En plein débat sur la réforme du lycée professionnel, nous avons discuté avec Lény, apprenti en cuisine, de sa formation, de ses conditions de travail et de ses aspirations. Il raconte de manière saisissante comment son expérience de l’entreprise a changé sa vision de l’avenir. Ceux qui font les réformes ne doivent pas beaucoup discuter avec des Lény…
Peux-tu te présenter, et présenter ton parcours scolaire ?
Je m’appelle Lény Siredey, j’ai 17 ans et j’habite à Gençay, dans le sud de la Vienne. J’ai eu mon brevet dans un collège public et j’ai passé une année de seconde générale. Puis je me suis tourné vers un C.A.P cuisine et je suis au milieu de ma deuxième année.
Pourquoi as-tu quitté le lycée général pour entrer dans un parcours professionnalisant ?
Car le système juste « scolaire » ne me convenait pas. Et aussi, j’avais envie d’être plus autonome par rapport à l’argent, donc travailler directement m’intéressait beaucoup. Après, j’ai toujours cuisiné, et beaucoup aimé ça, donc le choix de la filière n’était pas un hasard du tout.
Que penses-tu de la formation en CAP ? Que pourrait-on faire pour l’améliorer ?
La formation C.A.P est vraiment intéressante et le fait d’être le plus souvent en entreprise garantit un meilleur apprentissage et un meilleur savoir-faire. Les problèmes sont le salaire ridiculement petit par rapport au travail fourni par l’apprenti (qui est majoritairement le même travail fourni par un salarié qui lui est payé au SMIC horaire) et les conditions de travail.
Quelles sont tes conditions de travail ?
Les conditions de travail sont le plus souvent trop rudes pour le salaire donné. Bosser les jours fériés, travailler les week-ends sans récupérer les congés derrière, parfois devoir être constamment disponible même durant les périodes de formation au CFA.
Par exemple, dans mon cas, je travaille depuis 1 an et demi tous les dimanches et tous les jours fériés sauf pendant les semaines de congé. Pour les mineurs, c’est illégal de le faire.
De plus mes semaines de congé ne sont elles-mêmes pas respectées puisque je n’ai eu que 4 semaines de congé au lieu de 5 obligatoires. Tout ça en enchaînant les semaines de CFA sans jour de repos ni le week-end après les cours ni celui juste après.
Toutes ces galères sont récompensées par salaire qui évolue de 200 euros en 1 année (celle de mes 16 à mes 17 ans) pour passer de 430 à 630 euros par mois sans aucune prime.
Quels liens sont faits entre ta formation au CFA et ton travail en restaurant ?
Les liens sont très peu faits puisque le CFA lui-même n’accepte pas de modifier les heures de travail (en école), et ce même lorsqu’ils constatent une augmentation de la fatigue et une diminution de l’attention parce que l’apprenti a travaillé la veille sans jour de repos.
La formation n’est en aucun cas à l’écoute des besoins des apprentis et du travail que les employeurs demandent à côté.
Quel est ton ressenti global sur tes camarades élèves de CFA ?
La plupart des apprentis que je connais entrent en CAP pour deux raisons : le besoin d’argent et/ou le non-fonctionnement de l’enseignement général pour eux. Pour d’autres, c’est la passion, mais c’est quand même plutôt rare.
Les conditions de travail sont souvent aussi rudes d’une entreprise à une autre donc les apprentis voient le CAP comme moyen de sortir vers 17 ou 18 ans avec un diplôme tout en ayant pu gagner de l’indépendance financière.
Pour autant, plusieurs de mes camarades ont quitté le parcours à cause de la quantité de travail demandée et le rythme trop rude. Ils sont beaucoup à être maintenant dégoûtés par la restauration.
Ta formation en CFA te donne-t-elle des outils concrets pour dialoguer avec ton employeur et connaître tes droits en tant que travailleur ?
Pas vraiment. Je trouve que le CFA emploie des outils plutôt manichéens. C’est tout noir ou tout blanc : si un apprenti se plaint de ses conditions de travail désastreuses, une rupture de contrat sera faite, mais il n’y a pas vraiment d’entre deux, de négociation, d’échange avec l’employeur.
Surtout, à aucun moment on ne nous donne des informations sur les droits que les apprentis ont et les aides, comme les syndicats, qu’on peut demander.
Comment vois-tu ton avenir après ton CAP, dans le monde de la cuisine ?
Malheureusement je ne vois pas encore mon avenir dans la cuisine. J’ai bien l’intention d’avoir mon diplôme, mais simplement pour avoir un travail et un salaire quand j’en aurai besoin.
Je ne sais pas ce que je veux faire par la suite, mais ce ne sera pas de la cuisine à temps plein. Je ne sais pas si les conditions de travail difficiles ont influencé mon avis à propos de la suite pour moi dans la cuisine, mais je pense que ça a quand même pas mal joué.