec la même offre sur l’ensemble du territoire, sans pôle de recherche et d’enseignement d’excellence. Une université qui sert le bien commun, et non l’intérêt du capital dans la course internationale à l’innovation technologique.
De plus, le projet de plateforme de sélection pour l’entrée en master est toujours dans les cartons, et Sylvie Retailleau sera sûrement chargée de mener ce projet à terme. Les étudiants peuvent se préparer à une rentrée sociale chargée.