Dans la suite du Salon de l’agriculture et à l’approche des élections européennes, l’Avant-Garde propose un dossier de trois articles sur la politique agricole commune (PAC). Mais la politique agricole commune, qu’est-ce que c’est exactement ?
Déjà présente sous une forme embryonnaire dans le Traité de Rome de 1957, la politique agricole commune entre en vigueur en 1962. Depuis, elle n’a cessé de faire partie du quotidien des agriculteurs de toute l’Europe et particulièrement de celui des Français.
La PAC, de la reconstruction à la libéralisation du monde agricole
La politique agricole commune est une idée s’inscrivant de la construction européenne. Après la Seconde Guerre mondiale, l’Europe est dévastée et complètement dépendante des importations pour ses besoins alimentaires. Le niveau de production en matière agricole n’a toujours pas rattrapé son niveau d’avant-guerre, mais, pourtant, le potentiel productif du Vieux Continent est connu de ses dirigeants.
Ainsi sont exposés les cinq objectifs principaux de la PAC dans le Traité instituant la Communauté économique européenne. Elle doit permettre d’augmenter la productivité du secteur agricole et de favoriser le progrès technique, là où les méthodes sont encore archaïques. Elle doit contribuer à augmenter le niveau de vie des agriculteurs, à garantir la stabilité du marché et la sécurité des approvisionnements, et à assurer des prix raisonnables aux consommateurs.
Pour atteindre ces objectifs, cette politique européenne s’appuie sur trois piliers. D’abord, le marché commun s’étend aux produits agricoles, qui ne sont donc pas soumis aux droits de douanes. Interviens ensuite le principe de “préférence communautaire” par lequel les produits de la Communauté sont protégés des produits extra-communautaire par le biais de quotas et de droits de douanes. Ultime pilier, la solidarité financière implique une contribution de tous les États membres au budget de la PAC.
Cela n’échappera à personne : la politique agricole commune semble bien en peine pour atteindre ses objectifs de départ. Le milieu paysan, auquel les règles libérales du marché européen ont été appliquées, ne s’épanouit pas dans des conditions adéquates.
Les déboires d’une politique productiviste
Dès sa création, l’ambition productiviste de la PAC est affichée. Les aides sont versées à partir d’une certaine surface exploitée et dépendent de la production des exploitations.
Le soutien au marché garantit des prix fixes et doit permettre d’accroître la surface exploitée et d’investir dans du matériel moderne, afin d’augmenter la productivité des exploitations. À l’époque, certains y voient déjà la disparition des paysans au profit d’une industrialisation de l’agriculture.
Au cours de sa longue existence, la PAC a été réformée à plusieurs reprises pour répondre aux problématiques qu’elle a elle-même créé. Le premier changement intervient en 1968 avec le plan Mansholt. Si la PAC avait permis une augmentation de la production et des rendements, le revenu des agriculteurs n’avait, lui, pas progressé.
Préoccupé par les conséquences d’une surproduction sur l’équilibre du marché, Sicco Mansholt, commissaire européen à l’agriculture, entend encore moderniser l’agriculture. Son plan tient en deux points principaux, l’optimisation des surfaces cultivées et la fusion des exploitations pour augmenter leur taille.
Dans les années 80, la surproduction agricole que l’on craint tant est là. À l’époque, on parle même de “montagnes de beurre” et de “lacs de vin”. La production est écoulée à prix cassé sur le marché mondial, ce qui conduit à la diminution du revenu des producteurs. Pour contrer le phénomène, des quotas sont imposés aux agriculteurs, et une taxe leur est imposée en cas de dépassement.
En 1992, les réformes MacSharry abandonnent un soutien du marché au profit d’un versement d’une aide financière directement destinée aux agriculteurs. Les prix ne sont ainsi plus garantis sur le marché, et de nouvelles obligations relatives à l’environnement et à la qualité des produits sont imposés.
La PAC s’est par la suite dotée d’un second pilier, en plus du soutien aux producteurs, consacré au développement rural. Le but est une nouvelle fois d’augmenter la compétitivité de l’agriculture, alors que la PAC représente la moitié du budget européen. Dans le même temps, le secteur agricole n’offre plus autant de perspectives de création d’emplois.
Enfin, deux changements majeurs interviennent en 2013 et 2021 dans le but d’intégrer l’enjeu climatique dans la politique agricole de l’Union. Les paiements destinés aux grosses exploitations sont réduits, et des récompenses financières sont prévues pour les producteurs les plus écoresponsables.
La PAC au cœur de l’actualité
La PAC est décriée à la fois par les milieux agricoles et écologistes. Elle incarne un modèle productiviste qui ne tient pas suffisamment compte des enjeux contemporains. Toutefois, ce mode de production vers lequel les agriculteurs ont été poussés les rend dépendants des procédés polluants, notamment l’emploi des pesticides chimiques.
Les mouvements d’agriculteurs qui traversent l’Europe le montrent. L’UE n’est pas considérée comme capable d’assurer un niveau de vie décent aux paysans.
Ceux-ci réclament un assouplissement des contrôles et une plus grande tolérance sur les méthodes de production. Le paradoxe dans lequel la PAC a plongé les exploitants est aujourd’hui au centre des colères. La logique productiviste voulue dès le départ s’appuie inlassablement sur des produits chimiques que les impératifs environnementaux conduiraient à bannir… Il semblerait que l’ambition écologique de l’UE soit relativisée par sa propre volonté productive initiale.