Ce jeudi, l’Assemblée nationale poursuit les débats sur le financement de la sécurité sociale (PLFSS). Pour le budget de la nation, le gouvernement vient de décider de passer en force en faisant adopter la loi sans vote (article 49-3).
Le discours de l’exécutif tente de justifier constamment la perte de droits sociaux par le déséquilibre apparent de la sécurité sociale. Au prétexte d’équilibrer le budget de la Sécu, le gouvernement a réduit l’indemnisation chômage et se prépare à reculer l’âge de la retraite. Pourtant, l’État est en grande partie responsable de ce déficit facilement résorbable.
Le déficit dépend en partie de la conjoncture économique
Le premier tort du gouvernement est de considérer que les droits sociaux peuvent dépendre de la conjoncture économique. Depuis que la sécurité sociale est divisée en différentes branches, celles-ci sont tantôt excédentaires tantôt déficitaires, mais le budget s’équilibre sur le long terme.
Logiquement, moins le chômage est élevé, plus la Sécu encaisse de cotisations sociales. Il n’est pas nécessaire (et pas juste) de réduire les droits des chômeurs quand la conjoncture est mauvaise, alors que créer des emplois permet de financer davantage l’assurance chômage.
De même, l’épidémie de Covid a demandé des dépenses exceptionnelles pour l’assurance maladie en 2020 et 2021. Certes, le déficit de la branche maladie s’élève à -26,1 milliards d’euros en 2021, mais en 2017, 2018 et 2019, elle tendait à l’équilibre.
Même en prenant les dépenses totales, en 2019, la sécurité sociale était presque à l’équilibre avec un déficit de 1,9 milliard d’euros (0,4 %) contre 24,4 en 2021 et 38,7 en 2020. Cette année le déficit attendu est en forte baisse par rapport à l’année dernière (moins de 17 milliards, soit 3%).
Certes, les montants annoncés quand il y a un déficit peuvent sembler énormes, mais il convient de les comparer au budget total de la sécurité sociale. Ainsi la branche vieillesse peut bien être déficitaire de 2,6 milliards d’euros l’année dernière, mais ce sont 2,6 milliards sur 470 milliards d’euros de dépenses totales de la Sécu pour 65 millions d’assurés. Qui a peur d’un déficit de 0,5 % ? En quoi peut-il justifier de faire travailler nos aînés plus longtemps ?
L’État prive la Sécu de nombreuses recettes
En plus de relativiser le déficit de la sécurité sociale sur le long terme (on ne peut pas être raisonnablement inquiets au point de réduire les droits sociaux), notons que les choix politiques actuels empêchent de la financer correctement.
L’État génère de nombreux manques à gagner pour la Sécu. En accompagnant la désindustrialisation déjà, il y a moins de travail et moins de recettes. Des dispositifs légaux sont également en cause : la participation, l’intéressement, les primes, les heures supplémentaires défiscalisées sont autant de revenus qui ne sont pas soumis à cotisations. Les inégalités salariales entre les hommes et les femmes constituent aussi un manque à gagner gigantesque.
Plus graves encore, les exonérations de cotisations sociales privent le budget de l’État d’environ 75 milliards d’euros par an, puisqu’il compense la perte de recettes équivalente que ces allègements infligent à la sécurité sociale. Ainsi la sécurité sociale est d’autant plus dépendante de l’État : les cotisations sociales ne représentent plus que 50 % de son financement, le reste vient de l’État.
En compensant ainsi les exonérations de cotisations, l’État est encouragé à maîtriser voire à réduire les dépenses de la sécurité sociale. Selon la Cour des comptes, les exonérations représentent 20 % de l’assiette des cotisations, c’est-à-dire de ce que le patronat devrait payer.
Ajoutons que les allègements induisent des effets pervers : ils incitent à rémunérer faiblement le travail. En effet, plus les salaires sont proches du SMIC, plus les exonérations sont fortes. De plus, la réduction des cotisations sociales a pu être utilisée pour faire croire à une augmentation du pouvoir d’achat, alors qu’elle permet de ne pas augmenter les salaires.
Toute cette logique néolibérale met en péril le financement de la Sécu et au final nos droits. « L’encouragement aux primes individualisées exemptées de cotisations sociales gèle toujours plus les recettes là où l’augmentation collective des salaires permet celle des cotisations », dénonce la CGT.