Le Festival du Cinéma Cubain, dans sa toute première édition cette année, s’est conclu en un merveilleux tour d’horizon du cinéma cubain, avec plusieurs films jamais distribués en France et des rencontres telles qu’on n’aurait osé en rêver.
Le Festival, conçu et imaginé par l’association Cuba Coopération France, s’est placé sous le haut patronage de l’Institut cubain de l’art et de l’industrie cinématographiques (ICAIC). Il s’est tenu durant une semaine, à Vitry-sur-Seine (94) en partenariat avec la Ville et ses équipements culturels.
Une première édition réussie
Au terme d’une semaine de cinéma, d’activités culturelles et festives, il est certain que le festival a tenu ses promesses, et bien plus encore ! On y a découvert un nouveau rendez-vous culturel, à potentiel métropolitain, ouvert aux curieux comme aux ciné-nautes sans frontières, plus que ravis d’échanger avec les invité-e-s, en bord de plateau, après une séance de cinéma.
Avec la marraine du Festival, Nancy Morejón, poétesse et femme de lettres cubaine, le public du festival a découvert une voix immense de la poésie latino-américaine.
Avec Roberto Smith de Castro, directeur de la revue de l’ICAIC Cine Cubano, il y eut l’occasion de se frotter au cinéma d’Histoire, autour du magnifique El Mayor de Rigoberto Lopez.
Perspectives et progrès
Avec ce festival, c’était également une chance d’aborder les défis et les avancées en matière de droits LGBQI + à Cuba, avec un aperçu unique sur la société et la vie quotidienne des Cubains, avec Madame Arahazay Lami Hormaza, du Centre National d’éducation Sexuelle de Cuba (Cenesex).
Avec la reconnaissance de la filiation socioaffective, du statut des familles multiparentales, en passant par le mariage pour tous, on découvre les orientations novatrices du nouveau code de la famille, adopté en 2021 au terme d’un intense processus référendaire (citoyen et démocratique !) à Cuba.
La Television Serrana : une initiative unique
Lors de la séance de courts-métrages, au cinéma et à la bibliothèque, on s’est laissé émerveiller par une initiative unique : la Television Serrana, « une institution culturelle fondée en 1993, dans la Sierra Maestra, à Cuba, avec le soutien de l’UNESCO, de l’Institut cubain de radio et de télévision (ICRT) et l’Association nationale des petits agriculteurs (ANAP) ».
Racontée par Maigualida Rivas, actrice et porte-parole du projet au Festival, la TV Serrana résonne avec force par son extraordinaire ambition humaine. La vie des paysans de la Sierra Maestra s’y raconte au fil de près 500 documentaires, alors que l’équipe de tournage professionnelle donne champ-libre à la voix des paysans campesinos, et à leur culture, qui y déploie son timbre et ses histoires.
La TV Serrana est fondée par Daniel Diez Castillo, producteur de télévision à la Havane, en 1993. L’initiative puise ses racines auprès d’une petite communauté de 32 000 âmes, dans une région montagneuse et relativement isolée, historiquement ancrée dans la production de café.
L’ambition cubaine
Fait inouï sous nos latitudes, et alors que l’île traverse sa pire crise économique (dite « période spéciale »), le projet jouit dès le départ de la reconnaissance et du soutien matériel (et financier !) des institutions. TV Serrana se dote ainsi d’une équipe de formidables passeurs d’imaginaires, de professionnels de l’image et d’« amateurs » très aguerris, formés à l’Institut cubain de radio et de télévision.
Après près de 30 ans d’existence, la TV Serrana, est un fleuron des politiques culturelles à Cuba.
La voix aux paysans
Au festival, le projet était à découvrir au fil de trois courts-métrages documentaires. La TV Serrana se raconte à travers la voix des paysans — les actrices et les acteurs principaux du projet — dans Comme un rayon de lumière, où l’on redécouvre le lien fondamental et premier à l’image et au cinéma, cette « chose très belle et très importante », qui nous a tous un jour émerveillés.
Dans Bohio, le spectateur se laisse guider par un couple de jeunes paysans aménageant leur maison traditionnelle des campagnes cubaines. On se laisse fasciner par la matière, les matériaux prélevés dans la nature environnante. On admire l’incarnat des murs, peints à la main au pigment d’argile ferrugineuse, dans une séquence de pur bonheur synesthésique.
Dans la Chivichana, on se laisse surprendre par un exemple remarquable de la débrouillardise cubaine, un moyen de transport très particulier, véritable petit monument à la résilience humaine en temps de crise.
Une initiative qui a tenu toutes ses promesses
Un mot également pour le classique du film documentaire cubain, Pour la première fois, tourné en 1967 par Octavio Cortazar, sur les talons des Unités de Cinéma Mobile qui offraient des séances de cinéma dans les régions les plus éloignées du pays, dont de nombreux habitants n’étaient encore jamais allés au cinéma.
Pure folie que de tenter de résumer ici toutes les découvertes qui ont ponctué ce festival ! Rendez-vous plutôt l’année prochaine, pour une nouvelle grande leçon de cinéma.