Depuis la pandémie de covid-19, les établissements culturels ne semblent plus faire partie de l’équation. Le deuxième confinement a plongé le monde de la culture dans une longue descente aux enfers. Les mesures de prolongations des droits d’intermittence sont insuffisantes. Pourtant la consommation culturelle des Français et des Françaises a largement augmenté durant les deux périodes de confinement.
Une période pourtant propice à la culture
En mars dernier, le premier confinement était annoncé par le président et une grande partie de la population devait rester à la maison.
Après deux semaines de confinement, les internautes interrogés par Hadopi étaient 84% à dire avoir une consommation culturelle dématérialisée (81% en 2019) pour augmenter ensuite jusqu’à 89% à la quatrième semaine de confinement. Nous observions donc une augmentation de 5 points en quinze jours et de 8 points en un an. La consommation culturelle dématérialisée s’est donc retrouvée au cœur de la vie de nombre de gens pendant cette période difficile, sans compter les activités culturelles elles aussi plus pratiquées qu’habituellement.
En effet, selon une étude réalisée par le ministère de la culture sur les pratiques culturelles pendant le confinement (en les mettant en perspective avec les chiffres réalisés en 2018), celui-ci a favorisé l’accès aux biens et services culturels numériques, et modifié nos activités. Elle révèle plus de pratiques amateures de tout genre, que ce soit la musique, la danse, la peinture, le dessin, le montage vidéo et audio, l’histoire… Et le léger changement qui s’opère par rapport à 2018, c’est l’augmentation du nombre de jeunes et d’ouvriers à en pratiquer.
De plus « 53 % des internautes français placent la consommation des biens culturels en tête des activités indispensables à l’équilibre personnel quelle que soit leur tranche d’âge », (et cela devant les activités sportives) annonce l’Hadopi à l’issue d’un baromètre « Sur les pratiques culturelles à domicile en période de confinement » (Ifop, 7 avril 2020).
La culture comme bien essentiel
Le gouvernement, en empêchant la réouverture des salles de spectacles, des cinémas, etc, sans alternative laisse entendre que la création culturelle matérielle n’est pas un bien essentiel.
Cela même si les chiffres de la consommation plus haut démontrent que les citoyens pensent le contraire.
Il est dit depuis longtemps par les sciences sociales que la culture est essentielle à toutes populations, et que la pratique et diffusion des arts permet à une population de s’épanouir, de se créer des codes communs, ainsi que de déconstruire certains schéma sociaux.
Si la culture ne rapporte pas autant d’argent que le voudrait le gouvernement, elle est essentielle dans les outils de compréhension du monde qu’elle nous donne, notamment pour comprendre ce qu’il faut changer.
Le poids économique direct de la culture s’est stabilisé autour de 2,3 % de l’ensemble de l’économie depuis 2013. Cependant, avec un budget de 3,6 milliards d’euros pour 2020 (budget allongé depuis pour faire face à la crise sanitaire), et près de 380 237 salariés des secteurs de l’enseignement culturel et du secteur marchand de la culture, la culture est un gros secteur économique (Insee, 2017). Un secteur qui bénéficie d’ailleurs d’une dynamique jeune car l’âge moyen est de 37 ans. Si ce secteur d’autre part n’est pas beaucoup syndiqué, il peut bien souvent être impliqué dans les mouvements sociaux. Même l’argument du maintien des activités économiques au détriment des loisirs et rencontres pour sauver l’économie ne tient pas vraiment quand on voit l’importance de la culture dans l’économie et l’emploi de notre pays.
Qu’en est-il de la culture subversive ?
La culture, c’est aussi tout un monde de contestation artistique, qui depuis des mois peine à pouvoir se renouveler et se montrer.
En effet, si les géants de la diffusion de culture dématérialisée comme Netflix ont su bénéficier largement d’une augmentation de leur abonnement pendant le premier confinement (15,8 millions de nouveaux abonnés payants de janvier à mars, contre 9,6 millions sur la même période l’année dernière), ce n’est pas le cas de beaucoup d’autres plateformes diffusant des contenus plus contestataires, comme Imago et CinéMutins.
Il en était de même l’été dernier, quand le Puy du Fou était autorisé à rouvrir ses portes (et cela même s’ il comptabilise plus de 900 visites par jour) mais pas les salles de spectacles, ainsi que certains événements plus petits. La culture, en tant qu’outil de luttes et d’espace de débat et de contradiction ne doit pas rester muselée par un gouvernement plutôt flou sur l’avenir du monde des arts.
Le gouvernement n’apporte aucune réponse
Au premier confinement comme au deuxième, nos dirigeants n’apportent que de mauvaises réponses aux questionnements et aux inquiétudes des acteurs de la culture.
D’abord en mai, Emmanuel Macron nous parle de “bon sens” et de créativité” en laissant dire qu’il faut “inventer d’autres formes de culture, un autre rapport avec le public”, en septembre celui-ci nous dit qu’il faut “enfourcher le tigre” sans aucune aide concrète apportée, pour ensuite annoncer la non réouverture des lieux culturels en décembre sans même chercher à trouver des solutions sanitaires permettant leur réouverture.
Ce n’est pas que notre gouvernement n’entend pas la colère des intermittents et des autres professionnels de la culture, c’est qu’il ne veut pas entendre. Considérer la culture comme non essentielle, c’est condamner un outil d’évolution des consciences et de représentation des problématiques sociétales à la mort. Espérons donc que les luttes du monde de la culture soient victorieuses et remettent la culture au rang qui lui est dû.