Face aux conséquences de la crise liée au covid sur l’emploi des jeunes, le gouvernement a répondu en promettant une forte augmentation des missions de service civique (100 000 missions supplémentaires). L’occasion pour Avant-Garde de revenir sur les missions proposées.
Des missions pour les jeunes qui font vite déchanter
Sur le papier le service civique c’est une mission d’engagement au service de la collectivité, un lieu où les jeunes peuvent monter des projets qui les motivent au services de tous. Ces “missions” se répartissent dans plusieurs domaines, la plupart plébiscités par les jeunes : la solidarité, le sport, l’environnement etc. Lors de ces missions les jeunes doivent être accompagnés par un “tuteur”, formés, et avoir du temps pour préparer leur projet d’avenir et apprendre de cette expérience. Sur le papier l’offre paraît alléchante, la réalité fait bien moins rêver. Il faudrait plusieurs articles pour décrire les réalités des engagé.e.s, ici nous nous sommes concentrés seulement sur le site recensant les missions proposées qui est déjà explicite.
Les devoirs du travail sans le droit du travail
“Mission”, où le “volontaire” signe un “contrat d’engagement” et reçoit une “indemnisation”: dans le vocabulaire, on ne peut pas se tromper, le service civique n’est pas un emploi. Et effectivement le service civique ne relève pas du droit du travail, c’est un statut à part. Seulement dès la phase de recherche du service civique la frontière est mince avec un emploi.
Théoriquement ouvertes à tous, sans conditions de diplôme, ces missions étaient promises comme une réponse notamment au décrochage scolaire et devaient permettre de découvrir même des milieux inconnus aux jeunes. Seulement une grande partie des missions proposées exigent l’envoi de CV, il paraît donc logique que le choix se fera au plus qualifié. D’autres annonces exigent des compétences spécifiques “bilingue anglais/français” de manière directe ou indirecte “au cours de la mission vous serez amené à utiliser [nom de logiciel]”. La majorité des missions proposées ne sont pas non plus ouvertes au moins de 18 ans, une partie nécessite obligatoirement le permis. Réaliser un diagnostic social, coordonner des projets culturel à l’échelle régionale, fournir une aide aux devoirs jusqu’au lycée, pour une bonne partie des missions le public visé relève de l’enseignement supérieur.
Outre les “propositions” qui s’apparentent en réalité à un recrutement, dans ces descriptifs de missions sont souvent écrites les conditions d’exercice de la mission. Le service civique a la particularité d’être libre dans la répartition des heures, les vingt-quatre à trente-cinq heures semaine sont à répartir selon “le choix” de l’engagé et de sa structure. Ainsi de nombreuses missions annoncent qu’un travail de nuit est obligatoire ou plus souvent encore la disponibilité les week-ends. Ces contraintes peuvent être entendues dans le cadre d’un évènement particulier la vie associative ou culturelle ayant souvent lieu le week-end, mais on peut citer l’exemple d’un hôpital qui propose une mission de 9h à 13h du lundi au dimanche compris. Hors comme les heures sont “libres”, aucune compensation n’est prévue.
Les missions à effectuer à l’étranger sont d’autant plus opaques sur ce point, quelques unes proposent de dormir directement dans la structure sans notifier des moments de repos.
Qualification exigée, temps de travail imposé, recrutement: il est aisé de voir qu’une grande partie des structures cherche en réalité un salarié à moindre coût. Certaines sont même explicites comme cette association d’aide aux sans abris notant “recherche service civique les salariés n’ayant plus le temps d’accueillir le public”. La meilleure façon de le vérifier est de regarder les offres d’emploi publiées par la structure. Par exemple ici l’annonce publiée sur l’agence du service civique ressemble quasi en tout point à l’annonce postée sur le site de l’association mais cette fois pour un CDD.
La précarité des jeunes au secours du service public
Alors que les missions devaient permettre d’aider les associations à avoir un nouveau souffle et permettre aux jeunes de s’engager, le premier consommateur de ces emplois déguisés est l’état. Quelques associations réussissent à tirer leur épingle du jeu, mais il s’agit de trois ou quatre structures dont l’activité essentielle est devenue la gestion des services civiques. Excepté pour les missions liées aux sports où l’on dénombre des clubs sportifs de tout le territoire et de toutes disciplines. Une fois ces exceptions faites, c’est le service public qui reste, à tous les niveaux, de la mairie aux ministères, de l’aide à l’enfance à l’armée.
C’est l’éducation nationale qui enregistre le plus grand nombre de propositions de mission, des missions dont les descriptions semblent pré-rédigées pour chaque échelon (pour certain le titre de l’annonce comporte “fiche n°1”, “fiche n°2”). En primaire, c’est “contribuer au projet pédagogique de l’école”, surveiller la cour, ranger la classe, assister les enseignant.e.s, beaucoup mentionnent le fait d’avoir la responsabilité d’un élève avec handicap, en bref pallier les classes à 30 élèves et remplacer une AESH.
Au collège c’est l’opération “devoirs fait” qui est dans toute les descriptions avec des projets “d’éducation à la citoyenneté” aux contours flous et très variés “recherche de subventions”, “accompagnement des élèves délégués”, “organisations de célébrations” etc. Côté lycée, le titre utilisé est “animation de la vie lycéenne”. La mission est tout aussi vaste et à quelques changements de mots près la même. Seule réelle différence plusieurs lycées notent chercher des animateurs pour les internes accueillis, actant là aussi qu’en réalité ces postes ont vocation à pallier une embauche d’assistants d’éducation ainsi que de professeurs.
Dans le supérieur, bien que moins présent, c’est globalement les missions culturelles et d’accueil des élèves étrangers qui ont été reléguées aux services civiques. A noter que l’éducation privée, même hors contrat est aussi très présente, représentant donc un nouveau financement de l’état à ces établissements.
Dans les autres services publics, les missions consistent à accueillir les usagers. Là aussi l’intitulé proposé enjolive la réalité, “Sensibilisation aux outils du numériques” se traduit en “accueil des usagers de la CAF et explication des bornes informatiques à ceux ci”. Pôle emploi a été l’une des premières administration à avoir recours à ces agents d’accueil précaires, une situation regrettable pour les engagé.e.s mais aussi pour les usagers qui sont orientés par des personnes sans formation. Peu nombreuses mais néanmoins présentes on retrouve désormais les commissariats et les hôpitaux. Une partie de ces institutions proposent aussi des activités de secrétariat : répondre au téléphone etc. Dans des établissement de santé comme ci dessous ou des mairies. Ni projet personnel, ni découverte, seulement des économies à réaliser pour des structures sans investissements publics suffisants.
Ces exemples constituent une grande majorité des missions proposées pour les jeunes qui souhaiteraient réaliser un service civique. Très majoritairement loin du projet proposé aux jeunes. Toutes les missions ne sont pas les mêmes et certaines peuvent vraiment être épanouissantes pour les jeunes. Mais même “l’épanouissement” ne peut pas justifier de faire des jeunes des sous salariés, sans protection du travail, payés moins de 600 euros par mois, n’ouvrant aucun droit. Le service civique ne peut constituer ni une réponse au manque de moyens des services publics ni à la crise que vont subir les jeunes.