Réforme de la voie professionnelle : des patrons à la place des profs

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Les annonces de la ministre Carole Grandjean nous le démontrent : rien ne semble faire reculer le gouvernement sur son projet de réforme de la voie professionnelle. Pourtant, les syndicats qui restent mobilisés l’affirment : ce que propose Macron, c’est le retour au XIXe siècle.

Suppression d’heures de cours, moins d’apprentissages et plus de stages, rémunération au lance-pierre, une carte des formations modulables…  

La rédaction de l’Avant-Garde vous propose de revenir sur cette réforme qui s’annonce être dévastatrice pour les élèves, les professeurs et les établissements.

De l’Éducation nationale au ministère du Travail

Le premier aspect de cette réforme est la réduction considérable du nombre d’heures de cours. Alors que la nécessité est de renforcer les parcours scolaires au sein des filières professionnelles, le gouvernement fait le choix inverse.

La réforme de 2009 avait déjà privé les élèves d’une année entière de formation. Celle de Blanquer en 2018 de plus de dix semaines. Continuant sur cette lancée, Macron fait le choix de supprimer plus de 200 heures de cours sur les trois années de lycée.

En terminale, le parcours des élèves est réduit de plusieurs semaines. L’objectif est de faire passer les épreuves de bac plus tôt dans l’année pour favoriser l’insertion professionnelle des élèves et faire plus de stages. Un bien triste aveu : plutôt l’usine que l’école !

Moins d’apprentissages, plus de stages

Au-delà de la suppression drastique d’heures de cours, la formation professionnelle se trouve, elle aussi, largement entachée. La réforme prévoit une réduction du nombre d’heures en apprentissage — près de 83 heures en terminale —  au profit de la multiplication des stages et de l’augmentation de leurs durées. L’apprentissage d’un métier est réduit à celui des gestes techniques, excluant les compétences les plus complexes et les connaissances générales du métier.

Une logique : former des travailleurs peu chers, peu qualifiés, et habitués, par les stages effectués, aux contrats courts et mal payés. Cette logique répond aux exigences des patrons locaux, qui souhaitent former la main-d’œuvre dont ils ont besoin, et qu’ils peinent à trouver faute de garantir des contrats, des conditions de travail et un salaire acceptables. 

Gratification des stages : 1000 €/an pour vivre dignement ?

La mesure phare pour les élèves est l’annonce d’une gratification des stages, à hauteur de 50 à 100 € par semaine effectuée. Une somme bien ridicule versée par l’État pour appâter les jeunes issus des familles les plus précaires vers la voie professionnelle.

Au-delà du fait que cette annonce inquiète quant au contenu des stages qui navigue entre formation et travail gratuit, celle-ci nous interroge. Si des jeunes de 14 ou 15 ans ressentent l’obligation de toucher un revenu pour vivre, c’est que leurs parents sont dans une situation financière alarmante. Soyons clairs : ce n’est pas au lycéen de travailler pour payer leur scolarité et faire vivre leur famille.

Qui plus est, ce n’est pas 1000 € par an qui permettront de vivre dignement. Plus que jamais, la nécessité de renforcer et de démocratiser le bac professionnel se fait ressentir. Pourtant, Macron creuse la frontière sociale entre les lycées généraux et professionnels.

Conditionner les filières aux besoins immédiats et locaux des patrons

Le dernier pilier de cette réforme est l’adaptation de la carte des formations aux besoins immédiats et locaux des entreprises. L’ambition est de renouveler d’ici à 2025 un quart des filières, et d’en supprimer 15%, notamment dans le secteur tertiaire.

Dès la rentrée 2024, ce sont des centaines de lycées qui seront impactés, voire menacés de fermeture. Mais les métiers concernés n’ont pas pour autant disparu ! Les formations se feront donc en dehors du système scolaire, au sein d’autres structures telles que l’apprentissage. Dans le secteur des services — qui concentre plus de 70 % des contrats d’apprentissages — les ouvertures de formation sont déjà plus importantes en CFA qu’en lycée pro.

Une double peine pour les jeunes : s’ils choisissent le lycée professionnel, ils n’auront plus le choix des métiers puisque les formations sont conditionnées aux besoins des patrons. S’ils choisissent l’apprentissage, ils ne sont plus encadrés par le système scolaire, mais soumis à des contrats précaires, et sous statut de salarié.


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