Comment Emmanuel Macron veut dynamiter le baccalauréat professionnel

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Comment Emmanuel Macron veut dynamiter le baccalauréat professionnel

On la croyait enterrée, mais la réforme du lycée professionnel revient pour réduire les enseignements et adapter la carte des formations aux besoins patronaux.

Une réforme faite contre les professeurs

Quelques mots sur la méthode, d’abord en revenant quelques mois en arrière, le 13 septembre 2022. Emmanuel Macron annonce ce jour une grande réforme de l’enseignement professionnel. Au menu, déjà, l’allongement de la durée des stages et la recherche d’une meilleure insertion professionnelle. La réponse ne se fait pas attendre et une intersyndicale unie de manière inédite affirme son opposition à la réforme. 

Au terme d’une mobilisation inédite, le gouvernement commence par reculer, puis, de « tables rondes » en « groupes de travail », la réforme semble enterrée par le gouvernement. 

Pourtant, lors de son allocution du 17 avril à propos de la réforme des retraites, le Président remet une réforme de l’enseignement professionnel sur la table, déclenchant la colère et l’inquiétude des syndicats professionnels. 

Deux semaines plus tard, et sans qu’aucune nouvelle concertation n’ait eu lieu, la nouvelle réforme est présentée, avec une application dès la rentrée prochaine. Comme pour la réforme du lycée général ou encore celle des retraites, l’exécutif fait le choix du passage en force et de l’autoritarisme, se sachant seul contre tous, là encore, dans ses volontés « réformatrices ». 

Répondre aux besoins des patrons 

Seul contre tous ? Pas tout à fait en réalité. Le gouvernement sait qu’il pourra compter sur le soutien du patronat afin de mettre en œuvre une réforme taillée pour satisfaire ses exigences. 

Une ambition parfaitement assumée par Pap Ndiaye, ministre de l’Éducation nationale, en affirmant que « les filières doivent répondre aux besoins de l’économie ». Une vision utilitariste et patronale de la formation professionnelle, loin des promesses d’émancipation et d’élévation du niveau des connaissances de l’école républicaine. 

Ainsi, la carte des formations sera revue de manière pluriannuelle, dans l’objectif de répondre aux besoins d’emploi dans un département ou une région. Une manière d’assigner les jeunes à résidence, en réduisant leurs choix de formations aux besoins économiques de leur lieu de vie, remettant en cause la continuité du service public sur le territoire. 

Dans cette vision patronale, les lycéens professionnels ne sont que de futurs employés qu’il s’agirait de vite mettre au travail. L’objectif est donc de les spécialiser au plus tôt en augmentant la durée des stages, condamnant alors les élèves à l’impossibilité de se réorienter au vu des faibles volumes d’enseignements généraux qui subsisteront. 

Il est laissé la « liberté » aux élèves de choisir à partir du mois de mai de l’année de terminale d’arrêter les cours afin de réaliser un long stage. Ici aussi, la rupture d’égalité est évidente, tant il est certain que les élèves les plus en difficulté scolaire, mais aussi économique, délaisseront les cours pour aller vers des stages, désormais dédommagés.

Une rémunération en trompe-l’œil 

Car c’est ici que se situe la grande mesure à destination des élèves. Avec la réforme, les stages en entreprise seront rémunérés. 

Le gouvernement s’appuie ici sur une demande légitime des lycéens professionnels confrontés à des situations de travail gratuit durant leurs semaines de stage. Mais les modalités de rémunération envisagées montrent tout le cynisme du gouvernement. Le montant, d’abord, ne permet en rien de rémunérer dignement le travail effectué par les stagiaires. 

En payant 50 euros la semaine en seconde, 75 en première et 100 euros en terminale, le gouvernement semble vouloir habituer les élèves à être rémunérés entre 1 et 2 euros de l’heure. Un travail donc quasi gratuit qui sera financé par l’État, puisqu’à aucun moment la mise à contribution du patronat n’a été à l’ordre du jour. 

Bien au contraire, celui-ci est cajolé dans chacune des autres mesures de la réforme : place accrue des « professionnels » dans les enseignements, création de « bureaux des entreprises » dans les lycées, mise en place de multiples partenariats extérieurs avec le privé, formation des professeurs aux besoins du patronat… 

L’objectif est clair : transformer le lycée professionnel en succursale de Pôle emploi, et faire des professeurs de l’Éducation nationale des conseillers d’orientation chargés d’insérer rapidement leurs élèves sur le marché du travail. Une vision dénoncée unanimement par les syndicats enseignants. 

Nouveau bras de fer annoncé 

Mêmes attaques, même réponse. Sur la nouvelle mouture de la réforme, les syndicats enseignants semblent déterminés à répondre de manière unie. 

Une large intersyndicale composée de la CGT, de la FSU, de l’UNSA, de la CFDT, du SNALC de SUD et de la CNT a dénoncé dans un premier communiqué une réforme qui « réduit l’enseignement sous statut scolaire à la seule employabilité immédiate » et a appelé à une large mobilisation des enseignants. 

Côté politique aussi, les réactions ne se sont pas fait attendre. Des parlementaires communistes tels qu’Eliane Assassi ou Jérémy Bacchi ont dénoncé dans une lettre ouverte une « instrumentalisation de l’enseignement professionnel ». La séance des questions au gouvernement de l’Assemblée nationale a aussi été l’occasion pour l’opposition de gauche d’interpeller les ministres sur le sujet.

Pour l’instant, ces derniers, comme les syndicats, se heurtent au mur des éléments de langage du gouvernement. 


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