Pierre-Ange Muselli-Colonna est membre du MJCF à Ajaccio, aujourd’hui candidat aux élections législatives dans la deuxième circonscription de Corse-du-Sud. Il a bien voulu répondre aux questions de l’Avant-Garde.
Pourquoi la Corse n’a pas été incluse dans l’accord de la NUPES. Pourquoi le Parti communiste présente-t-il des candidats dans les quatre circonscriptions de l’île ?
Notre mise hors accord découle d’un choix de la délégation de la France Insoumise. Bien sûr, cela reste des hypothèses, mais il est probable que leur soutien à l’inscription de la Corse dans l’article 74 de la Constitution fait qu’il était inenvisageable de nous inclure dans cet accord, puisque les communistes y sont opposés.
Peut-on dire qu’il y a deux gauches « irréconciliables » en Corse, à cause de la question de l’autonomie ?
Irréconciliables, non, jamais. Sachant que du point de vue de l’histoire récente, on a toujours cherché à construire des passerelles entre nos différentes organisations. Cela n’a pas pu se faire du fait de choix politiques et stratégiques. Très rapidement après la séquence législative, la question du fameux statut d’autonomie va commencer à être travaillée, si l’Élysée et Matignon tiennent leurs promesses. Il faudra donc chercher à construire une réponse de gauche à cette question d’autonomie, et je crois que dans les grandes lignes on se retrouve. Pour les législatives, l’inscription de l’île à l’article 74 se trouvait dans le programme remanié de l’Avenir en Commun et, devant donc être soutenue par les candidats de l’Union Populaire, comme ce n’est pas la position du PCF en Corse, on s’est retrouvé face à un point de blocage.
Qu’est-ce qu’impliquerait l’inscription de la Corse dans l’article 74 de la Constitution et pourquoi les communistes y sont opposés ?
Cet article donne un pouvoir d’autonomie accru à certains territoires ultra-marins, offrant de larges prérogatives aux régions, notamment dans le droit du travail. En Polynésie française, par exemple, le droit du travail est nettement inférieur au droit national. Vu le rapport de force actuellement en Corse, nous pensons que si demain nous donnons aux élus le pouvoir de légiférer sur le droit du Travail, on devrait plutôt s’attendre à des baisses de droits qu’à de nouveaux acquis sociaux. Nous ne souhaitons pas faire un chèque en blanc à la bourgeoisie corse qui pourrait profiter de cet article 74 pour favoriser ses intérêts aux dépens de ceux des travailleurs.
Tu es suppléé par Michel Tramoni, maire de Bilia. Quelle partie de la Corse la circonscription couvre-t-elle et quelle est ton attache par rapport à celle-ci ?
La 2e circonscription de Corse-du-Sud aussi appelée « circonscription Sartène Porto-Vecchio » englobe une grosse partie du Prunelli, du Taravo, de l’Ornano, du Sartenais et du Valinco, de l’Alta Rocca et de l’extrême sud ainsi que quelques quartiers populaires d’Ajaccio comme Pietralba ou les Salines. Me concernant je suis ajaccien, j’ai grandi, j’ai fait toute ma scolarité, toute ma sociabilité au sein du quartier des Salines. J’ai donc une attache de ce fait avec cette circonscription. De plus, une partie de ma famille maternelle est originaire du Taravo.
Cette circonscription intègre d’anciennes places fortes du Parti communiste en Corse, n’est-ce pas ?
Déjà, elle englobe le quartier des Salines. C’est ici qu’était organisée la Fête de « Terre corse », qui était la fête fédérale du Parti qui avait lieu tous les étés. Il y a également Sartène, ville dont de nombreux maires étaient membres du Parti communiste, notamment Dominique Bucchini. Sans parler de places fortes, on peut penser à Porto-Vecchio où de nombreux militants communistes d’envergure étaient présents, et à Bonifacio qui ramène évidemment à Albert Ferracci, héros de la résistance et premier secrétaire de la fédération de Corse-du-Sud.
Tu es un travailleur précaire actuellement sans emploi, ta situation est malheureusement le lot de nombreux autres Corses. As-tu l’impression qu’aujourd’hui des mesures sont prises pour aider la jeunesse insulaire à s’en sortir ? En tant que candidat quels combats aimerais-tu mener en faveur de la jeunesse corse ?
Régionalement comme nationalement, les moyens ne sont pas mis. Au niveau des mesures et des combats que l’on peut porter localement pour aider les jeunes corses, qui sont souvent éloignés de l’emploi, il faut avant tout les aider à trouver un travail pérenne.
Aujourd’hui, un peu plus de 19 % des emplois créés en Corse sont des emplois saisonniers. Bien sûr ils ne sont pas réservés aux jeunes, mais la jeunesse y est surreprésentée et c’est inadmissible. Il faut donc à moyen et long terme développer des filières qui permettent de mettre fin à la saisonnalité de l’emploi. Il va falloir développer de manière intelligente un secteur industriel en Corse, il va falloir recréer des emplois dans le service public. Ce n’est pas une lubie de communistes, puisque ces emplois manquent cruellement dans la partie rurale de la deuxième circonscription, il y a un manque cruel de services publics.
Dans le prolongement des propositions portées par Fabien Roussel lors de l’élection présidentielle, si on veut plus d’emplois pour les jeunes corses, il faudra donner plus de moyens à la formation, d’un point de vue scolaire, mais aussi en travaillant avec les Missions locales, et les AFPA pour mettre en place des formations pour les jeunes qui sont déjà sortis du milieu scolaire. Ils doivent pouvoir se former tout au long de la vie pour avoir accès à l’emploi, je pense bien évidemment au revenu étudiant ou à la Sécurité emploi formation qui sont des mesures phares du programme de Fabien Roussel.
Lors des deux tours de l’élection présidentielle, les Corses ont majoritairement voté Marine Le Pen, dans les quartiers populaires des Salines et de Pietralba, la candidate du Rassemblement national a fait d’excellents scores, sans doute parmi les meilleurs de l’île. Dans cette campagne as-tu une volonté de replacer le PCF au sein de ces quartiers populaires et d’offrir une proposition alternative à ceux qui ont été trompés et ont voté RN par antisystème ?
Nous n’avons pas attendu les élections législatives pour nous adresser à ces quartiers de l’est ajaccien. Je considère que nous avons mené un gros travail pendant la campagne présidentielle pour porter la candidature de Fabien Roussel, nous avons souvent été à la rencontre des habitants. Nous attendions que Marine Le Pen fasse un bon score là-bas. Ce score n’est pas forcément dû au fait qu’il y ait un vivier d’électeurs d’extrême droite là-bas, mais plutôt parce que beaucoup d’habitants se sentent déclassés, en colère et qui, selon nous, se trompent de vote ! On a travaillé pour leur faire comprendre que les mesures proposées par le RN sont bien moins sociales que ce que les candidats veulent nous faire croire et que, s’ils voulaient améliorer leur quotidien, il faut qu’ils redonnent de la force à la gauche.
Quels seront tes principaux combats pour ta circonscription si tu es élu député le 19 juin prochain ?
J’aimerais combattre les déserts médicaux qui touchent le rural, lutter pour l’accès au logement, en travaillant pour l’encadrement des loyers et en combattant les résidences secondaires et occasionnelles qui représentent 48,3 % des logements dans la deuxième circonscription de Corse-du-Sud. Enfin, j’aurai à cœur la question de la précarité des jeunes, c’est pour cela que je soutiendrai la mise en place d’un revenu étudiant, mais aussi l’extension du droit au RSA aux 18-24 ans.