« Congés menstruels », une expression inadéquate pour une souffrance réelle ?

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« Congés menstruels », une expression inadéquate pour une souffrance réelle ?

La souffrance des travailleuses liée à la santé gynécologique renvoie davantage à un arrêt de travail qu’à un « congé ».

Les règles douloureuses sont devenues un sujet majeur de la santé gynécologique des femmes au travail. Ce sujet a d’ailleurs été l’objet d’une proposition de loi examinée au Sénat la semaine dernière. Le groupe socialiste proposait un certificat médical valable un an autorisant des arrêts de travail jusqu’à deux jours par mois en cas de douleurs menstruelles.

Cette proposition a le mérite de vouloir répondre à une urgence et de lever un tabou. Cependant, l’expression de « congés menstruels » (qui n’est pas employée par les socialistes), reprise dans la plupart des médias, est ambiguë et limite le débat.

Un arrêt de travail n’est pas un congé

D’abord, la santé gynécologique au travail ne concerne pas seulement les règles douloureuses, mais aussi la ménopause, les trois premiers mois de grossesse, ou encore les fausses couches, etc. Un rapport récent du Sénat traite ce sujet de manière globale.

De plus, quand on parle de l’endométriose, il peut s’agir de douleurs invalidantes ou incapacitantes qui sont permanentes, et pas limitées au moment des règles. On peut avoir mal au dos tous les jours, des troubles urinaires. L’endométriose amène des lésions qui provoquent des dysfonctionnements. Les douleurs ne sont pas seulement menstruelles.

Enfin, un congé et un arrêt de travail, ce n’est pas la même chose, par rapport à ses collègues et à sa hiérarchie. Il ne s’agit pas de prendre un repos pendant les règles. « On ne peut pas laisser penser que c’est un jour où madame va aller se reposer et prendre du bon temps », insiste Shirley Wirden, responsable de la commission féminisme du PCF. C’est la souffrance qui empêche d’être au travail.

C’est pourquoi l’existence d’un « congé menstruel » dans certaines entreprises est accueillie avec de grandes réserves par la Confédération générale du Travail qui voie aussi un risque de discriminations à l’embauche et de remise en cause du secret médical.

« Les employeurs n’ont pas à connaître la raison qui pousse les salariées à être absentes deux jours par mois », disait la sénatrice communiste Silvana Silvani lors de son intervention sur la proposition de loi socialiste. Contrairement à un congé, précisait-elle, l’arrêt médical entraine une indemnisation par la Sécurité sociale.

Ne pas banaliser la souffrance

Mais peut-on même se contenter d’un arrêt de travail pour les douleurs menstruelles ?

Pour Shirley Wirden, « il ne faut pas banaliser le fait que des femmes soient en incapacité de travailler plusieurs jours par mois ». En fait, la seule question de l’arrêt de travail peut masquer d’autres questions tout aussi importantes. « Vous avez mal ? Restez chez vous ! Souffrez en silence chez vous, et qu’on ne vous voit pas ! », s’amuse l’élue communiste. Elle alerte ainsi sur les retards de diagnostics et le manque de moyens pour la recherche autour de la santé des femmes.

Les femmes affectées par l’endométriose peuvent affronter dix ans d’errance médicale, sans prise en charge, sans diagnostic. Au lieu de banaliser la douleur des femmes, il faudrait systématiquement rechercher un diagnostic. Il n’est pas normal d’être privée d’éducation et d’être absente de l’école à cause de règles douloureuses. C’est pourquoi il faudrait investir dans la recherche afin d’atténuer la douleur, mais aussi investir dans la médecine scolaire et la médecine du travail pour améliorer la prise en charge.

Autrement dit, toutes les femmes doivent pouvoir mener une vie normale, et on ne devrait pas prendre comme un état de fait définitif qu’une partie d’entre elles soient empêchées d’aller à l’école ou au travail.

Une femme sur dix serait concernée par l’endométriose, mais on n’en connaît pas encore les causes. Faute de recherche et de prise en charge, des femmes choisissent des métiers permettant de rester à la maison parce qu’elles ont trop mal.

Réorganiser le travail

Des changements dans l’organisation du travail seraient également nécessaires pour améliorer la santé des femmes.

Il en va ainsi de la demande d’associations que la Sécurité sociale reconnaisse l’endométriose comme une affection longue durée, permettant notamment de supprimer le jour de carence.

Plus globalement, la réduction du temps de travail permettrait de mieux concilier la vie personnelle et la vie professionnelle.

Dans les métiers à prédominance féminine, rompre avec l’isolement au travail est nécessaire, ne serait-ce que pour la possibilité concrète de se faire remplacer, de s’absenter.

Le PCF préconise ainsi une réflexion dans les différents corps de métiers sur la manière dont des adaptations peuvent être mises en place pour mieux gérer ces phénomènes liés à la santé gynécologique, une démarche qui soit prise en charge par les travailleuses elles-mêmes dans les collectifs de travail.

Sur ce sujet comme sur d’autres, on ne peut pas tout résoudre par une mesure séduisante. Le « congé menstruel » ne permettra pas de faire l’économie de changements d’ampleur pour que la société prenne soin des femmes.


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