S’il y a bien une mesure qui fait parler d’elle depuis le début de l’année à Paris, c’est bien l’encadrement des loyers du parc privé. Ian Brossat, porte-parole du PCF, mais également adjoint à la maire de Paris en charge du logement, nous a accordé un entretien pour revenir sur cette mesure.
Vous avez récemment adopté une nouvelle stratégie logement, en quoi consiste-t-elle ?
J’ai souhaité fixer un nouveau cap pour le logement à Paris. Cette nouvelle stratégie logement nous permet de planifier notre activité politique pour les douze prochaines années. Nous sommes partis d’un constat, la spéculation immobilière pousse de plus en plus de travailleurs, de familles, de jeunes à vivre en dehors des murs de notre ville. Il est devenu de plus en plus compliqué pour des Parisiens de se loger à Paris. Cette stratégie logement veut mettre un terme à ce phénomène.
On pourrait la résumer autour d’une grande et belle ambition : permettre à celles et ceux qui font tourner notre ville quotidiennement et aux populations les plus fragiles de vivre ici dans la capitale. Pour répondre à cette ambition, nous souhaitons activer deux leviers : le développement de l’offre de logement public et l’encadrement des loyers dans le parc privé.
Premièrement, concernant la production de logements publics. Aujourd’hui, environ 25 % des logements à Paris sont des logements sociaux contre 13 % lorsque la gauche est arrivée en responsabilité en 2001. J’ai fixé comme ambition d’arriver à 40 % de logements publics, dont 30 % de logements sociaux à l’horizon 2035. L’accroissement du parc social permet de sortir des logements de la voracité du marché privé et de la spéculation immobilière et de permettre à des Parisiens de vivre dignement dans des logements à bas coûts.
Deuxièmement, la mise en place de l’encadrement des loyers du parc privé. Aujourd’hui, 45 % des Parisiens vivent dans le parc locatif privé. Ces locataires se retrouvent trop souvent livrés à eux-mêmes face à des loyers qui peuvent paraître parfois exorbitants. Très vite, nous avons souhaité agir. En 2019, la ville de Paris est devenue la première ville à mettre en place l’encadrement des loyers. Depuis sa mise en place, les baux signés dans le parc privé sont soumis à un encadrement des loyers fixant un montant plafond des loyers. Jusqu’à peu, cette compétence était détenue par l’État, mais depuis le 1er janvier 2023, nous sommes devenue la première collectivité à avoir récupéré cette compétence.
Pourquoi avoir mis en place l’encadrement des loyers à Paris ?
Comme je l’ai dit, une majorité relative de Parisiens habitent encore dans le parc locatif privé. Nous refusons d’abandonner ces foyers. Dès que la loi nous l’a permis, nous avons mis en place l’encadrement des loyers.
Cet encadrement a permis de mettre en place des montants plafonds pour les loyers du parc privé. Ce prix est fixé par la préfecture en fonction de critères tels que l’emplacement géographique, le nombre de pièces ou encore l’année de construction. Sa mise en place en 2019 a permis de stopper l’augmentation des loyers, mais pas encore de les faire baisser. Encore aujourd’hui, on estime que près d’un logement sur trois dans le parc privé à Paris ne respecte pas cet encadrement des loyers.
Sans surprise, ce sont les plus petits appartements qui sont les premiers concernés par les dépassements de loyers. Par conséquent, c’est la double peine pour les jeunes et les populations les plus précaires : d’un côté ils vivent dans des petites surfaces, de l’autre ce sont ces populations qui paient leur loyer le plus cher au m². Cette situation est insupportable. Je refuse de voir les locataires du parc privé les plus précaires délaissés face à un marché particulièrement avide et cupide. Par conséquent, nous avons demandé un transfert de compétence.
Quel est l’intérêt de ce transfert de compétence ?
Aujourd’hui, un tiers des annonces de locations affichent un dépassement de loyers. Ce bilan peut s’expliquer pour plusieurs raisons, j’en identifie deux principales : premièrement, les locataires ne connaissent pas le dispositif, deuxièmement, les démarches peuvent paraître fastidieuses et compliquées.
Ces raisons nous ont poussés à demander la délégation de compétence concernant l’encadrement des loyers. Après des discussions avec les services de l’État, l’arrêté a été signé le 24 décembre dernier et est entré en vigueur le 1er janvier 2023. Depuis cette date, la ville a la possibilité de prononcer des amendes à l’encontre des propriétaires ne respectant pas la loi. En récupérant la compétence, nous souhaitons profiter de notre proximité avec les habitants pour faire connaître le dispositif tout en facilitant les démarches, ainsi nous avons mis en place une plateforme de signalement permettant de faciliter et d’accélérer les démarches de signalements pour les locataires .
Avez-vous déjà des retours positifs sur cette délégation de compétence ?
Bien sûr, au-delà même de nos espérances. Le 10 février dernier, nous avions d’ores et déjà récolté 215 signalements sur la plateforme mise en place par la ville de Paris. Pour information l’État en avait recueilli 120 en trois ans. Je suis en train de signer les toutes premières mises en demeure à destination des propriétaires. Les propriétaires concernés vont non seulement devoir baisser leur loyer pour que celui-ci rentre dans les clous de la loi, mais ils devront également verser le trop-perçu.
Je vous donne un exemple de mise en demeure signée il y a quelques jours. Un locataire du 11e arrondissement vivant dans un deux-pièces de 32 m² a déposé un signalement sur notre plateforme. Après vérification des services de la ville, son loyer dépasse bien le plafond autorisé de 227 € par mois. Le propriétaire va désormais devoir régulariser le bail, ce qui représentera 2 724 € par an d’économie pour le locataire. En plus de la régularisation du bail, le propriétaire va devoir rembourser le trop-perçu, ce locataire occupant l’appartement depuis 29 mois, il doit lui rembourser 6 583 €.
Comment signaler son dépassement de loyers ?
C’est très simple, il suffit de se rendre sur la plateforme mise en place par la ville de paris.
Chaque locataire peut vérifier en moins de deux minutes si son loyer respecte l’encadrement ou non. Si ce n’est pas le cas, chaque locataire peut déposer un dossier de signalement. Ensuite la ville de Paris s’occupe du reste, nous traitons les signalements, mettons en demeure les propriétaires ne respectant pas l’encadrement des loyers. Ils ont alors deux mois pour rembourser le trop-perçu et mettre leur bail aux normes. Sans réponse de leur part, la ville pourra alors prononcer une amende allant de 5 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale.
Aujourd’hui, notre principal enjeu est de faire connaître cette plateforme et d’inciter les locataires à vérifier si leur loyer respecte l’encadrement. Si nous arrivons à faire appliquer ce dispositif et à le faire connaître à grande échelle, les montants des loyers parisiens devraient commencer à diminuer.