Pour la jeunesse sahraouie, « il n’y a d’autre issue possible au conflit que l’indépendance »

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Pour la jeunesse sahraouie, « il n’y a d’autre issue possible au conflit que l’indépendance »

Près de Tindouf, dans l’extrême sud-ouest de l’Algérie, le peuple sahraoui subit l’une des pires crises de réfugiés au monde. 

Depuis 47 ans, des dizaines de milliers d’exilés sahraouis – 173 000 à ce jour — espèrent retrouver un jour leurs terres. Malgré l’enlisement du conflit, l’inaction de la communauté internationale et le silence qui les entoure, les jeunes sahraouis ne perdent pas espoir.

En février dernier, nous avons rencontré ces jeunes qui nous ont fait part de leurs difficultés, mais aussi de leurs espoirs et de leurs aspirations à la liberté. 

Une République en exil

En 1965, dans le contexte international de la décolonisation, les Nations Unies demandent à l’Espagne de se retirer du Sahara Occidental, l’enjoignant à mettre en œuvre le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Dix ans plus tard, alors que le territoire est sous occupation espagnole, la Cour internationale de justice approuve la tenue d’un référendum d’autodétermination pour le peuple sahraoui. 

Suite à cette annonce, Hassan II, roi du Maroc, lance la « marche verte ». 350 000 Marocains envahissent alors illégalement le territoire. 

Si, selon le récit national marocain, cette marche permet de revendiquer pacifiquement un territoire du sud, les Sahraouis témoignent d’un moment de grande violence à leur encontre : bombardements au napalm, arrestations de masse… forçant ainsi la population sahraouie à fuir vers Tindouf, à la frontière algérienne. 

C’est sur ces terres isolées, arides et désertiques que les Sahraouis se sont temporairement établis en attendant, en vain, que la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), créée en 1991, accomplisse son mandat.

Dans les camps, une organisation unique au monde

Depuis l’implantation des Sahraouis près de Tindouf, l’Algérie laisse la gestion des camps au Front Polisario. Administrés par les autorités de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), les camps ont une organisation unique au monde. 

Les conditions de vie y sont particulièrement difficiles. Les températures extrêmes l’hiver comme l’été, les tempêtes de sable et les conditions climatiques difficiles rendent la vie dans les camps précaire et incertaine. Les réfugiés vivent dans des tentes et des habitations qui ne résistent pas aux intempéries, sans eau courante. L’isolement géographique et la diminution, ces dernières années, des aides internationales rendent l’approvisionnement alimentaire insuffisant, ce qui entraîne des problèmes de malnutrition et d’anémie.

Malgré ces conditions, le Front Polisario a mis en place des structures de gouvernance, des écoles, des centres de santé et d’autres services essentiels pour répondre aux besoins du peuple sahraoui en exil. 

Si la situation des réfugiés depuis leur installation dans les camps a évoluée — accès partiel à l’électricité, mise en place d’infrastructures routières, etc. — l’aggravation des tensions avec le Maroc et les crises internationales participent à la détérioration de leurs conditions de vie. 

Pour les jeunes, des perspectives d’avenir limitées 

En intervenant militairement dans la zone tampon de Guerguerat en 2020, le Maroc a mis fin au cessez-le-feu signé en 1991 sous l’égide des Nations Unies, poussant le Front Polisario à reprendre les armes, éloignant ainsi toute perspective d’issue diplomatique au conflit. 

Parallèlement, les multiples exactions du Maroc à l’encontre du peuple sahraoui sur les territoires occupés — pressions, harcèlement, tortures, disparitions forcées, détentions arbitraires et emprisonnements politiques, etc. — continuent, obligeant toujours plus de Sahraouis à prendre le chemin de l’exil. 

C’est dans ce contexte et face à l’échec de la MINURSO que le Front Polisario s’est positionné en faveur d’une intensification du conflit armé lors de son congrès en janvier dernier. 

Si l’aggravation des tensions sur le plan militaire impacte indéniablement les jeunes dans les camps, les multiples crises internationales ont provoqué une détérioration évidente de leurs conditions de vie. La pandémie de Covid-19 et la fermeture des frontières ont limité l’accès des organisations internationales aux camps, confrontant les réfugiés à des pénuries alimentaires et à une augmentation des prix des denrées. La guerre en Ukraine a également affecté la situation des réfugiés. De nombreux fonds internationaux ont été alloués à cette crise, plus récente et médiatisée, diminuant les aides internationales attribuées aux Sahraouis. 

Face à cette situation, pour les jeunes, il n’y a pas beaucoup d’options possibles : travailler dans l’armée, la gendarmerie, la police ou, pour ceux qui ont la possibilité de poursuivre leurs études secondaires et supérieures à l’étranger, être professeur ou docteur. 

Grâce aux programmes de bourses financés par les organisations internationales et à l’accent mis par le Front Polisario sur l’éducation et la formation, les jeunes sont formés pour tout, prêts pour former une société, chez eux, au Sahara occidental. Mais une fois diplômés, ils sont confrontés à la réalité des camps de réfugiés : l’absence d’emploi et de perspective d’avenir. 

« L’espoir se manifeste dans la résistance » 

Si cette situation peut engendrer des frustrations, la jeunesse sahraouie n’a pas pour autant perdu la lueur d’espoir qui l’anime, car, dans la résistance quotidienne et la lutte collective, les jeunes réfugiés se retrouvent et s’organisent. 

C’est à Smara, à mi-chemin entre le camp de El Ayoun et celui de Smara, que nous avons rencontré ces jeunes. Dans les camps, ils s’organisent au sein de l’Union des Jeunes Sahraouis (UJSARIO), une organisation de masse, branche du Front Polisario dont le rôle est la formation, l’intégration et l’encadrement des jeunes réfugiés. Leur champ d’action est vaste : ils mettent en œuvre des travaux de formation professionnelle, de formation politique et des activités sportives et culturelles. 

Cette organisation leur permet d’améliorer leurs conditions de vie au quotidien, de se former, de se rendre utiles à la communauté, mais leur objectif est éminemment politique. 

La jeunesse sahraouie sait que la seule façon de permettre à son peuple d’exister, dignement, est d’acquérir l’indépendance. Si la jeunesse sahraouie fait appel à la solidarité internationale pour assurer sa survie dans les camps, la seule solution viable pour améliorer durablement ses conditions de vie est de retrouver ses terres et sa liberté.


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