Pourquoi pouvons-nous interdire les manifestations fascistes ?

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Pourquoi pouvons-nous interdire les manifestations fascistes ?

Le samedi 6 mai, seulement deux jours avant la commémoration de la victoire sur le nazisme, une manifestation fasciste avait lieu en plein Paris, en l’hommage d’un militant mort le 9 mai 1994 en tentant de fuir une charge policière. 

Cette démonstration de force de l’extrême droite, autorisée par la préfecture, semble mettre le gouvernement mal à l’aise, alors que ce dernier s’était illustré en interdisant de multiples rassemblements et « casserolades » face à la réforme des retraites.

Suite à cette manifestation, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, jugeant les images de celle-ci « profondément choquantes pour la République », demanda dans l’hémicycle l’interdiction de toutes les manifestations d’extrême droite à venir.

Cela n’a cependant pas empêché le groupuscule royaliste Action française de se rassembler, une fois de plus dans la capitale, la semaine suivante. Il serait pourtant légalement possible de mettre un terme à ces parades fascistes.

Des manifestations antirépublicaines

« Europe, Jeunesse, Révolution » : tel était le slogan, issu des mouvances néo-fascistes italiennes, clamé par quelques 500 militants d’extrême droite, cagoulés pour la plupart, lors de la manifestation parisienne du 6 mai dernier.

Axel Loustau et Olivier Duguet, deux anciens proches de Marine Le Pen et trésoriers de son micro parti Jeanne, étaient également présents dans le cortège.

Les manifestations du genre sont de plus en plus nombreuses sur le territoire. Parallèlement à la montée électorale de l’extrême droite représentée par le Front national et Reconquête, de multiples groupuscules aussi violents que radicaux se décomplexent dans la rue.

Derrière la manifestation du 6 mai : le GUD (Groupe union défense). L’organisation étudiante d’extrême droite créée en 1968 afin de réprimer le mouvement social s’est souvent illustrée par sa brutalité, comptant parmi ses membres de multiples néonazis et fichés S. 

L’année dernière, l’un de ses anciens militants avait notamment été mis en cause dans l’assassinat du rugbyman Frederico Martin Aramburu. Plusieurs de ses membres avaient aussi participé au passage à tabac de militants de SOS Racisme au meeting d’Éric Zemmour à Villepinte en décembre 2021. 

Le groupuscule mis en sommeil en 2017 s’est récemment réactivé depuis l’université Panthéon-Assas, bastion historique de la droite étudiante à Paris. 

Néonazisme

Le 6 mai, nombre de militants du GUD et apparentés arboraient des drapeaux présentant des croix celtiques, symbole « suprématiste blanc » selon la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme. La croix celtique, mise en avant par l’extrême droite française depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, regroupe derrière elle de multiples mouvances nationalistes et néonazies des plus immondes.

Par ailleurs, de nombreux groupuscules fascistes ont récemment participé à l’organisation de manifestations xénophobes à Saint-Brévin-les-Pins, contre l’installation d’un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) au sein de la ville. La maison du maire Yannick Morez a été la cible d’un incendie criminel le 23 mars dernier, le poussant à démissionner le 9 mai.

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La montée en puissance des fascistes dans nos rues n’a que trop durée. L’inaction du gouvernement n’est plus acceptable alors que des moyens légaux existent pour y mettre définitivement fin.

Il est légalement possible d’interdire ces groupuscules et leurs parades

Suite à la crise du 6 février 1934 et au constant développement des ligues d’extrême droite durant l’entre-deux-guerres, une loi concernant « les groupes de combat et les milices privées » paraît le 10 janvier 1936, peu de temps avant la victoire électorale du Front populaire. Cette loi a été abrogée par ordonnance en 2012, mais ses dispositions ont depuis été transposées dans le Code pénal.

C’est notamment sur la base de ces dispositions que le groupuscule suprémaciste Génération identitaire a été dissous en mars 2021. 

Bien que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin ait récemment affirmé sa volonté d’interdire toutes les manifestations de l’ultra droite sur le territoire, cela n’a pas empêché le groupuscule royaliste Action française de se rassembler une semaine après la manifestation du GUD. 

La manifestation de l’Action française avait été interdite dans un premier temps par un arrêté de la préfecture, mais la justice civile est revenue sur cette interdiction, affirmant qu’elle portait « une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifester ».

Il est pourtant possible de s’appuyer sur les dispositions de la loi de 1936 pour s’attaquer et interdire définitivement les groupuscules fascistes avant qu’ils ne menacent davantage la République.

Les fondements légaux

La loi de 1936 accorde au Président de la République la possibilité de dissoudre par décret les groupes qui « présenteraient, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupes de combat ou de milices privées », comme c’est le cas de multiples groupuscules fascistes partout en France, qui se forment au combat voire s’arment en toute impunité.

Elle s’attaque également aux associations ou groupements qui « auraient pour but d’attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement ou dont l’activité tendrait à faire échec aux mesures concernant le rétablissement de la légalité républicaine », comme c’est notamment le cas de l’Action française, qui s’élançait en criant « À bas la République ! » dans les rues de la capitale le samedi 13 mai.

La loi pourrait également justifier la dissolution des organisations qui « provoqueraient à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propageraient des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence », comme c’est par exemple le cas du GUD, du Parti nationaliste français, de l’organisation identitaire Citadelle implantée à Lille, des organisations à l’origine des manifestations xénophobes à Saint-Brévin depuis plusieurs mois, ainsi que de nombreux groupuscules adeptes de la théorie dite du « grand remplacement ».

Il est grand temps pour la force publique de prendre ses responsabilités et d’user des moyens légaux en sa disposition, comme c’est le cas des vestiges de la loi sur les groupes de combat et les milices privées du 10 janvier 1936, pour réellement mettre un terme à la montée des groupuscules fascistes qui représentent un réel danger pour la République et ses citoyens.

Il est aussi temps pour le gouvernement de cesser de systématiquement renvoyer ses adversaires dos à dos. C’est en accusant la gauche de « terrorisme intellectuel » que le gouvernement banalise une extrême droite ultra violente, prête à passer à l’acte, et laisse se pavaner des néonazis par centaines en plein cœur de la Ville Lumière.


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