Little Palestine, journal d’un siège est sorti le 12 janvier en salle, c’est le premier film de Abdallah Al-Khatib.
Little Palestine, c’est d’abord l’histoire d’un lieu : le camp de Yarmouk situé en Syrie dans la banlieue de Damas. C’est le plus grand camp de réfugiés palestiniens du monde. Début 2010, la ville compte plus de 150 000 habitants, une vingtaine d’écoles. C’est surtout l’histoire d’un moment : celui de l’enfermement. En 2013, les forces de Bachar Al Assad assiègent la ville. Pendant plus de deux ans, il ne sera plus possible ni de sortir, ni de rentrer dans le camp.
Abdallah Al-Khatib livre dans ce documentaire son récit de ce siège. La caméra à la main, il filme le quotidien, celui fait de rires d’enfants, de fêtes de mariage, de repas, mais aussi les bombardements, la faim, la privation. Il est un enfant de Yarmouk, un jeune homme à qui un ami a confié une caméra avant d’être torturé à mort. Le réalisateur a donc suivi sa mère, infirmière et interrogé les siens, fait de cette caméra un moyen de faire savoir, mais aussi pour lui de ne pas perdre le fil de son histoire, de leurs histoires.
« Syriens et Palestiniens nous ne sommes qu’un »
C’est ce qui frappe : l’incroyable banalité de l’horreur la plus absolue. Dans Little Palestine c’est l’indicible qui se voit.
Des enfants réduits à chercher des brins d’herbes comestibles, des vieux qui se laissent partir, des jeunes pour qui le seul espoir est d’infliger à l’ennemi la violence qu’ils subissent…Un monde où l’argent manque pour nourrir les enfants mais pas pour larguer des bombes. L’image de l’enfer sur terre, un cauchemar dont on peine à croire qu’il a eu lieu tant la violence est partout. Pourtant il y a sans cesse des luttes et donc de l’espoir, dans le documentaire.
A l’image de cette scène irréelle où après la destruction d’un immeuble par les forces d’Al Assad, les survivants sortis des décombres chantent « Syriens et Palestiniens nous ne sommes qu’un ». C’est parce que Abdallah Al-Khatib est un enfant de Yarmouk qu’il ne tombe jamais dans le misérabilisme, ni le sensationnel, au contraire c’est l’incroyable dignité des habitants que montre la caméra.
Dans le chaos une révélation
Le documentaire est un hommage aux centaines de morts de la faim, à cet ami dont la caméra a permis de témoigner, à ces enfants sans enfance. Le fond est tellement fort qu’il paraît accessoire de parler de la forme et pourtant : le réalisateur qui dit ne jamais avoir eu accès au cinéma avant le siège, a un talent incontestable.
Chaque plan marque, les portraits nombreux semblent donner une image de l’âme. Impossible de ne pas non plus noter la poésie des mots que Abdallah Al-Khatib pose sur ces images. Si la comparaison avec Mahmoud Darwich paraît facile, elle n’en est pas fausse pour autant.
L’Avant-garde vous conseille donc vivement ce documentaire, bien que nous recommandons de s’équiper de mouchoirs. Little Palestine est dur mais incroyablement nécessaire. Un témoignage d’un crime contre l’humanité qu’il est désormais impossible d’oublier.