À Saint-Denis, les cheminots mobilisés contre la répression syndicale

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À Saint-Denis, les cheminots mobilisés contre la répression syndicale

Un millier de cheminots étaient réunis ce lundi devant le siège de la SNCF, à Saint-Denis, à l’appel de la CGT Cheminots et Sud Rail. Pour beaucoup élus et représentants du personnel, venus de toute la France, ils protestaient contre la mise à pied de deux de leurs collègues, pour des actions menées dans le cadre de leurs mandats.

Suspendus pour avoir demandé le respect des règles

Dans la France d’Emmanuel Macron, la répression des syndicalistes est devenue monnaie courante. Mais cette mise à pied crée un précédent, tant dans la méthode que dans la cible. Christophe Achoub, secrétaire du CSE Central Réseau, avait assigné en justice le président de la SNCF, en réponse aux entraves dans le rôle d’élu et, notamment, au manque d’accès à l’information sur les conditions de travail. Il a été mis à pied pour douze jours (la peine maximale). Pour Pierre, de la CGT Cheminots de Villeneuve-Saint-Georges, cette sanction est symbolique, car “c’est quelqu’un qu’on attaque dans le cadre de son mandat d’élu. On remet directement en cause les libertés syndicales, et la protection de l’élu ouvrier. A la SNCF, ce n’est pas commun, et c’est d’autant plus inacceptable qu’on est dans une période de changements et d’activité syndicale intenses ”.

En ciblant un élu aux responsabilités nationales, la SNCF ne se trompe pas et cherche à intimider chaque militant, chaque travailleur qui pourrait s’opposer à la politique patronale. Ainsi, Frédérique, élue au CSE-IC à Brive-la-Gaillarde, observe que “ce qui lui arrive, ça peut être un de nous demain”. Thierry Nier, secrétaire général de la fédération de la CGT Cheminots, a précisé dans son discours que “la CGT recense, au plan interprofessionnel, près de 1500 camarades qui se trouvent frappés par la répression des sanctions lourdes dans le cadre de leurs mandats syndicaux”.

Un contexte de réorganisation et de régression du droit

Cette répression brutale prend place dans une situation déjà dégradée d’exercice des droits syndicaux et du travail. Une des premières mesures d’Emmanuel Macron, après son élection en 2017, avait été de démanteler les instances représentatives du personnel qu’étaient les CE, DP et CHSCT pour les remplacer par les CSE.

Pour Pierre, il s’agit d’un recul historique, pour lequel “la SNCF est une des entreprises test”. Et d’ajouter ”qu’avant, dans un atelier comme le [sien], sur 800 agents, il y avait quasiment 60 élus. Aujourd’hui, si on est une quinzaine, c’est le bout du monde.”

En conséquence, la charge de l’élu est nécessairement supérieure, et sa distance au terrain est accentuée. Dès lors, il devient compliqué de faire respecter le droit, d’autant que chaque élu, concentrant les missions effectuées auparavant par plusieurs, devient une cible privilégiée du patronat. 

Les syndicalistes, criminalisés

Parmi les nombreux slogans employés par les syndicalistes au cours de la manifestation, il en est un qui revient davantage que les autres : “on n’est pas des criminels”. Cette réponse permet de comprendre l’attitude patronale, qui aspire à la division des salariés. Ainsi que Thierry Nier l’a rappelé dans son discours, ces attaques sont d’autant plus graves dans un contexte de montée de l’extrême droite, alliée du patronat et favorable à l’effacement des syndicats.

“Tout ce que fait la CGT est observé par la direction”, relève Sandra, syndiquée à Montparnasse. Il faut que la direction comprenne l’ampleur du côté inhumain qu’il y a à virer des gens parce que syndiqués ou élus”.

En l’occurrence, la SNCF n’a pas donné le détail du dossier, comprenant les éléments factuellement reprochés aux deux délégués mis à pied. Le maintien de la sanction est donc à comprendre comme un acte de communication, ainsi que l’observe Pierre : “Le message envoyé aux cheminots, c’est qu “personne n’est en sécurité. Le statut protégé, ça n’existe pas’.”

Derrière cette offensive, les inquiétudes sont nombreuses. Pierre poursuit : “Quand on attaque un élu du personnel, on attaque le droit de vote des ouvriers”. Sandra confirme : “L’avenir fait peur : avec ces pressions, beaucoup d’élus vont se taire, et ne plus pouvoir être acteurs de leur mandat. Tous les jours il y a de nouveaux exemples, d’élus ou de représentants CGT qu’on essaye de virer”.

En période de crise politique, quel sens aux syndicats ?

Face aux attaques, l’ensemble des militants présents mettent en avant la nécessité de s’unir et de renforcer les appareils syndicaux, ainsi que le résume Frédérique : “C’est la force de la CGT : c’est un collectif et on ne se sent jamais seul. On se sent toujours soutenu quoi qu’il arrive.”

À l’issue des discours des représentants de la CGT et de Sud Rail, quelques slogans et musiques sont lancés, avant que le rassemblement se poursuive dans une ambiance conviviale, mais revendicative. Frédérique conclut sur l’objectif principal du rassemblement : “On attend la levée de la sanction et la fin des pressions contre les élus”. Pour sa part, Sandra a tenu à rappeler l’essentiel de la fonction de délégué du personnel : “On n’est pas élus pour se taire et faire semblant. On est élus pour dire ce qui ne va pas”.

Lorsque le rassemblement se disperse dans le calme autour de 14h30, les quelques militants restant sur place ont déjà le regard tourné vers l’avenir et le combat de la démocratie en entreprise, essentiel aux yeux de Pierre, et d’autant plus dans la période : “On est face à une faillite de toutes les institutions. La Ve République est en crise. On a un problème de représentativité. S’il y a bien un élu qui est, par définition, représentatif, c’est l’élu syndical. Il faut un minimum de participation pour valider l’élection. Tout se fait à la proportionnelle, et avec un système de mandat bien plus contraignant, qui oblige à tenir le programme”.

Face aux incertitudes politiques, le jeune syndicaliste tient à conclure sur le rôle historique du syndicat, dans la construction du rapport de force des salariés contre le patronat : “Plus que jamais, les clés de l’Histoire sont entre les mains des salariés. Le rapport de force peut tout changer. La question, à présent, c’est notre capacité à s’en saisir, à utiliser les outils que sont les syndicats. Il faut qu’on s’y mette : au travail.”


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