La réforme du baccalauréat professionnel d’Emmanuel Macron vise à faire du lycée professionnel un lieu d’insertion professionnelle rapide et non pas un lieu de formation de citoyennes et citoyens. Cette tension entre ces deux objectifs est au cœur de la bataille pour un enseignement professionnel émancipateur, comme ce rapide coup d’œil dans le rétroviseur permet de s’en rendre compte.
Depuis sa création en 1985, le bac professionnel a connu de nombreuses évolutions, ne laissant aucun gouvernement indifférent. En cinq ans, le nombre d’inscrits est passé de 1 300 à 94 000. La mise en place de ce diplôme devait permettre l’accès à de meilleurs salaires et à des emplois plus qualifiés que les titulaires d’un CAP.
Il devait répondre aux évolutions de l’emploi, du travail et de la mise en concurrence des travailleurs toujours plus dure. Il y avait donc l’idée de former des travailleurs mieux qualifiés. Cependant, cette augmentation significative du nombre d’élèves n’était pas tant due à un engouement particulier pour le bac pro qu’à l’élimination du CAP dans les lycées professionnels pour confier ce diplôme à l’apprentissage et à la formation continue. En effet, le CAP correspondait à une attente patronale d’une insertion professionnelle rapide pour conduire directement à la vie active, là où le projet baccalauréat professionnel visait à augmenter le nombre d’élèves allant jusqu’au niveau bac.
Mais déjà à la fin des années 90, les libéraux commencent à parler du bac professionnel comme d’un diplôme “d’insertion”. En 1996, le ministère de l’Éducation nationale dit vouloir « contenir » la présence de bacheliers professionnels en études supérieures, craignant une « dénaturation » du diplôme. En effet, de plus en plus d’élèves veulent poursuivre leurs études après le bac. Cela devient une source d’inquiétude pour les administrations centrales et pour l’État. Cette non-préparation à l’exigence des études supérieures dans le lycée professionnel sera alors la cause de l’échec de nombreux étudiants venant de lycées professionnels, ce qui permettra aux différents gouvernements de remettre en question la présence de ces élèves dans l’enseignement supérieur.
C’est là-dessus que l’UMP (ex LR) va lancer une réforme du diplôme lors de l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy en 2007. Cette réforme sera meurtrière pour l’enseignement professionnel. C’est le passage de 4 à 3 ans en lycée professionnel. Une année de formation en moins qui implique évidemment des suppressions de postes, mais aussi une déqualification forte de la formation des élèves, dans une logique d’insertion professionnelle immédiate au service du patronat. Autrement dit, une réforme de classe. Les suppressions de postes se feront par un grand nombre de départs en retraite non remplacés. Durant le quinquennat Sarkozy-Fillon, ce sont en tout 80 000 postes de professeurs qui seront supprimés. C’est cette même logique de déqualification qui donnait lieu à la réforme Blanquer de 2018. Le nombre d’heures de cours est alors baissé, notamment, dans les matières générales qui perdent un tiers de leur volume horaire.
Et comme si cela ne suffisait pas, le parti présidentiel impose une nouvelle réforme pour la rentrée 2024. Cette réforme de classe prévoit déjà la suppression de 71 heures d’enseignement pour les remplacer par des stages. Les élèves pourront choisir entre 6 semaines de stages ou de cours. Un choix qui risque d’être rapide pour la plupart des élèves, souvent issus des classes populaires. C’est une main d’œuvre gratuite que le gouvernement sert au capital. Une main d’œuvre gratuite pour les patrons et sous-payée (50 € par semaine en seconde, 70 € par semaine en première et 100 €).
Nous pouvons donc dire que la réforme actuelle s’inscrit dans une volonté claire de déqualification du bac professionnel. Une déqualification au service du patronat qui vient s’inscrire dans une logique d’austérité.