Moyen-Orient : la diplomatie française à la recherche d’un nouvel équilibre

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Moyen-Orient : la diplomatie française à la recherche d’un nouvel équilibre

En annonçant la reconnaissance d’un État palestinien lors de la conférence de l’ONU le 22 septembre 2025, Emmanuel Macron cherche à réaffirmer la voix de la France dans un système mondial en mutation. Une décision à la fois diplomatique et politique, au risque de tendre davantage ses relations avec Israël.

Une reconnaissance sous haute tension

C’est au travers d’un discours d’une vingtaine de minutes qu’Emmanuel Macron a annoncé la reconnaissance par la France d’un État palestinien, lors d’une conférence internationale co-présidée avec l’Arabie saoudite à San Francisco.
Si cette décision apparaît comme une victoire diplomatique pouvant être célébrée, elle révèle surtout le jeu d’équilibriste mené par le président français dans un contexte géopolitique en plein bouleversement.

« La reconnaissance d’un État palestinien n’est pas un désaveu d’Israël, mais une exigence de paix », a affirmé Emmanuel Macron.

Au cours de son allocution, le chef de l’État a tenté de rassurer son allié israélien, invoquant à plusieurs reprises la blessure du 7 octobre et le soutien de la France face aux bombardements iraniens.
Ces précautions n’ont pas empêché la désertion de la délégation israélienne ni une condamnation virulente de la droite et de l’extrême droite israéliennes.

Le gouvernement de Tel-Aviv agite désormais la menace de fermer le consulat français à Jérusalem, aggravant encore les tensions franco-israéliennes des derniers mois.

Un équilibre de plus en plus fragile

« Paris veut tout à la fois : le soutien à Israël et la reconnaissance d’un État palestinien. »

Le soutien à Israël devient une question délicate pour de nombreux pays occidentaux, la France incluse.
Tel-Aviv reste un partenaire stratégique du capital français et un relais d’influence pour les puissances occidentales dans la région, mais cette alliance ne peut plus s’exercer sans contreparties.

Dans un Moyen-Orient recomposé par l’émergence de puissances régionales – Iran, Turquie, Arabie saoudite, Émirats arabes unis – et par l’entrée en scène de la Chine, les marges de manœuvre occidentales se réduisent.
Les alliés historiques, lassés des initiatives israéliennes, cherchent à préserver leur stabilité interne et régionale.

« L’Occident reconnaît la Palestine quand il n’a plus les moyens de l’ignorer. »

En deux ans, Israël a mené une guerre génocidaire à Gaza, intensifié la colonisation en Cisjordanie, bombardé le Liban et menacé Téhéran, alimentant la crainte d’un embrasement général.
Si Tel-Aviv voit dans ce chaos une opportunité historique soutenue par Washington, Paris et Riyad y voient au contraire un risque pour leurs intérêts économiques et géopolitiques.

Une reconnaissance avant tout stratégique

La reconnaissance d’un État palestinien apparaît ainsi autant comme un signal adressé aux opinions publiques et aux pays du Sud que comme un message de fermeté envers Israël.
Le lendemain, à la tribune de l’ONU, Emmanuel Macron a d’ailleurs replacé cette annonce dans un discours plus classique pour un dirigeant occidental : appel à dépasser la fracture Nord-Sud, volonté de stabiliser le Liban et la Syrie, retour du contrôle sur le programme nucléaire iranien, et soutien à la stratégie américaine en Ukraine.

« Sous couvert d’équilibre, la diplomatie française cherche surtout à préserver ses intérêts régionaux. »

La Palestine, un levier pour Paris

Pour la France, cette reconnaissance s’inscrit dans une stratégie d’ensemble : retrouver une influence dans la région tout en maintenant ses alliances au sein du bloc occidental.
Si elle redonne une crédibilité internationale à la cause palestinienne, cette décision ne marque ni un tournant radical dans la politique française à l’égard de Gaza, ni une rupture avec Israël.
Elle illustre plutôt la volonté de Paris de repositionner sa diplomatie dans un monde où les équilibres se déplacent et où le discours universaliste occidental peine à convaincre.


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