C’est la rentrée. Dans un climat politique et institutionnel toujours plus dégradé, de nombreuses interrogations restent sans réponse quant à l’application des réformes mises en place ces dernières années. Il en est de même pour l’investissement dans le système éducatif national.
Pour en savoir davantage, l’Avant-Garde est allé à la rencontre de Benoît Teste, Secrétaire général de la FSU
La rentrée scolaire s’effectue dans un climat politique particulier, avec un Président qui tarde à nommer un gouvernement. Comment est-ce que les professeurs ont-ils préparé leur rentrée avec une ministre démissionnaire ?
Il faut dire que ces ministres ne sont pas vraiment démissionnaires. Le simple fait de ne prendre aucune nouvelle décision revient à valider les orientations mises en œuvre ces dernières années, en laissant la situation dégradée, telle quelle.
Le fait que la ministre fasse une conférence de presse sur le maintien des orientations des années précédentes, ça revient à maintenir un cap qui est négatif pour l’école. Il faut en faire prendre conscience aux professeurs. En réalité, le gouvernement continue de construire une école plus sélective, l’accès au savoir est refusé à une partie de la population. Nous portons la nécessité d’un débat de fond sur le rôle de l’école. Ce débat de fond, ils le tranchent sans le dire. Notre rôle, c’est de montrer aux collègues que la lutte sera nécessaire pour contrer la mise en œuvre de ces réformes.
Chaque année, la question du manque de professeurs devant les élèves est le grand sujet de la rentrée. Qu’en est-il cette année ?
À ce stade, la situation est pire que l’année dernière. Dans beaucoup d’endroits, il n’y aura aucun remplacement possible dès cette semaine de rentrée. Le problème du discours “un prof devant chaque élève”, c’est d’abord qu’il met de côté les autres personnels éducatifs : il n’y aura pas assez d’infirmières scolaires, pas assez d’assistants sociaux, etc. Mais surtout, il nie le fait que, certes, le jour de la rentrée, il y a le prof de la classe, mais dès qu’il ou elle sera absent, il n’y aura personne pour le remplacer, ou encore, dans le second degré, il y a bien un professeur principal par classe, mais dès le lendemain, on se rend compte qu’il manque le professeur de physique, le professeur de maths…
Donc ça reste des rentrées chaotiques. Cette situation alimente le discours sur un service public dégradé, qui amène des parents à mettre leurs enfants dans le privé. Et cela concerne toutes les classes sociales. Il ne faut pas les en blâmer. Le problème, c’est qu’effectivement, on a un service public qui est exsangue, et qui met en souffrance les élèves, mais aussi les professeurs.
L’an dernier, deux grandes réformes ont marqué l’année scolaire : la réforme du lycée professionnel et le “choc des savoirs”. Qu’est-ce qui attend les élèves en cette rentrée ?
Il est difficile de répondre clairement, car il y a encore des choses en suspens, qui vont s’appliquer ou non. C’est là que l’intervention des personnels sera déterminante, pour faire pencher les arbitrages du bon côté. Dans les collèges, il va falloir continuer à batailler sur la mise en place des “groupes de niveaux”. Nationalement, on a gagné le fait que dans de nombreux établissements, ce ne sont pas les mesures voulues par Gabriel Attal qui sont mises en place. Ça ne nous convient pas tout à fait, mais ça laisse du coup une marge de manœuvre aux collègues. On a déjà obtenu des victoires dans des établissements, avec la mobilisation des équipes qui a permis que ces groupes soient constitués de manière hétérogène, et qu’on soit parfois même sur des sortes de dédoublements.
Sur le brevet, si la réforme commence à être mise en œuvre, l’obligation du diplôme pour intégrer la classe de seconde ne sera pas effective dès cette année, et ça aussi, c’est grâce à nos luttes de l’année passée. C’est important, car le but de cette mesure était d’empêcher des élèves d’accéder au lycée, pour réduire les coûts.
Sur la réforme du baccalauréat professionnel, on peut encore espérer des changements sur la fin d’année de terminale, avec l’annulation du “parcours différencié” qui enverrait les élèves en stages de 6 semaines en juin, mais le cœur de la réforme va, lui, s’appliquer : moins d’heures de cours, plus de stages, révision de la carte de formation… Tout ça est encore réversible : on peut encore gagner le fait que cela soit cette année à titre expérimental, et qu’on revienne dessus l’année prochaine.
Donc localement, il existe des pistes de mobilisations et de victoires concrètes ?
C’est la grande question de la rentrée : est-ce que le flou politique actuel va conduire à un état d’esprit combatif ? On va faire en sorte de convaincre qu’il y a des marges de manœuvre, qu’il y a des nouveaux leviers au sein même des établissements. Ces marges de manœuvre, elles existent aussi, car les politiques menées, en matière d’éducation, mais aussi plus largement, sont largement délégitimées par les dernières élections. Le Macronisme est affaibli, et donc ses réformes aussi. Notre travail en tant que syndicat, ça va être de convaincre les collègues qu’on peut gagner des choses cette année. Mais ce n’est pas facile, car l’autre possibilité, c’est qu’on rencontre un esprit de défaitisme, avec des collègues qui se disent que malgré les grèves et les manifestations contre les retraites et contre le choc des savoirs, malgré les élections, rien ne change, et donc que ça ne sert à rien de se mobiliser. C’est aussi une possibilité, et il faut en avoir conscience. Il ne faut pas penser qu’il suffit d’appuyer sur un bouton pour que les personnels se mobilisent.
Le 1ᵉʳ octobre sera une grande journée de mobilisation interprofessionnelle. Quelle place compte prendre la FSU dans les mobilisations de cette rentrée ?
Pour le secteur de l’éducation, nous pensons que c’est l’ensemble du mois de septembre qui doit être identifié comme un mois de mobilisations, sans forcément de dates nationales pour l’ensemble des personnels éducatifs. Le 10 septembre sera donc une date nationale de mobilisation des professeurs du premier degré contre les évaluations standardisées, mais c’est aussi une date de l’ensemble des professeurs dans le 93, car nous voulons relancer la mobilisation “plan d’urgence pour le 93” qui n’a pour l’instant reçu aucune réponse. Cette première date s’inscrit donc dans le cadre d’un mois de septembre de mobilisations, qui doit aboutir sur la grève interprofessionnelle du 1 octobre. Je sais que certains peuvent se dire que cela fait tard, mais nous pensons qu’il faut vraiment construire cette date par la base, et qu’elle soit un aboutissement des luttes de septembre. Il faut remobiliser les collègues, et ce n’est pas juste en un claquement de doigt qu’on va les convaincre qu’il faut se mettre en grève.
Propos recueillis par Léo Garcia