Alors que la Coupe du monde de football au Qatar est le symbole de ce que produit de pire le mélange entre sport, finance et géopolitique, comment éviter qu’une telle situation se reproduise ?
Un concentré de ce que nous ne voulons plus voir
Visiblement, la question des conditions de travail n’aura pas été le premier critère de sélection de l’émirat qatari comme pays hôte.
Dès 2014, la fédération de la construction de la Confédération générale du travail (CGT) dénonçait l’absence du droit de grève, l’interdiction des syndicats dans le pays et les conditions de quasi-esclavage des travailleurs sur les chantiers.
Le bilan humain s’est depuis révélé glaçant, avec une estimation d’au moins 6 500 morts sur les chantiers.
Côté respect des droits humains, la FIFA semble s’être assise sur tous ses principes fondateurs en fermant les yeux, voire en se rendant complice d’une censure orchestrée par le Qatar.
Interdiction du brassard « OneLove », refus de laisser entrer des supporters avec des drapeaux LGBT… La FIFA s’est bien pliée aux « coutumes locales » d’un pays qui ne respecte pas les droits fondamentaux de l’opposition et qui peut condamner à mort des personnes pour homosexualité.
Les critères environnementaux auront aussi été mis de côté, avec des stades climatisés pour éviter de trop fortes chaleurs, amenant certains supporters à se plaindre d’une température trop fraîche en tribunes… au beau milieu du désert. Pour la sobriété, on repassera.
Des critères d’attribution à repenser
Il est urgent de construire une tout autre logique dans l’attribution des grandes compétitions internationales, en se basant sur des critères sportifs, sociaux et environnementaux précis.
C’est à une instance indépendante, à l’instar de l’Agence mondiale antidopage (AMA), agence de contrôle antidopage des compétitions, que doit revenir l’attribution de ces grands événements, à partir d’engagements pris par les États candidats.
Il ne s’agit pas ici de porter atteinte à la souveraineté de chaque pays en y changeant la loi, encore moins de réserver l’organisation de ces compétitions aux pays les plus développés, seuls à cocher toutes les cases des critères, mais bien d’imposer que des engagements soient pris par les candidats, faute de quoi, ceux-ci se verraient refuser l’organisation.
Une charte sociale
Une charte pourrait déjà affirmer le respect des droits des travailleurs comme non négociable pour la construction de toutes les infrastructures dédiées à la compétition, en prenant comme référence les pays offrant les plus hautes protections.
La FIFA pourrait dans sa démarche s’inspirer de l’initiative prise par le groupe communiste à la Mairie de Paris dans le cadre des Jeux olympiques 2024 : une charte sociale, signée par les syndicats et les employeurs, engage ces derniers à œuvrer pour éviter tout accident de travail ou mort au travail sur les chantiers.
Dans ce cadre, les syndicats sont libres de se rendre sur les chantiers et des contrôles peuvent être effectués.
Droits humains et environnementaux
Concernant le respect des droits humains, une charte pourrait garantir la liberté d’expression des joueurs et des supporters durant toute la compétition sur tous les sujets touchant à l’événement et son pays hôte.
De la même manière, la liberté de conscience, le respect des droits des femmes et des personnes LGBT doit être un critère de sélection.
Charge alors à l’instance de contrôle de s’assurer qu’aucune répression, aucune censure n’ait été appliquée par les pays hôtes durant l’événement.
Un cahier des charges strict en matière d’empreinte carbone de la compétition doit aussi être un préalable à l’organisation de la compétition dans un pays. Isolation des infrastructures, réutilisation des stades, énergies utilisées, déplacements limités…
De tels critères ont été définis pour les bâtiments des JO de Paris et signés par certaines entreprises. Il faut aller plus loin, pour rendre cette charte systématique et contraignante.
Et le sport, alors ?
Enfin, et c’est une évidence, le critère sportif devrait être au cœur de l’attribution des compétitions.
Si nous voulons garantir la qualité du sport, donnons-nous en les moyens. L’instance de contrôle indépendante devrait s’assurer que l’organisation de la compétition ne vienne pas remettre en cause les dates des championnats réguliers comme l’a fait le Qatar, ou encore faire enchaîner un trop grand nombre de matchs aux joueurs.
Il est certain que cette charte rencontrerait alors le soutien des clubs et fédérations françaises, premières victimes de cette situation.
Alors, utopique cette charte ? Certainement pas. La création d’une telle agence et la mise en place de ces critères ne reposent que sur la bonne volonté des fédérations sportives nationales et internationales, et donc, in fine, des décideurs politiques.
Un premier pas pourrait être effectué en ce sens en convoquant une grande COP du sport professionnel, sur le modèle des COP pour le climat, afin de mettre tous les acteurs sportifs, les États, les syndicats et les ONG autour de la table et imaginer, ensemble, un nouveau sport, populaire, accessible à toutes et tous et qui place les intérêts humains, environnementaux et sportifs au-dessus de tout le reste.