Quand le patronat instrumentalise l’immigration

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Quand le patronat instrumentalise l’immigration

La situation des travailleuses et travailleurs immigrés est savamment instrumentalisée par l’extrême droite pour nourrir son récit réactionnaire. Ces travailleurs sont autant des voleurs d’emplois que des profiteurs fainéants, aux yeux de ceux qui dépeignent une France transformée en un grand “guichet social”, pour reprendre les mots de Jordan Bardella.

D’autres diront qu’il faut, au contraire, se réjouir du fait que ces immigrés occupent ces emplois « que les Français ne veulent plus faire ». Et cela, sans se questionner sur les raisons de la fuite, ou tentative de fuite, des travailleurs français de ces secteurs d’activité.

Explorons ces fantasmes, confrontons-nous au réel et interrogeons-nous : à qui profite le crime ?

Surreprésentation dans les secteurs aux conditions de travail dégradées

En France, la part de travailleurs immigrés est de 10,2 %. Mais leur proportion varie significativement selon le secteur d’activité. On compte, par exemple, 38,8 % de travailleurs immigrés chez les employés de maison, 27 % chez les ouvriers non qualifiés du bâtiment, ou encore 22 % chez les cuisiniers.

Une situation exacerbée dans les grandes métropoles. À Paris, 61,4 % des employés de maison sont des immigrés, 61 % des ouvriers non qualifiés du bâtiment et 50 % des cuisiniers.

Les taux de syndicalisation y sont particulièrement faibles. Alors que la moyenne nationale était de 7,8 % en 2023, le secteur de la construction ne comptait que 3,4 % de travailleurs syndiqués, et l’hôtellerie-restauration seulement 4 % la même année.

Quels sont les points communs de ces secteurs à forte part de travailleurs immigrés ? Des conditions de travail dégradées, des salaires de misère et des outils de défense des salariés particulièrement faibles.

Nous retrouvons ici tous les symptômes du “travail que les Français ne veulent plus faire”, les fameux “métiers en tension”.

À qui profite le crime ?

En 2023, le président du Medef, Patrick Martin, est interviewé sur Radio Classique : “Je lance un appel à augmenter l’immigration pour lutter contre la pénurie de main-d’œuvre dans les métiers en tension.”

Le patron des patrons ne s’en cache pas. La situation de précarité, à la fois administrative et sociale, dans laquelle sont laissés les travailleurs immigrés lui est souhaitable. Qui serait mieux disposé à se soumettre à des conditions de travail indignes et à des salaires de misère, sinon ceux qui n’en ont pas le choix ?

Les Français ne s’y trompent pas. Lorsque l’Ifop les interroge pour savoir s’ils estiment que l’immigration économique permet au patronat de tirer les salaires vers le bas, 71 % d’entre eux répondent positivement.

Le marché et ses maîtres ne suivent qu’une seule boussole. Aucune question morale n’est ici posée quant à l’accueil, ou non, des immigrés.

Quelle folle idée, alors, de se réjouir de cette situation ? Comment se satisfaire d’un “heureusement qu’ils sont là” ?

Les travailleuses et travailleurs organisés, eux, ne s’y trompent pas. Tout en dénonçant la stratégie de division des travailleurs par le patronat et ses représentants, la CGT déclare que Les travailleurs migrants font partie intégrante de la classe ouvrière de ce pays. À ce titre, le syndicat revendique l’égalité de traitement de tous les travailleurs.

Contre l’instrumentalisation des travailleurs immigrés, la meilleure solution semble toujours bien être l’unité de classe…


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