Maurice Thorez : main tendue ou drapeau blanc ? 

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Maurice Thorez : main tendue ou drapeau blanc ? 

Depuis le décès du chef de l’amicale des épingleurs de cadavre sur bois de charpente, des responsables de gauche prennent l’alibi de la main tendue de Maurice Thorez aux catholiques. Cela, non pour amener les croyants sur nos positions, mais pour rendre hommage à un prétendu chef spirituel. 

Pourquoi a-t-il fallu tendre la main ? 

Si Maurice Thorez a besoin de “tendre la main” en 1936, c’est bien parce que l’opposition entre communistes et clergé est connue et quotidienne. L’Eglise et le PCF comptent parmi les organisations qui ont les moyens de structurer la société et la vie quotidienne. De la naissance à la mort, on est successivement pionnier ou scout, CGT ou CFTC, Secours Rouge ou Catholique. Objectivement réactionnaire, l’Eglise tente de détourner les classes populaires catholiques du PCF en situant le clivage de la société entre croyants et non-croyants. Tout en assumant clairement son matérialisme, et donc la négation de Dieu, le secrétaire général du PCF replace le curseur sur l’affrontement de classe. Selon la célèbre formule, “l’unité pour construire le paradis terrestre nous importe plus que les divisions sur un paradis dans le ciel”. 

A qui a-t-on tendu la main ? 

La main tendue, qui replace au centre du jeu le clivage de classe, est claire dans son adresse: “Nous te tendons la main, catholique, ouvrier, employé, artisan, paysan, nous qui sommes des laïques parce que tu es notre frère et que tu es comme nous accablé par les mêmes soucis.” Il sagît bien de s’adresser à un camarade des classes laborieuses, qui se trouve être croyant. Non pas au croyant, mais à l’ouvrier, par-delà sa croyance. 

Surtout, il n’est jamais question de s’adresser au clergé, et certainement pas au pape ! Les communistes reconnaissent parfaitement que la croyance est une illusion souvent réconfortante et qu’il est vain de prétendre l’abolir totalement sans éliminer les angoisses auxquelles elle répond. Il est donc possible de s’adresser aux croyants en camarades, mais pour abattre l’ordre établi et toutes les institutions qui le soutiennent, parmi lesquelles les religions. 

Sur quel contenu a-t-on tendu la main ? 

Pour tendre la main aux catholiques, Maurice Thorez met en avant les intérêts de classe qu’ils partagent avec les communistes. La main tendue aux catholiques de 1936 n’implique jamais de reconnaître comme on l’a vu fleurir ces derniers jours une “communauté catholique” au sein de la Nation, sans même parler de reconnaître à cette communauté un “chef”. 

Sur le contenu, la main tendue de 1936 n’empêche pas le PCF de tenir ferme sur la critique de l’Eglise, de sa coopération avec Franco dans la Guerre d’Espagne à ses tentatives de reprendre en main l’éducation des enfants. Le Maurice Thorez qui tend la main aux catholiques en 1936 est bien le même que le signataire du Serment de Vincennes de 1959 qui jure “de lutter sans trêve et sans défaillance jusqu’à [l’]abrogation” de la loi Debré finançant les écoles privées confessionnelles et “d’obtenir que l’effort scolaire de la République soit uniquement réservé à l’École de la Nation”.
Si ces deux Maurice Thorez sont bien la même personne, c’est parce que le PCF s’est toujours refusé à résumer les croyants à leur croyance. Il s’est toujours adressé à la classe ouvrière, en dépit des ses divisions religieuses. Il a traité les croyants comme des adultes capables de supporter la critique de leurs idées et de leurs pratiques, comme des camarades.


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