« Chaque peuple paraît à travers les rues de l’Europe avec sa petite torche à la main et maintenant voilà l’incendie ». Avec l’enlisement de la guerre en Ukraine et la course à l’armement, ces mots de Jean Jaurès le 25 juillet 1914 prennent une résonance toute particulière. L’équilibre entre le soutien à un pays envahi et le risque d’embrasement global a rarement été aussi précaire.
Le défilé du 9 mai
Après que Sergueï Lavrov ministre russe des Affaires étrangères a déclaré que le risque d’une troisième guerre mondiale était « réel », beaucoup s’attendaient à ce que Vladimir Poutine profite du Jour de la Victoire et de son défilé militaire pour annoncer la mobilisation générale, mobilisation qui n’aurait rien annoncé de bon. Au lieu de ça, le président russe a instrumentalisé la victoire de l’Armée rouge face au IIIe Reich pour justifier son invasion de l’Ukraine, appuyant sur le prétendu travail de « dénazification » de l’armée ukrainienne par ses troupes.
Arguant que l’Ukraine et l’occident font planer une « menace absolument inacceptable » sur sa patrie, il a cependant assuré qu’il ferait tout pour que « l’horreur d’une nouvelle guerre globale ne se répète ». Lors du défilé du 9 mai, le président russe a donc soufflé le chaud et le froid et a voulu galvaniser ses citoyens tout en tentant de rassurer ces derniers et la communauté internationale.
Enlisement
Avant le début de la guerre, les États-Unis d’Amérique pensaient que les forces russes ne mettraient que quelques jours à vaincre l’armée ukrainienne et à s’emparer des places fortes du pays. Le conflit dure depuis maintenant bientôt quinze semaines et aucun camp ne semble vraiment prendre le dessus sur l’autre.
L’aide humanitaire continue à se mettre en place, mais la situation des Ukrainiens est de moins en moins tenable pendant que les accusations de crimes de guerre se multiplient. En plus des conditions de vie devenues déplorables, les médias évoquent un traitement catastrophique des prisonniers (ukrainiens et russes), des massacres de civils et des viols de jeunes femmes ukrainiennes.
Face à ces horreurs, le président ukrainien Volodymyr Zelensky continue la bataille médiatique pour mobiliser la communauté internationale et renforcer les sanctions prises à l’encontre de la Russie. Le chef d’État a ainsi assuré qu’il n’y avait selon lui « pas d’alternatives » à l’entrée de son pays dans l’Union européenne. Pour lui, il s’agit d’un moyen diplomatique de mettre un frein aux velléités guerrières de la Russie.
De plus, la peur de voir la Russie envahir la Transnistrie, région prorusse de Moldavie, a motivé la Suède et la Finlande, à faire une demande d’intégration à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Cette demande pour le moment bloquée par la Turquie de Recep Tayyip Erdoğan pose question. Quelle sera la réaction de Vladimir Poutine si elle est acceptée, quand on sait que celui-ci refuse fermement que l’OTAN s’étende plus à l’est et ne se rapproche de la frontière russe ?
Course à l’armement
Donald Trump en rêvait, Vladimir Poutine l’a fait ! En effet, comme le souhaite l’ancien président étasunien, depuis le début de l’invasion russe, les pays membres de l’OTAN ont augmenté les dépenses allouées à la défense. Aujourd’hui, bon nombre d’entre eux consacrent 2 % de leur PIB à celles-ci. Une hausse du budget militaire qui fait le bonheur des vendeurs d’armes et notamment de Dassault qui a vu sa cote en bourse augmenter de +63,44 % en seulement trois mois.
Le choix historique de l’Union européenne de livrer des armes à l’Ukraine pose de nombreuses questions. Si l’émotion pousse à soutenir les forces ukrainiennes, il est important de ne pas confondre vitesse et précipitation. Où iront ces armes une fois le conflit terminé ? Quelle réaction de la Russie face à ces livraisons ? Comment obtenir un cessez-le-feu en alimentant le conflit armé ?
La course à l’armement laisse présager le pire et comme le disait très justement Jean Jaurès : « On ne fait pas la guerre pour se débarrasser de la Guerre ». La Première Guerre mondiale avait eu raison de la Deuxième Internationale, l’émotion de la Guerre en Ukraine ne doit pas pousser les forces progressistes à abandonner la diplomatie et le multilatéralisme au profit du bellicisme, elles ne doivent pas laisser le conflit s’enliser.