Quand le sage dénonce les Etats-Unis, l’Europe insulte la Chine 

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Quand le sage dénonce les Etats-Unis, l’Europe insulte la Chine 

Une du journal “Excelsior” : “La révolution chinoise aggrave le péril jaune” – 19 / 11 / 1911

Les tensions commerciales sino-américaines durent depuis 2018, sur fond de déficits commerciaux croissants depuis les années 1980. En 2018, le déficit commercial des Etats-Unis envers la Chine atteint la somme record de 419,5 milliards de dollars en valeur absolue. Face à cela, la première administration Trump augmente les droits de douane sur un nombre croissant de marchandises, en particulier sur les produits industriels et technologiques de l’information et de la communication. 

En 2018, une heure de travail étasunienne s’échange contre 6,4 heures de travail chinoises. Néanmoins, la valeur de l’heure de travail chinoise augmente fortement. Il fallait ainsi 50 heures de travail chinoises pour obtenir une heure de travail étasunienne en 1995. Cela vient de ce que la Chine exportait majoritairement des produits simples comme du textile, ou de l’acier et importait des marchandises à forte valeur ajoutée comme des voitures, ou des produits pharmaceutiques.

En clair, la guerre commerciale est due à un effondrement de l’emprise étasunienne sur la Chine. Dans ce contexte, nous assistons à une vague de propagande contre la Chine avec, en lame de fond, le vieux trope raciste et colonial du “péril jaune”.

Une vague propagandiste anti-chinoise

Face à ce bouleversement de l’ordre international, la bourgeoisie réplique par la propagande. L’éditorial des Echos du 13 avril, journal économique de Bernard Arnault, est à ce titre édifiant. 

La Chine, qui propose un renforcement des relations commerciales avec une Europe elle aussi touchée par les sanctions étasuniennes, demeure l’ennemi principal du vieux continent. L’Europe accepte la sanction, négocie et se plie à l’Empire étasunien pour peu que cela ne bénéficie pas à la Chine populaire.

Avec la montée des tensions voulue par les Etats-Unis, tout porte à croire que cet éditorial n’est que l’un des premiers remous d’une déferlante propagandiste qui se prépare. Voyons ce sur quoi elle repose.

Le “péril jaune” en lame de fond

Le trope du “péril jaune” n’est pas une invention récente de la propagande anti-chinoise. Il remonte au XIXe siècle, époque où le Japon s’industrialise et où l’Occident colonise l’Asie du Sud-Est. Déjà à l’époque, on craint qu’une Chine qui compte 400 millions d’habitants puisse former une armée moderne ou que, en s’industrialisant, elle ne finisse par dépasser l’Europe économiquement. 

Les différentes guerres opposant pays européens et est-asiatiques ne feront que renforcer cette peur. La victoire japonaise sur la Russie en 1905 est un électrochoc : pour la première fois, un pays européen perd une guerre contre un pays asiatique. La modernisation extrêmement rapide de la Chine désormais populaire dans la seconde moitié du XXe siècle accélère cette peur-panique de l’Occident. La menace contre son hégémonie est désormais palpable.

On se met alors à décrire la Chine comme une puissance avançant ses pions discrètement. Elle est régulièrement dépeinte comme volant les secrets industriels des pays occidentaux pour se développer. 

La Chine est montrée comme fourbe, voleuse et conspiratrice. Comme dans tout conspirationnisme, le conspirateur est montré comme veul, fourbe et intrinsèquement malintentionné. 

Là encore, cet éditorial des Echos illustre parfaitement cette forme de racisme. Comment qualifier autrement le soupçon permanent porté par le journal contre la Chine ? Nous sommes face à des Etats-Unis ouvertement agressifs et belliqueux mais l’agresseur serait la Chine qui propose à l’Europe de faire face ? 

Quand le sage dénonce les Etats-Unis, l’Europe insulte la Chine.


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