Pourquoi construire la mobilisation salariale et pas des marches dominicales ?

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Pourquoi construire la mobilisation salariale et pas des marches dominicales ?

L’appel de la gauche à manifester dimanche fait pâle figure face à la multiplication et aux réussites des mobilisations salariales.

Si nous sommes à l’aube d’un possible grand mouvement des travailleurs impulsé par les syndicats, une partie de la gauche ne semble pas convaincue du bien-fondé de la grève et de l’organisation collective, préférant la promenade du dimanche. 

Pourtant, s’il y a bien un moyen de lutte qui a fait ses preuves et qui apporte victoire et émancipation à la classe laborieuse, ce sont les moyens de pression économique sur le capital. Preuve en est avec la grève à Total et Esso, où les syndicats sont proches d’obtenir gain de cause. 

Retour sur les objectifs et les enjeux derrière la grève et pourquoi les marches du dimanche n’offrent pas de perspectives gagnables pour le mouvement social.

La grève a fait ses preuves

La cessation collective du travail comme un moyen d’action pour les salariés s’est généralisée à partir du moment où le travail s’est opéré dans des collectifs de travail et dans des lieux dédiés. L’un des premiers intérêts de la grève, au-delà de l’arrêt de la production, est une réappropriation des espaces de travail par les salariés, qui trouvent leur émancipation dans une situation « anormale » où ils sont en charge et doivent décider collectivement des choix à faire pour eux en tant que groupe de travailleurs.  

Le mouvement ouvrier s’est construit collectivement et de manière émancipatrice. Les travailleurs en lutte basent leur combat sur leur réalité. En effet, les victoires des divers mouvements ouvriers sont caractérisées par des revendications claires sur les conditions de travail, et ont permis des avancées sociales considérables (congés payés, délégués du personnel, conventions collectives…). 

On en conclut plusieurs choses. D’abord, la matérialité des revendications est nécessaire, contrairement à des mots d’ordre flous et fourre-tout. Deuxièmement, l’émancipation se trouve dans la conscience que l’on peut, en tant que travailleurs, en tant qu’exploités, reprendre les rênes de notre avenir, et tout particulièrement de notre espace de travail. Cela passe par le collectif, par la mise en place de moyens de lutte réels (caisse de grève, manifestations, communiqués, négociations…).

Manifester dimanche ?

Les mobilisations de salariés et l’organisation d’une grève sont bien éloignées du mode d’action que veut privilégier une formation politique comme La France insoumise. Elles sont bien éloignées d’une incitation de l’individu à se balader entre le fromage et le dessert, sans réel objectif et sans décision collective et organisée. Jean-Luc Mélenchon s’est même permis de critiquer vertement la CGT qui n’est pas à l’aise à l’idée qu’une formation politique impose son agenda au mouvement social.

L’argument souvent opposé à notre manière de concevoir la lutte sociale est celui d’inclure ceux qui ne travaillent pas ou qui ne peuvent pas faire grève (étudiants, retraités, micro-entrepreneurs, intermittents…). Pourtant, même pour ces catégories, la grève ou en tout cas la mise en place d’une lutte collective et organisée permettent l’émancipation. Grève des Deliveroo, collectifs de retraités, mouvements syndicaux étudiants, tous ces moyens et ces espaces existent et n’attendent qu’à être investis et massifiés.

Remettre l’organisation collective au centre de la lutte

Par ailleurs, la grève est aujourd’hui le moyen le plus efficace pour mettre un coup à la production capitaliste, comme pour promouvoir les revendications. La grève actuelle des raffineries en est un cas d’école. Pour preuve, le capitalisme tente le tout pour empêcher la cessation collective du travail : individualisation, ubérisation, baisse des salaires, augmentation du coût de la vie. Tout est bon pour faire rentrer les travailleurs dans le rang. C’est le cas pour Total, le gouvernement ayant annoncé la réquisition des salariés, supprimant toute possibilité réelle de négociation avec la direction. 

Les manifestations le dimanche sont alors presque un aveu d’échec, de capitulation de la part de certaines organisations de gauche, persuadées de mettre fin à des méthodes de luttes qui seraient dépassées, et de mener le peuple vers son destin. Il ne faut pas se fier à ce populisme petit-bourgeois, inconscient des réalités du prolétariat, et dont l’objectif n’est pas l’émancipation des travailleurs, mais la promotion politicienne d’une formation réformiste. 

La constitution d’un réel mouvement de masse est toujours venue, vient et viendra de la base ouvrière, par des revendications concrètes, réalistes et par des actions ayant un impact sur le capital. Remettons donc au centre de la lutte ces revendications salariales en tant que point de départ vers une mobilisation plus large. Cela passe par l’organisation collective et syndicale.


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