Lénine : les partis sont-ils dépassés ?

publié le dans
Lénine : les partis sont-ils dépassés ?

Cent ans après sa mort, un des apports majeurs de Lénine pour un projet révolutionnaire est sa réflexion sur la politique. Pour lui, le parti politique de la classe travailleuse ne doit pas se contenter de relayer des revendications économiques, mais il doit se positionner sur tous les sujets de la vie sociale.

Il me semble que cette idée est utile pour penser aujourd’hui le rôle d’un parti politique révolutionnaire, après des années où on a répété à gauche que les partis sont dépassés et que le mouvement social pouvait s’imposer et gagner presque spontanément.

À l’occasion du centenaire du décès de Lénine, on peut relire notamment Que faire où il théorise tout l’intérêt d’un parti politique pour la classe travailleuse.

Pour Lénine, le Parti communiste veut bien sûr augmenter les salaires, baisser le temps de travail et réduire l’exploitation capitaliste. Néanmoins, il ne peut pas être neutre sur les questions de la paix, des nationalités, de la liberté de la presse, ou encore des institutions démocratiques. Ce ne sont pas des questions réservées aux partis politiques bourgeois ni encore moins des sujets de diversion à côté de la lutte des classes.

Ainsi, Lénine débat très tôt dans son parti pour soutenir le droit des peuples à l’autodétermination, ou pour renverser le régime tsariste et établir de nouvelles institutions. Il fait, en pleine Première Guerre mondiale, de l’arrêt de la participation de la Russie à la guerre, la grande priorité politique.

Évidemment, à l’époque, les communistes ne sont pas les seuls à vouloir mettre fin à l’oppression de l’empire russe ni les seuls pacifistes, des partis bourgeois peuvent avoir des positions similaires, mais ce qui importe à Lénine, c’est d’être le plus crédible, le plus conséquent sur ces questions afin de montrer à tous les secteurs de la société que la classe travailleuse est la plus capable de diriger le pays à l’avenir. Surtout, Lénine pose les questions « politiques » ou « sociétales » dans l’optique de la lutte des classes et de la perspective que la classe travailleuse l’emporte.

En bref, Lénine est le théoricien de la révolution qui a poussé le plus loin l’idée que la « question sociale » ne se limite pas à la réforme du droit du travail.

En effet, elle implique des changements sociaux fondamentaux qui concernent tous les pans de la vie sociale. Lénine voit d’ailleurs le changement de régime, d’État, comme le sujet politique le plus central. L’État n’est pas neutre, c’est une question sociale, une question de classe. Sans conquête du pouvoir d’État, sans abolition des anciennes institutions et création de nouvelles institutions adaptée à la classe travailleuse, tout changement social est compromis.

La conclusion politique de Lénine est que son parti doit travailler partout à amener des masses de personnes à voir le projet politique formulé par le Parti communiste comme celui qui s’impose historiquement dans chaque domaine de la vie.

On comprend pourquoi le centenaire de sa mort rappelle un désagréable souvenir à ceux qui, à droite, voudraient qu’on se limite à demander sans succès des mesures de justice sociale et qu’on renonce à viser le cœur du pouvoir, et ceux qui, à gauche, se contentent de postures contestataires et dont la radicalité des mots n’a d’égal que la modération du programme.


Édition hebdomadaire