Une série éclairante sur les faits et le relais médiatique
Jeudi 27 mars 2025 sortait, sur Netflix, le documentaire « De Rockstar à tueur ». La série retrace l’affaire du féminicide, ou plutôt les affaires de Bertrand Cantat, ex-chanteur du groupe de rock Noir Désir.
La série, éditée par Capa Presse, se découpe en trois épisodes pour retracer non pas un, mais deux féminicides. D’abord, l’assassinat de Marie Trintignant par Bertrand Cantat : “Un accident ?”. Le traitement médiatique dresse un portrait de victime de l’icône du rock : “Une passion meurtrière ?”. Puis enfin le suicide de son ex-femme Krisztina Rády elle aussi victime de violences physiques et psychologiques par Cantat : “La malédiction Cantat ?”.
La série présente divers témoignages. Ceux de proches, comme l’artiste Lio aux positions féministes affirmées depuis des années. Ceux de journalistes ayant suivi les faits sur le moment ou continuant l’enquête comme Anne-Sophie Jahn. Mais aussi, ceux d’acteurs du milieu artistique comme l’ancien PDG Universal, Pascal Nègre, qui affirme avec vigueur ne pas être intéressé par les « histoires personnelles » de ses artistes, surtout quand ils ont de tels succès…
On pourrait regretter un montage et des choix d’extraits parfois un peu grandiloquents et construisant une tension dramatique digne de Closer. Un style qui frôle l’indécence au vu de la gravité de l’affaire. Pour autant, le documentaire est d’une grande qualité dans son discours et vient briser un silence entretenu.
« Le Silence tue toujours »
Au-delà de l’incompétence des tribunaux lituaniens qui considèrent Marie Trintignant en partie responsable de son sort, le documentaire relate l’omerta publique concernant les violences sexistes et sexuelles dans le milieu artistique à l’aube du Meetoo de 2017. La presse et les forums protègent Cantat. Au moment du procès un contrat de silence pour taire le caractère violent de Cantat est même passé entre les membres du groupe Noir Désir, et des proches du chanteur, dont Krisztina Rády motivée par l’inquiétude pour l’avenir de ses enfants. Ce contrat vire au drame, puisque qu’il étouffera les violences psychologiques subis par Krisztina Rády poussée au suicide.
Depuis un Grenelle des violences conjugales a été organisé en 2020. Une loi sur le suicide forcé y a été adoptée. Elle a été portée par l’avocate Yaël Mellul présidente de l’association « Femme et Libre » qui avait porté plainte contre Cantat en mai 2018 concernant le suicide de Krisztina Rády. Mais cela fut en vain, puisqu’aucune enquête policière n’a été menée au moment des faits. Le chanteur a par la suite porté plainte contre l’association pour diffamation et également contre la journaliste Anne-Sophie Jahn, autrice de la série Netflix.
Le documentaire revient sur la complaisance des médias pour Bertrand Cantat. Il montre également l’implication de journalistes véhiculant une culture décomplexée de la violence sexiste et sexuelle à l’image de Thierry Ardisson. Des acteurs politiques, comme Dupond-Moretti, ont également réfuté le terme de meurtre alors qu’il avait été avoué par Cantat des années plus tôt. Difficile alors, d’admettre que le silence est le seul coupable dans les cas de violences sexistes et sexuelles.