LFI/PS, les deux faces d’une même stratégie sociale-démocrate

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LFI/PS, les deux faces d’une même stratégie sociale-démocrate

La semaine dernière a été marquée par des affrontements très virulents entre socialistes et insoumis, ces derniers accusant les premiers d’être des “sociaux-traîtres” et des alliés du Rassemblement national pour avoir refusé de voter leur motion de censure. 

Cet affrontement, savamment mis en scène sur les réseaux et dans les médias, vise à définir les deux stratégies possibles pour la gauche dans la période : une “radicale”, d’opposition ferme au gouvernement, et une “respectable” de négociation. Il reviendrait ensuite à chacun de choisir son camp. Pourtant, derrière les joutes verbales et les outrances, ces deux stratégies témoignent d’une même conception de la politique : la sociale démocratie. 

Les insoumis, comme les socialistes, semblent incapables de concevoir la politique autrement que par des jeux institutionnels. Pour LFI, cela passe par une forme de “guérilla parlementaire” qu’ils s’attellent à mener depuis le lendemain des élections législatives anticipées. Cela consiste à se gargariser du moindre amendement adopté dans une commission, quand bien même celui-ci n’a aucune chance d’être adopté au terme des débats. C’est cette même stratégie qui a consisté à donner une importance capitale à la composition des commissions mixtes paritaires, des vice-présidences de telle commission, des postes de questeurs… C’est enfin la même posture qui pousse LFI à cristalliser, voir hystériser, les débats, autour de motions de censure, quand bien même celles-ci non plus n’ont aucunes chances d’aboutir, comme ce fut le cas la semaine dernière. 

Cela revient à opérer une hyper-focalisation sur l’Assemblée nationale, en entretenant l’illusion que, dans une chambre largement dominée par la droite et l’extrême droite, d’immenses victoires seraient possibles pour les travailleurs, et que les défaites seraient à imputer à de mauvaises “tactiques” des uns ou des autres. On pourrait l’entendre si tout cela visait à aider à construire un rapport de force en dehors des institutions, aux côtés de syndicats. Mais pour les insoumis, l’objectif n’est pas là, mais bien dans une hypothétique démission d’Emmanuel Macron, afin de reconvoquer des élections présidentielles et de permettre à Jean-Luc Mélenchon d’être à nouveau candidat. 

On retrouve là un grand classique social-démocrate, qui ne pense les conquêtes sociales que par la victoire dans des élections, ultra-personnalisées autour d’un personnage charismatique capable d’emporter les foules. Les masses, les classe travailleuses, ne sont donc pas ici actrices et motrices du changement, elles sont passives, vue uniquement comme un réservoir à voix. Tout est fait pour masquer le fait que les institutions, comme les résultats électoraux, ne sont que reflet de l’état de la lutte des classes dans le pays, et qu’il convient donc de travailler à l’unité et à l’organisation des travailleurs pour espérer conquérir le pouvoir par ce biais. 

Ce qui est habile chez La France insoumise, c’est qu’ils arrivent à maquiller cette stratégie somme toute assez réformiste d’un vernis radical, grâce à des outrances verbales, des attaques virulentes contre les “traitres”, parvenant ainsi à entrainer avec eux tout un segment de la jeunesse en quête de cela. Mais cette “radicalité” ne dépasse finalement jamais les mots, et cela fini par aboutir d’une stratégie qui parvient à faire cohabiter ensemble le pire du gauchisme et à du réformisme.

Une fois retiré cet emballage “radical”, assez peu de choses distinguent alors les insoumis des socialistes. Pour ces derniers aussi, l’essentiel de l’effort doit se concentrer dans le jeu institutionnel. Ainsi en est-il des longues tractations avec le gouvernement qui se sont conclues pour les socialistes par un accord temporaire de non censure qui a tant fait parler. Il ne s’agit pas de reprocher à quiconque d’avoir discuté avec le gouvernement : toute avancée, aussi maigre soit-elle, est bonne à prendre. Mais penser que de telles négociations, sans de fortes mobilisations sociales pour faire grandir le rapport de force, sont en mesure d’obtenir des victoires significatives relève là aussi d’une illusion réformistes. 

Ainsi, dans la période, insoumis et socialistes ont contribué, avec des méthodes radicalement différentes, à capter toute l’attention autour d’un cirque politique dont, pour l’un comme pour l’autre, la fin était quasi attendue : il n’y a pas eu de censure, et il n’y a pas eu d’avancées notables. En ce point, ils semblent bien d’accord sur l’essentiel : la politique se joue à l’Assemblée nationale, pas ailleurs. 

Plutôt que de choisir son camp entre ces deux nuances de sociale démocratie, il revient aux révolutionnaires de tracer leur propre voie, s’appuyant, elle, sur la classe travailleuse organisée et les mobilisations sociales. C’est ce qu’ont tenté d’incarner les communistes dans la période, en allant négocier pour obtenir la moindre avancée, en se faisant le relais des forces syndicales, tout en maintenant une position ferme vis-à-vis du gouvernement et de sa censure. Mais au-delà, il s’agit de voir en dehors des institutions. Non pas pour les ignorer dans une posture gauchiste, mais pour les prendre pour ce qu’elles sont : un miroir — certes déformé – de l’état de la lutte des classes dans le pays. Alors que l’abstention et le vote d’extrême droite gagne encore des franges immenses de la classe travailleuse, ici se situe le combat, loin du vacarme du Palais Bourbon.


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