Pollution atmosphérique : le modèle Uber à rebours de la transition écologique

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Pollution atmosphérique : le modèle Uber à rebours de la transition écologique

Les plateformes de VTC, Uber en chef de file, n’hésitent pas à se vanter d’être des acteurs de la décarbonation des transports. L’argument avancé est celui d’une diminution de l’utilisation de la voiture individuelle en agglomération grâce à l’alternative Uber. “Un exercice de green washing qui vise à masquer l’augmentation, bien réelle, du trafic et de la pollution.

Une alternative plus polluante

La communication de Uber s’appuie notamment sur les résultats d’une étude réalisée pour l’entreprise américaine par le bureau de recherche 6t-, qui se montre suspicieusement beaucoup plus optimiste sur l’impact environnemental de l’entreprise que d’autres enquêtes réalisées par des équipes indépendantes en France et à l’étranger. Nicolas Louvet, fondateur et directeur du bureau de recherche dans le secteur de la mobilité, avait été auditionné à ce sujet dans le cadre de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale relative aux révélations des Uber Files en avril 2023. 

Il est maintenant communément admis qu’un trajet en Uber émet plus que le même trajet par l’alternative qu’il remplace. En cause, une diminution de l’usage des transports en commun, et une première partie du trajet à vide effectuée par le VTC pour se rendre au point de rendez-vous fixé par le passager. Mécaniquement, cela augmente le nombre de kilomètres parcourus. Une large étude menée par plusieurs ONG et associations de défense de l’environnement, dont les organisations françaises Respire et Transport&Environnement a permis de quantifier l’impact environnemental d’Uber dans les grandes agglomérations européennes.

À Londres, la corrélation a ainsi été établie entre la forte augmentation des trajets faits en VTC et l’augmentation des émissions de CO2 du secteur des transports. Rien qu’à Paris, l’arrivée d’Uber serait responsable au total du rejet dans l’atmosphère de 180 kt de CO2, soit l’équivalent des émissions annuelles de plus de 22 000 foyers français.

De plus, 40 % des utilisateurs de la plateforme déclarent utiliser Uber pour des trajets qu’ils n’auraient pas réalisés avec un autre mode de déplacement. Autant de trajets, donc, qui ne peuvent être comptés en remplacement de la voiture individuelle, mais constituent une augmentation du nombre de véhicules en circulation. 

Cet accroissement du nombre de véhicules en circulation dans les villes où s’implante Uber a des conséquences délétères sur la pollution atmosphérique, la pollution sonore, les embouteillages. Au-delà des considérations environnementales, c’est donc la qualité de vie et la santé publique qui sont impactées.

Uber Green washing

L’entreprise, consciente de sa mauvaise réputation auprès des plus écolos de ses clients, s’adonne depuis quelques années à un green washing de grande ampleur. Cela passe notamment par une mise en avant de son option « Green » : des courses réalisées en véhicule électrique ou hybride.

Uber incite financièrement ses cliens à choisir cette option en augmentant les tarifs des autres types de courses. D’après la communication faite sur leur site internet, l’augmentation du chiffre d’affaires ainsi générée doit permettre d’aider les chauffeurs pour l’acquisition ou la location d’une voiture hybride ou électrique, à certaines conditions : « Un chauffeur utilisant l’application 42 heures par semaine en moyenne obtiendra environ 4 500€ d’aide au bout de 3 ans sur les modèles faisant partie du plan. »

Or,  il faut compter au minimum 30 000€ pour l’achat d’un véhicule électrique. Uber prétend donc porter des engagements écologiques, mais fait porter le coût de cette transition aux chauffeurs. Sans parler du fait que pour prétendre à ces 4 500€ d’aide, il faut travailler au minimum 7 heures hebdomadaires de plus que la durée légale du temps de travail. Pas de jaloux : Uber méprise tout autant l’environnement que le droit du travail.

Sortir du tout voiture

Si la mise en place d’une alternative à l’utilisation de la voiture individuelle dans les grandes villes est bien une nécessité pour limiter nos émissions de GES et améliorer la qualité de l’air, il apparaît clairement que le modèle de VTC mis en place par Uber n’est pas une solution. Au contraire, son déploiement dans la capitale a même contribué à l’arrêt d’Autolib en 2018, service public d’autopartage de voitures électriques en libre-service, 7 ans après sa mise en service.

Face à une politique nationale très permissive envers Uber, les collectivités n’apportent pas de réponses satisfaisantes à la problématique des transports. Celle-ci est pourtant stratégique pour la transition écologique. En Ile-de-France, plus grande aire urbaine du pays, le collectif Stop Galère dénonce la gestion catastrophique de Valérie Pécresse, qui laisse ce secteur se dégrader tout en augmentant les coûts pour les usagers.

D’après Empreinte2050, le plan climat pour la France du Parti communiste français, un avenir tout autre pour les mobilités en agglomération est pourtant possible. La dépendance à la voiture doit réduire drastiquement grâce aux transports publics et au vélo pour relever le défi de la neutralité carbone. Ce changement de paradigme ne peut pas passer par une culpabilisation des individus, mais bien par un investissement massif dans les secteurs des transports et de l’aménagement urbain. Pour garantir le droit à la mobilité, les transports collectifs doivent être accessibles à tous gratuitement, leur capacité augmentée et la desserte améliorée, notamment en banlieue. Pour les trajets pour lesquels le recours à la voiture demeure nécessaire, celle-ci doit être électrique, de petite taille et à un tarif accessible.


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