Bassam Al-Salhi “La tâche immédiate est la création d’un État palestinien”

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Bassam Al-Salhi “La tâche immédiate est la création d’un État palestinien”

La rédaction d’Avant-Garde a eu l’honneur de s’entretenir avec Bassam Al-Salhi, secrétaire général du Parti du Peuple Palestinien (PPP). 

Quelle est votre analyse de la situation actuelle en Palestine ? 

La situation en Palestine est extrêmement dangereuse. Israël a suspendu l’autorisation d’entrée des aides humanitaires dans la bande de Gaza et retarde le début des discussions pour la deuxième phase de l’accord de cessez-le-feu, avec le soutien des États-Unis. Parallèlement, Israël se prépare à reprendre les attaques militaires contre Gaza, tout en ayant violé des dizaines de fois l’accord de cessez-le-feu.

Dans le même temps, Israël poursuit son agression en Cisjordanie, déplaçant les habitants de camps de réfugiés, détruisant les infrastructures, les routes, les réseaux d’eau et d’assainissement, ainsi que les services. De plus, Israël s’attaque aux routes et aux rues, confisque les maisons adjacentes aux camps.

Ces actions s’accompagnent d’arrestations, d’assassinats ciblés et d’attaques variées menées par l’armée, les forces spéciales et les colons contre les villages et les communautés palestiniennes.

Sur le plan politique, le gouvernement israélien et son parlement ont rejeté catégoriquement la solution à deux États, décidant presque unanimement, à l’exception des voix arabes et du Parti communiste, de refuser la création d’un État palestinien.

Dans ce contexte, le gouvernement israélien cherche à prolonger la guerre, à reprendre le génocide, le nettoyage ethnique et le transfert, et à refuser de se retirer de Gaza. Il renie ainsi ses engagements et met les garants de l’accord de cessez-le-feu : l’Égypte, le Qatar et les États-Unis dans une position délicate, notamment en évitant de mettre en œuvre la deuxième phase de l’accord.

Nous croyons que les garants de l’accord, en particulier l’Égypte et le Qatar, doivent faire des efforts concrets pour contrer les actions israéliennes, faire respecter le cessez-le-feu.

Dans cette situation, la souffrance du peuple palestinien à Gaza continue. L’arrêt des aides humanitaires a un impact direct sur les civils, dont beaucoup sont encore à la rue ou dans des centres d’hébergement, sous la menace constante des attaques israéliennes. 

Le plan israélien pour Gaza est de maintenir la population sous une terreur permanente, rendant la vie impossible et préparant le terrain pour un transfert forcé, présenté comme « volontaire ».

L’insistance sur la mise en œuvre de la deuxième phase de l’accord de cessez-le-feu et la prévention des manœuvres israéliennes pour y échapper sont des tâches urgentes pour tous les pays cherchant la stabilité dans la région et rejetant le nettoyage ethnique et le génocide contre notre peuple. La France, avec ses partenaires européens, peut jouer un rôle crucial dans ce contexte.

Quelle est votre réaction face aux déclarations impérialistes de Donald Trump ?

Il est clair que l’administration Trump appartient à l’école de la « realpolitik », qui repose sur l’utilisation ou la menace de la force pour atteindre ses intérêts et imposer un équilibre international. L’administration Trump cherche à apporter des changements majeurs en remodelant les relations internationales.

En réalité, Trump a un partenaire important en Israël, partageant les mêmes bases politiques que Netanyahu et son gouvernement. Malgré les déclarations de Trump sur son désir d’arrêter les guerres et de faire la paix, son projet pour Gaza est une recette pour la poursuite de l’agression israélienne et de la guerre.

L’insistance de Trump sur ce projet encourage Israël à intensifier la destruction à Gaza, à éviter de mettre en œuvre le cessez-le-feu et à poursuivre le génocide et le nettoyage ethnique. Ce projet se heurte au refus catégorique du peuple palestinien de quitter sa terre, ainsi qu’au rejet des autres pays arabes, de l’Union européenne, de l’Union africaine, de l’Organisation de la coopération islamique, de la Russie, de la Chine et de nombreux autres pays.

Si ce projet est mis en œuvre, il entraînera des tensions majeures dans la région, et il n’est pas certain qu’il réussira à servir les intérêts impérialistes de l’administration américaine. Les équilibres régionaux au Moyen-Orient ne permettent pas l’hégémonie d’Israël, y compris la soumission de l’Égypte et des autres pays arabes, sans parler du rôle des autres acteurs régionaux comme la Turquie et l’Iran, ainsi que des intérêts croissants des États-Unis dans le Golfe, en particulier avec l’Arabie saoudite.

Le peuple palestinien dans son ensemble rejette ce plan. Les facteurs d’échec de ce projet dépassent largement les facteurs de sa réalisation, car il ne propose aucune solution réelle, sinon la poursuite du génocide et du nettoyage ethnique. 

Quel impact a eu la fin du financement de l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés palestiniens) sur la situation humanitaire en Palestine ?

L’arrêt du financement de l’UNRWA affecte gravement les services essentiels dont bénéficient les réfugiés. 

L’UNRWA fournit des services éducatifs, de santé, d’assainissement, sociaux et culturels dans les camps. Elle supervise un vaste réseau d’écoles et de centres de santé, ainsi que des instituts de formation professionnelle et académique. Le réseau de santé de l’UNRWA fournit également des médicaments pour les maladies chroniques et autres.

Ces services couvrent également la bande de Gaza, où les camps de réfugiés sont plus nombreux et plus importants. Cela s’inscrit dans un objectif politique israélien, soutenu par l’administration américaine, de liquider la question des réfugiés et de démanteler l’UNRWA, une agence des Nations unies.

Comment le PPP compte-t-il construire la paix et la liberté pour le peuple palestinien ?

Le Parti du Peuple Palestinien lutte pour la libération du peuple palestinien et la réalisation de ses objectifs nationaux, notamment le droit à l’autodétermination, la création d’un État Palestinien indépendant et le droit au retour des réfugiés. Le programme du parti vise la libération et l’indépendance de la Palestine, mettant fin à l’occupation comme objectif central de sa lutte, en lien étroit avec la lutte pour le droit au retour conformément à la résolution 194 des Nations unies.

Le parti considère que la garantie des droits nationaux et civils des Palestiniens en Israël est un élément essentiel d’une solution globale à la question palestinienne. Ainsi, l’État Palestinien, le droit au retour et l’égalité nationale et civile des Palestiniens en Israël forment le triangle d’une solution complète, basée sur le droit à l’autodétermination reconnu par les Nations unies.

Le parti met l’accent sur la résistance populaire comme moyens efficaces pour atteindre ces objectifs, affirmant le droit du peuple palestinien à résister à l’occupation par tous les moyens reconnus par le droit international.

En plus de son rôle national, le parti lutte également sur le plan social et de classe, affirmant que les droits sociaux et démocratiques sont une garantie pour les droits nationaux. Il a joué un rôle important dans la création des mouvements syndicaux, étudiants et féministes en Palestine.

Pourquoi le PPP plaide-t-il pour une solution à deux États ? 

Le Parti du peuple palestinien considère que la tâche immédiate est l’indépendance et la création d’un État palestinien, car c’est seulement ainsi que la solution à deux États peut être réalisée. Aujourd’hui, seule Israël est reconnue et soutenue par l’Occident. Par conséquent, la moindre des choses attendue de la France et des autres pays européens est la reconnaissance de l’État palestinien.

La position du parti sur la solution à deux États remonte à la résolution 181 de l’ONU du 29 novembre 1947, qui a marqué le début du conflit en Palestine, soutenu par le mandat britannique et les puissances occidentales.

Le parti soutient cette solution depuis lors, malgré les injustices qu’elle comporte. L’alternative à cette solution serait un État démocratique binational sur toute la Palestine historique, une option acceptée par le peuple palestinien mais rejetée par Israël.

En quoi la reconnaissance de l’État de Palestine par la France représenterait-elle une avancée dans cette lutte ?

La position de la France est cruciale en raison de son statut européen et international, notamment en tant que membre permanent du Conseil de sécurité. La reconnaissance de l’État palestinien par la France serait une preuve de son engagement sérieux envers la solution à deux États. Cela montrerait également un rejet clair du génocide et des plans de déplacement soutenus par Israël et les États-Unis.

Un positionnement fort de la France, reconnaissant l’État palestinien et encourageant d’autres pays à faire de même, serait une contribution majeure à la protection de cette solution, qui représente un compromis historique. Cela contrecarrerait les efforts israéliens pour annexer la Cisjordanie et enterrer la solution à deux États, tout en empêchant le génocide et le nettoyage ethnique.

En agissant ainsi, la France et d’autres grandes puissances rempliraient leur devoir de protéger la paix internationale et de prévenir les crimes de génocide, de nettoyage ethnique et de transfert forcé.

Bassam Al-Salhi : 

  • Dirige les activités clandestines du PPP dans la bande de Gaza pendant la première Intifada
  • Emprisonné par le gouvernement israélien de 1990 à 1993
  • Mène la grève de la faim des prisonniers en 1992
  • Membre de la délégation palestinienne à la Cour internationale de justice en 2004 contre le mur d’apartheid
  • Membre observateur du Conseil central de l’OLP
  • Candidat à l’élection présidentielle palestinienne de 2005
  • Député palestinien

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