En présentant sa réforme des retraites, Emmanuel Macron ressemble fort au mème du cycliste mettant un bâton dans sa propre roue de vélo. Le vélo, c’est le système de retraites. Sa retraite à 65 ans est en réalité motivée uniquement par son idéologie néolibérale.
Au nom d’un déficit prochain du système de retraite, qu’il va lui-même créer artificiellement, le président de la République veut allonger la durée de travail. Il refuse de trouver de nouvelles recettes pour financer les retraites, il préfère s’attaquer aux droits des travailleurs et travailleuses et sacrifier leur santé.
Pourtant, les effets pervers d’un tel recul social sont prévisibles (chômage des séniors, invalidités, maladies professionnelles…).
Créer un déficit pour justifier le recul
D’abord, il faut noter que la branche retraite de la sécurité sociale est excédentaire en 2021 et en 2022 (+900 millions et +3 milliards d’euros).
Certes, le Conseil d’orientation des retraites prévoit un déficit en 2032, dans dix ans. De 2023 à 2027, le régime aura un petit déficit technique en raison de la baisse des rémunérations des fonctionnaires hospitaliers et territoriaux. Autrement dit : pour faire des économies, l’État crée artificiellement un creux dans les ressources de la sécurité sociale.
Emmanuel Macron veut, dès 2023, faire partir la génération 1961 quatre mois plus tard. Les salariés nés en 1963 partiraient avec un an de retard en 2026. En 2031, la génération 1968 qui aura alors 63 ans devrait attendre encore deux ans pour partir en retraite.
Cette réforme fait le choix de résorber un déficit artificiel pour les cinq prochaines années en faisant payer les baisses de dépenses par les salariés approchant l’âge de la retraite. Ces derniers devraient travailler entre quatre mois et trois ans supplémentaires.
L’été dernier, il était même question d’un régime excédentaire. Qu’est-ce que l’excédent budgétaire issu du labeur de nos aînés va financer pendant dix ans ? Le gouvernement sort cette question du débat démocratique. Il est tantôt question de financer d’autres dépenses comme la transition écologique, tantôt question de revaloriser les petites pensions.
Même s’il semble en effet urgent d’augmenter les pensions avoisinant le seuil de pauvreté, d’autres choix politiques sont possibles pour cela.
Le refus de trouver de nouvelles recettes
Le choix inavoué de Macron est de ne pas apporter de nouvelles ressources à la sécurité sociale. Au contraire, il la prive d’entrées par tout un jeu de dispositifs de soutien aux profits. Il a beau jeu alors de crier au déficit.
Quelle serait la situation après 2032 ? Le Conseil d’orientation des retraites estime que les dépenses de retraite (rapportées au PIB) seront stables entre 2032 et 2070. Elles n’augmenteront que légèrement entre 2028 et 2032.
Malgré le vieillissement de la population, les salaires des actifs devraient grimper plus vite que les pensions et l’âge moyen de départ devrait passer de 62 à 64 ans à cause des réformes précédentes. On est bien loin de l’annonce d’un déficit abyssal.
Pour autant, le recul programmé de l’âge moyen de départ en retraite au-delà de l’âge légal (62 ans), en raison de la durée de cotisation, est loin de faire l’unanimité dans le pays. Notons que les femmes partent en retraite en moyenne plus tard que les hommes pour cause de carrière plus hachée, et avec des pensions plus faibles. Parmi les mécontents, les communistes demandent le retour d’une retraite à 60 ans à taux plein pour tous et toutes.
Si l’on veut financer ces nouvelles dépenses, il faut créer de nouvelles recettes. C’est précisément ce à quoi se refuse la réforme de Macron.
Pour faire entrer de l’argent dans les caisses de la Sécu, on peut tout à la fois mettre fin aux exonérations de cotisations (75 milliards d’euros par an), en finir avec les inégalités salariales hommes-femmes (24 milliards d’euros de cotisations supplémentaires par an), augmenter l’ensemble des salaires, faire cotiser les revenus financiers, arrêter de défiscaliser les primes, etc.
Les effets pervers de la retraite à 65 ans
En outre, la réforme de Macron peut engendrer plusieurs effets pervers.
Le premier est la hausse du chômage des séniors. Dans ces classes d’âge, plus l’âge avance, plus le taux de chômage est haut. Plus grave, les perspectives de reprise d’emploi diminuent fortement avec l’âge. Les séniors sont ainsi davantage touchés par le chômage longue durée, notamment après 55 ans. Ils ont une forte proportion à basculer dans l’inactivité.
Face à cette réalité, le gouvernement ne prévoit pas de baisse du chômage (sinon il n’y aurait pas de déficit à résorber). On va demander aux gens de travailler plus longtemps, ils seront pour une partie au chômage plus longtemps.
À noter : des séniors privés d’emploi ne cotiseront pas pour les retraites, au contraire la hausse du chômage et de l’inactivité va générer des surcoûts en allocations.
L’autre effet pervers est la dégradation de la santé des séniors. La hausse de l’emploi chez les travailleurs âgés génère une augmentation des absences pour maladie. Selon le rapport de juin 2018 de la Cour des comptes, la hausse des arrêts de plus de 3 mois est liée au décalage de l’âge légal de 60 à 62 ans. Il en est de même pour les invalidités. Là encore, le recul de l’âge de départ en retraite entraîne des surcoûts pour la sécurité sociale.
Au-delà du bilan comptable des économies réalisées et des surcoûts entraînés, c’est la certitude d’un impact sur la vie des séniors qui seront plus nombreux à être confrontés au chômage, aux maladies professionnelles, aux invalidités et aux minimas sociaux.
En vérité, la question n’est pas de savoir si l’on vit plus longtemps (ce qui ne veut pas dire qu’on peut travailler plus longtemps), mais c’est de permettre au travail de financer les retraites de nos aînés.