Un an après le cessez le feu conclue entre le gouvernement colombien et les FARC, un petit bon en arrière de 70 ans semble nécessaire pour comprendre le conflit colombien, ses origines et les enjeux de sa résolution.
Le 6 octobre 2016, avec une très courte majorité et dans un contexte d’abstention massive, les colombiens refusaient l’accord de paix signé à la Havane entre le gouvernement colombien et les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie – Armée du Peuple (FARC-EP). Toutefois le cessez le feu est toujours en vigueur et le gouvernement colombien comme les FARCS se déclarent en faveur d’un processus de paix.
Une lutte vieille d’un demi-siècle
La guerre civile colombienne trouve ses origines dans les années 1950, durant la période de la Violencia.
À la suite de l’assassinat du candidat de gauche aux présidentielles, Jorge Eliécer Gaitan, très populaire dans le pays, des émeutes énormes éclatent. Ce conflit voit alors s’affronter libéraux et conservateurs au pouvoir. Ces derniers mettant en place une politique d’exaction face à leurs opposants. Les populations de villages entiers sont exterminées du fait de leur appartenance aux partis libéral ou communiste. Le conflit prend fin en 1958 suite à un accord entre les deux principaux partis qui décident d’alterner le pouvoir tous les 4 ans afin de mettre fin à une guerre civile qui a déjà fait plus de 300 000 morts.
C’est dans ce contexte de massacres, que naissent les FARC (Fuerzas Armadas Revolutionarias de Colombia). Milices d’auto-défense paysannes face aux exactions conservatrices dans un premier temps, ces groupes se transforment ensuite en guérilla. L’exclusion du Parti Communiste Colombien et des organisations paysannes et syndicales du jeu démocratique entraîne alors cette stratégie de conquête du pouvoir par la voie armée.
Une classe possédante violente et prête à tout pour conserver le pouvoir
Face aux différentes guérillas se développant dans le pays (FARC, EP, ELN, EPL), l’armée colombienne n’est pas en capacité de faire face aux différents fronts.
En 1965, un décret autorise le ministère de la guerre à « armer des groupes de civils avec un matériel habituellement réservé aux forces armées ». De nombreux groupes paramilitaires liés au pouvoir en place, aux grands propriétaires terriens ou aux groupes de narcotrafiquants se mettent en place. Mais ces groupes ne restreignent pas leur activité à la lutte anticommuniste. Des pressions sont faites sur des milliers de paysans pour qu’ils cèdent leurs terres pour des bouchées de pains afin d’agrandir les latifundia, grandes propriétés terriennes. Favorisant la tactique d’attaque des civiles vivant dans les zones de guérilla, les paramilitaires sont aujourd’hui, selon la justice colombienne, responsables de 150 000 assassinats.
Des villages entiers ont ainsi été détruits et leurs populations exécutées entraînant le déplacement de 6 millions de colombiens, fuyant les combats. Les tristement célèbres AUC (Autodéfenses Unies de Colombie), qui fusionnent en 1990 une grande partie des groupes paramilitaires, sont connus pour avoir répandu une terreur totale dans le pays en découpant leurs opposants à la tronçonneuse et en se débarrassant des corps grâce à l’utilisation de fours crématoires dans la forêt amazonienne.
Des accords de paix au génocide des militants marxistes
Face à l’exclusion des organisations révolutionnaires et progressistes, la construction d’un rapport de force par la lutte armée permet aux FARC d’accéder à des accords, prévoyant leur participation au jeu électoral en 1981. L’Union Patriotique (UP), parti marxiste, est alors créé.
Suite à une coalition avec le Parti Communiste Colombien, cette formation connaît rapidement des succès électoraux effrayant le gouvernement en place et les classes possédantes colombiennes. Les forces paramilitaires financées par la bourgeoisie colombienne alliées avec l’armée régulière mettent en place une véritable traque contre les militants progressistes.
Entre 3600 et 5000 membres de ces organisations sont assassinés allant du simple militant, passant par les maires nouvellement élus et ce jusqu’aux sénateurs du mouvement.
Forces Paramilitaires et narcotrafiquants : les principaux dangers pour la paix
Suite au dépôt des armes par les FARC dernièrement, les forces paramilitaires narcotraficantes investissent les territoires jusqu’ici sous contrôle de la guérilla. Les populations de ces zones, souvent pauvres ou issues de minorités discriminées dans le pays (afro-colombiennes ou indigènes américains), soutenaient la guérilla qui les protégeait des forces paramilitaires.
En l’absence de protection solide mise en place par le gouvernement, ces territoires risquent de subir de nouvelles expéditions vengeresses de l’extrême droite. Le risque est de voir de nouveaux déplacements dus à des pressions sur les populations pour qu’ils abandonnent des terres souvent stratégiques pour le narcotrafic.
Si les forces paramilitaires sont censées avoir rendu les armes depuis 2014 suite un démantèlement lancé par le gouvernement colombien, la réalité est toute autre. Discrètes ces dernières années, ces groupes ont refait surface lors du lancement des négociations de la Havane. Prévoyant le retour des FARC dans le jeu politique national, les milices se sont manifestées par l’assassinat de leaders paysans ou syndicaux afin d’éviter les potentiels rapprochements qui pourraient s’effectuer entre ces derniers et le parti politique que les FARC souhaitent constituer.
Il est en effet prévu que les communistes colombiens, divisés depuis de nombreuses années, se rassemblent lors d’un congrès extraordinaire. Ce dernier verrait le Parti Communistes Colombien Clandestin, structure politique des FARC-EP, se regrouper avec la structure marxiste légale et membre du Pôle Démocratique Alternatif, le Parti Communiste Colombien. Si cette nouvelle semble la bienvenue pour construire un rapport de force favorable aux paysans et travailleurs colombiens en mal de terre et de logements décents, la protection des militants de ce parti semble être un enjeu déterminant.
Les forces paramilitaires sont toujours actives et font peser sur la paix en Colombie une menace indiscutable. Si un nouveau génocide des militants de gauche et de populations venait à arriver en Colombie, la reprise des armes par les FARC semblerait être une potentialité plus que envisageable face à l’impossibilité de construire un rapport de force démocratique dans le pays.