L’immigration, thème phare de l’extrême droite, n’a eu de cesse d’occuper le débat public ces derniers temps, avec une vision volontairement biaisée. Pourtant, sous la couche stigmatisante du vernis réactionnaire et des faux prétextes sécuritaires, le travail des immigré.e.s porte une réalité tout autre.
La nouvelle loi sur l’immigration annoncée par Darmanin soulève une nouvelle fois la question de l’exploitation particulière subie par tout un pan de la population.
Une population particulièrement vulnérable
En France, de récentes luttes syndicales sont là pour rappeler les conditions violentes de l’exploitation des immigré.e.s. Au-delà des règles limitant leur accès à l’emploi (notamment dans la fonction publique) et les surexposant au chômage, la régularisation des sans-papiers est un véritable objet de lutte acharnée.
Exerçant souvent dans « les secteurs non délocalisables de l’hôtellerie, la restauration, le bâtiment, le nettoyage, la sécurité, l’aide à la personne, la logistique, le ramassage et le tri des déchets, etc. » (Source : CGT), les travailleur.euse.s sont soumis à la double pression de la préfecture et du patronat. Ce dernier pèse notamment sur la capacité qu’a un salarié à faire valoir son droit à demeurer sur le territoire français.
En conséquence, il bénéficie d’un rapport de force inouï sur ses salarié.e.s étrangers.ère.s en situation irrégulière. Cet état de fait rend la population immigrée particulièrement vulnérable aux attentes patronales d’une main-d’œuvre flexible. Sur ce point, on ne compte plus les scandales liés à des licenciements, à des heures impayées, à un nombre extraordinairement grand d’heures supplémentaires…
L’exploitation dont souffrent les salarié.e.s en situation régulière est ainsi subie avec une violence accrue par les travailleur.euse.s pour lesquel.le.s la préoccupation majeure est l’autorisation ou non à rester sur le territoire français.
Projet de loi : avantager toujours plus les bourgeois
En plein contexte de tensions politiques sur le sujet (instrumentalisation et invectives de l’extrême droite, scandale dans l’accueil tardif de l’Ocean Viking…), Darmanin a jugé opportun d’annoncer un nouveau projet de loi immigration.
Celui-ci devrait s’ajouter à une fosse commune de textes législatifs restreignant le droit des étrangers depuis trente ans (Arte), donnant toujours plus d’écho à l’extrême droite, résolvant toujours moins le problème.
Une des propositions majeures du ministre de l’Intérieur, dont l’objectif affiché et assumé est de « mieux intégrer et mieux expulser » (France Info), est le titre de séjour « métier en tension ».
En fléchant les immigré.e.s vers ces métiers en tension (dont l’appréciation ne manquera pas d’être laissée au patronat), Darmanin assume de conditionner la régularisation à la réponse aux besoins de la bourgeoisie. Autant dire que ce chantage (« tu prends le job, ou tu dégages ») ne peut qu’accroître le rapport de force du patron sur les salarié.e.s, qui seront contraint.e.s d’accepter des conditions de travail dégradées.
En tenaille entre une extrême droite de plus en plus violente et une volonté de céder toujours plus aux velléités libérales, le ministre de l’Intérieur a ainsi trouvé une recette miracle renouvelant une logique historique de stigmatisation et de division des travailleur.euse.s, entre Français.e.s et immigré.e.s
Diviser pour mieux régner
Cette opération de division n’est pas nouvelle. S’il s’agit ici d’avantager la bourgeoisie en laissant à sa merci, une fois de plus, une partie de la population, cette loi répond à une stratégie globale de mise en concurrence des travailleur.euse.s.
Dans une période où le chômage et la précarité sont des menaces de plus en plus prégnantes, la liberté laissée au patronat de choisir ses salarié.e.s au sein d’une armée de réserve et de les remplacer à l’envi est préjudiciable pour toute la classe laborieuse, qui est exposée dans son ensemble au chantage à l’emploi.
Mais aussi, cela donne du grain à moudre à l’extrême droite, dont la stratégie historique est d’opposer le travailleur migrant au travailleur français. Le fameux argument « ils nous volent notre métier » est répété à foison dès que la question du travail des immigré.e.s est abordée.
Pour autant, cette opposition est nulle est non avenue. Appartenant à la même classe que la main-d’œuvre étrangère, les travailleur.euse.s souffrent de la même exploitation, au bénéfice exclusif de la même bourgeoisie. Si on affaiblit une partie de la classe laborieuse dans son accès à des conditions dignes de travail, c’est toute la classe laborieuse qui perd en rapport de force et se trouve ainsi exposée.
Aussi, les chiffres du chômage sont là pour nous rappeler que ce n’est pas une telle concurrence qui prive d’accès autant de Français.e à l’emploi, mais qu’il s’agit bien d’une politique menée délibérément pour exploiter davantage la population dans son ensemble.
Défendre l’accès au droit pour les immigré.e.s
Alors que les menaces de nouvelles stigmatisations planent sur notre pays, il est nécessaire de dépasser les contradictions liées au travail de la population immigrée. Le chômage et la précarité ne sont pas des fatalités et relèvent avant tout de choix politiques assumés.
Les salarié.e.s immigré.e.s participent pleinement à la création de richesse dans notre pays.
Souvent invisibilisé, leur travail est ainsi nécessaire, et sa reconnaissance serait, si on se focalisait sous un angle exclusivement moral, la moindre des choses. Mais surtout, nous avons toutes et tous à gagner de la juste reconnaissance de ce travail, afin de ne pas surexposer une partie de la population au bon vouloir du patronat.
Portée par la CGT, la régularisation sur simple présentation d’une relation de travail des travailleur.euse.s immigré.e.s est donc une mesure indispensable aux fondations d’un accueil digne.
Sur ce sujet, le travail exemplaire des organisations syndicales est inspirant, et doit participer à la constitution d’un rapport de force favorable à toute la classe laborieuse, lui permettant de se battre pour un meilleur accès à l’emploi, et de meilleures conditions de travail pour tout.e.s.