“Organiser les Jeux Olympiques, c’est d’abord organiser une grande fête populaire” Nicolas Bonnet Oulaldj

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“Organiser les Jeux Olympiques, c’est d’abord organiser une grande fête populaire” Nicolas Bonnet Oulaldj

Nous avons rencontré Nicolas Bonnet Oulaldj, 43 ans, responsable sports au Conseil National du PCF, président du groupe des élu.es PCF-FDG au Conseil de Paris et membre du GIP (Groupement d’Intérêt Public) de la candidature de Paris 2024.

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Nicolas Bonnet Oulaldj

Il participera à la délégation parisienne qui se rendra à Lima le 13 septembre pour l’attribution de Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et 2028.

Pourquoi être favorable aux JO 2024 à Paris ?

Nicolas Bonnet Oulaldj : Organiser les Jeux, c’est d’abord organiser une grande fête populaire autour du sport en accueillant des milliers de jeunes athlètes de toute la planète. C’est un parfum de bonheur que l’on ne doit pas bouder.

Alors que la guerre est partout, après les attentats qui ont frappés notre pays, comment ne pas être sensible aux valeurs fondatrices de l’olympisme qui portent un message universel de paix, d’amitiés et de fraternité entre les jeunes du monde entier ?

La charte olympique se conjugue avec l’idéal humaniste et pacifique que nous défendons ainsi que le droit d’accès au sport pour toutes et tous.

Le Parti Communiste Français a toujours été favorable à l’accueil des Jeux Olympiques et Paralympiques. Dès le début des années 80, Georges Marchais, secrétaire général du PCF, plaidait déjà pour la candidature de Paris avant même que l’idée soit reprise et défendue par les autres formations politiques et le comité national olympique français en 1992, 2008 et 2012. Finalement 2024 sera l’aboutissement de plus de quarante années de mobilisation des communistes pour l’idéal olympique.

C’est aussi une belle opportunité pour ouvrir un grand débat sur la place du sport dans notre pays et les moyens qui lui sont consacrés. C’est l’occasion de réinvestir un champ qui a été abandonné depuis de trop nombreuses années à la loi du marché.

Les valeurs de l’olympisme ne sont- elle pas mortes ?

NBO : Évidemment, au regard des précédentes éditions, les communistes, comme beaucoup de français, s’interrogent sur les conditions d’accueil et sur l’écart entre les valeurs olympiques et les affaires qui trahissent son idéal : investissements inconsidérés sans lien avec les populations, dérogations fiscales, soupçon de corruption, affaires de dopage, spéculation immobilière… certains y voient « le stade suprême du capitalisme ».

Nous sommes lucides, ça ne peut plus durer.

Aujourd’hui, le Comité International Olympique est face à une crise inédite, la question du changement est posée par son Président qui déclarait en 2014 que

«  le CIO devait être lui-même porteur du changement, sous peine d’y être contraint par les critiques, les manifestations d’hostilité des populations et le désistement des villes tentées par une candidature »

Pour preuve, le 13 septembre à Lima le CIO rendra officiel l’accueil des Jeux à Paris en 2024 après l’abandon des autres villes et l’accord avec Los Angeles pour 2028.

Pour la première fois l’enjeu n’est pas tant économique que la capacité du mouvement olympique à survivre et repartir sur de nouveaux fondements. Paris sera incontestable un tournant dans l’histoire des Jeux, un souffle nouveau pour l’olympisme.

Nelson Paillou avait déjà prévenu en 1994, à l’occasion l’anniversaire des cent ans des Jeux :

« si l’on veut que le sport ait un avenir, il faut qu’il soit humain. S’il échappe à l’homme, il disparaitra, comme il a déjà disparu par le passé. Il peut disparaitre par la perfidie, l’arrivisme des hommes ou la rentabilité abusive des pratiques sportives ».

Si nous voulons des Jeux durables qui mettent le sport au service de l’être humain et de son émancipation, il faudra s’attacher à libérer le sport de sa marchandisation et reconquérir l’idéal humaniste et pacifique.

Plutôt que d’adopter une posture d’opposition par principe et renoncer à la capacité à changer les choses, soyons ambitieux et relevons le défi de rallumer la flamme olympique éteinte par les marchands en tout genre. C’est l’occasion de rebâtir un idéal collectif et universel pour un monde de paix, de liberté, de solidarité dans lequel le sport joue un rôle essentiel dans la formation des citoyens de demain. L’avenir des Jeux dépendra de la manière dont les forces du progrès dans le monde seront capables de l’inscrire plus étroitement dans la logique de la Déclaration universelle des droits de l’homme, vers plus de démocratie, de paix et de justice sociale.

N’est-ce pas des dépenses inutiles en période d’austérité ? Paris est de plus mondialement connue et plébiscitée par les touristes.

NBO : La renommée de Paris dans le monde n’est pas la première de nos préoccupations. Paris est déjà l’une des destinations des plus prisées au monde par les touristes. Ce qui est important, c’est ce qui restera aux populations. C’est pour cela que l’héritage est l’un des piliers de la candidature, tous les investissements doivent être utiles aux populations après les Jeux.

Celles et ceux qui y voient des dépenses inutiles plutôt des investissements pour l’avenir, ne font-ils pas le jeu des partisans de l’austérité dont l’obsession est la réduction des dépenses publiques ? Menons d’abord le combat contre les politiques d’austérité et faisons tout pour que nouveau modèle économique et social l’emporte bien avant 2024 !

Nous sommes pour la relance économique et industrielle dans notre pays, gage de créations d’emplois, et contre les politiques d’austérité qui freinent les investissements publics dans tous les domaines. L’accueil des Jeux sera un accélérateur des investissements et des politiques publiques. C’est une bonne chose après tant d’années de retard, notamment en matière de transport, de logement et d’aménagement urbain en région parisienne.

Que dire du retard accumulé dans le développement du sport et dans les installations sportives ? Par exemple le projet de piscine olympique en Seine Saint Denis n’a jamais abouti alors qu’il est dans les cartons depuis plus de 20 ans ! En Seine Saint Denis, Un enfant sur deux entrant en 6e ne sait pas nager, comment peut-on accepter cela ? Faut-il rappeler sans cesse que Paris et la Seine Saint Denis sont les territoires les plus déficitaires en équipements sportifs ? Les jeux ne régleront pas tout, mais contribueront à réduire les inégalités.

Le budget prévu est-il vraiment raisonnable ?

NBO : Le budget global prévu est de 6,8 milliards d’euros. Nous sommes très éloignés des Jeux de Londres qui ont coûté 11 milliards de dollars ou ceux de Rio qui approchent 12 milliards de dollars.

Soyons précis sur les dépenses et leur répartition. L’organisation coutera 3,8 milliards d’euros et sera financée à hauteur de 1,5 milliards par le CIO, 1,1 milliards par les sponsors et 1,2 milliards par les recettes de billetteries et les produits dérivés.

Les investissements nécessaires en termes d’installations sportives sont estimés à 3 milliards d’euros. Ils seront financés par l’État à hauteur de 1 milliard, par la ville de Paris pour 145 millions, par la Région Ile de France pour 145 millions et 210 millions par les autres collectivités alors que les fonds privés contribueront à hauteur de 1,5 milliards.

Autant dire que les dépenses publiques seront de 1,5 sur 6,8 milliards, soit seulement 22% des dépenses globales. 1,5 milliard de dépenses publiques répartis sur les 7 ans à venir (soit 240 millions par an, 0,05% du budget de l’état) alors que le budget annuel de la défense est de 32 milliards et qu’une opération militaire à l’étranger coûte 1 million d’euros par jour à l’État français. N’oublions pas que l’évasion et l’optimisation fiscale coûte de plus 80 milliards par an à notre pays.

Des dépenses inutiles en période d’austérité, il y en a beaucoup du côté de la finance. En 2016 les entreprises du CAC 40 ont versé plus de 46 milliards d’euros en dividendes aux actionnaires, en hausse de 13 % sur un an. Sur le podium, le tiercé Sanofi-Total-Vivendi occupe les trois premières marches et représente plus d’un tiers des sommes astronomiques versées.

La force de la candidature de Paris repose sur un budget maîtrisé qui répond aux attentes et besoins des populations.

L’expérience des éditions précédentes est un atout sur lequel la candidature de Paris s’est appuyée. Elle a intégrée aussi bien les erreurs d’Athènes et de Rio que la réussite et l’héritage pour les populations de Barcelone et Sydney.

Évidemment, nous devrons rester vigilants pour que les dépenses à venir n’explosent pas et exiger la transparence tout au long du processus jusqu’en 2024.

Quel(s) impact(s) auront ces Jeux Olympiques sur les habitants d’Ile-de-France ?

NBO : Il y aura un impact en termes d’emplois sur les chantiers qui vont être lancés : village des athlètes et des journalistes, piscine, transport en commun, urbanisme… ainsi que les emplois générés par l’organisation et l’accueil des Jeux. C’est une très grande opportunité pour la jeunesse dont la première des préoccupations est de trouver un boulot. Mais il va falloir se battre sur les conditions de travail. Mes différentes interventions ont abouti à la signature d’une charte sociale signée entre le comité d’organisation et l’ensemble des syndicats et la présence de Bernard Thibault en tant que représentant des syndicats au sein du comité de candidature. Il faut maintenant rester vigilant pour que les 16 engagements de la charte sociale soient suivis à la lettre. Concrètement, cela se traduira par l’intégration de clauses de responsabilité sociale et économique dans les marchés publics, la non-discrimination dans l’accès à l’emploi, la mixité, le respect des normes internationales du travail et la sécurisation des parcours professionnels. Selon Laurent Russier, le Maire PCF de Saint Denis, les clauses d’insertion prévoient de créer au moins 1100 emplois au niveau local.

Au moment de la signature, Philippe Martinez, Secrétaire général de la CGT, déclarait qu’à

« l’universalité des Jeux Olympiques et Paralympiques doit s’ajouter l’universalité des droits sociaux pour les travailleurs ».

Il y aura également un impact en terme environnemental. Ce seront les premiers Jeux alignés sur les accords de Paris pour le climat. Le comité d’organisation se fixe comme objectif la réduction de la pollution, le développement des transports en commun, une stratégie zéro déchet et en rendant possible la baignade dans la Seine. Un partenariat inédit a été signé avec le WWF France, présidée par la navigatrice Isabelle Autissier, qui vise une réduction de 55% de l’empreinte carbone par rapport aux jeux de Londres qui avait été considérée comme l’édition la plus durable de l’histoire. Le village olympique sera pour la première fois un éco-village. Paris 2024 repose sur un modèle durable et servira d’exemple à la transition énergétique et écologique sur une démarche d’économie circulaire.

Les tensions en termes de logement et de transports ne risquent-elles pas d’être exacerbées ?

NBO : Les jeux vont être un formidable moteur pour que le « chantier du siècle » du métro du grand Paris soit livré en 2024. Les transports publics franciliens permettront une meilleure connexion entre nos territoires, une meilleure circulation des flux de personnes. Mécaniquement, cela désenclavera les territoires jusqu’ici les plus isolés.

Les Jeux Paralympiques vont la faire avancer la question de l’accès des personnes en situation de handicap. Emmanuelle Assmann, la Présidente du Comité National Paralympique français (CPNF) rappelle dans une récente interview accordée au journal Le Monde

« qu’avant les Jeux de Pékin, les personnes en situation de handicap vivaient cachées, aujourd’hui, les athlètes paralympiques par exemple sont vécus comme des héros ».

Les Jeux vont faire rattraper 25 ans de retard rien que sur l’accessibilité des lieux publics et en premier lieu dans les transports.

En ce qui concerne la question du logement, le village olympique représente plus de 15 000 lits qui deviendront un nouveau quartier résidentiel avec des logements sociaux et nous plaidons pour des logements étudiants.

Pour faire face aux risques de gentrification des quartiers populaires nous devrions réfléchir à une charte contre la spéculation immobilière à l’échelle métropolitaine afin de contraindre les promoteurs à un plafond du prix au mètre carré. À l’initiative des élus communistes ce type de charte a déjà été expérimenté à Paris, Bagneux, Saint Ouen ou Gennevilliers. Les sénateurs communistes avaient également porté un projet de loi pour contraindre à un minimum de 30 % de logements sociaux autour des futures gares du métro du Grand Paris.

Quelles garanties seront mises en place pour permettre l’accès aux épreuves à un public populaire ?

NBO : Si on veut que la fête soit réussie il faut absolument que tout le monde y participe ! Je pense notamment aux enfants, aux jeunes, aux étudiants, aux chômeurs… il faut obtenir de l’Etat et des collectivités locales qu’une part de gratuité soit prévue pour les plus démunis. Quelle tristesse de voir aux Jeux de Rio des tribunes à moitié vide ! Aux Jeux de Londres, les tribunes étaient pleines, et de nombreux enfants arrivaient en cars pour remplir le stade olympique. C’est avant tout une volonté politique.

Suite à mon intervention, le comité de candidature a signé un partenariat avec le secours populaire pour allier sport et solidarité et favoriser l’accès au sport aux personnes les plus vulnérables. À l’occasion de la signature du partenariat, le Président Julien Lauprêtre déclarait

«  avec 2024 en perspective, le comité d’organisation et le secours populaire feront la même chose : rendre heureux des milliers d’enfants. L’accès au sport fera l’effet d’un arc-en-ciel de bonheur dans un ciel qui est actuellement noirci par la montée des idées racistes et antisémites ».

Par ailleurs, le comité de candidature s’est engagé à ce que parmi les 13 millions de billets qui seront mis en vente 5 millions seront à moins de 24€. Les places les moins chères seront à 15 euros et 50% des billets coûteront moins de 50 euros. Ce n’est pas si cher lorsqu’on sait qu’une place du concert de Lady Gaga à Bercy est vendue entre 67 et 139 euros.

Quelles retombées peut-on espérer pour le sport en France durement frappé par les baisses de dotation ?

NBO : Les jeux vont certainement susciter des vocations et vont engendrer une hausse des inscriptions dans les clubs sportifs, il faudra donc accompagner les clubs et des collectivités.

Très rapidement après l’attribution de la candidature à Lima le 13 septembre, le Comité d’organisation des jeux olympiques (COJO) et deux organismes seront créés. L’un pour la livraison des équipements olympiques et l’autre consacré à l’héritage, aux programmes et équipements destinés à promouvoir la pratique du sport pour tous. Une loi olympique et paralympique sera votée pour définir les aménagements juridiques et fiscaux. C’est donc l’occasion rêvée pour mener le débat sur les moyens nécessaires au développement du sport. Aujourd’hui, le sport, la vie associative et la culture sont les premières victimes des baisses de dotation aux collectivités locales.

La candidature de Paris peut être un moteur pour le sport français à condition qu’elle soit accompagnée d’une volonté politique conséquente et inédite à l’attention du sport pour toutes et tous, de la vie associative et des collectivités territoriales qui font vivre le sport au quotidien dans notre pays. À la fête de l’humanité, nous lancerons un appel pour que les populations locales soient associées à l’écriture d’une proposition de loi pour le sport pour toutes et tous que nos parlementaires pourraient défendre. Une loi qui redonne une place centrale aux activités physiques et sportives dans la société. L’esprit de cette loi est simple : le sport n’est pas une marchandise, c’est un droit.

Quelles sont les contours de vos propositions ?

NBO : D’abord, développer encore plus l’éducation physique et sportive de l’école à l’université.

La loi doit garantir au moins 4h hebdomadaires d’EPS en maternelle et en primaire et recruter les professeurs d’EPS nécessaires pour 5h d’EPS du collège à l’université.

Il faut également réduire le coût de la pratique qui repose essentiellement sur les familles. Il faudrait aller progressivement vers la gratuité des activités physiques et sportives en développant avec les collectivités territoriales une offre d’activité physique et sportive de base. Indéniablement, il faudra augmenter le financement public des associations pour faire baisser le coût de la licence en l’indexant sur le quotient familial.

Nous proposons de créer d’un « statut » pour les bénévoles qui permettrait une reconnaissance formelle au sein de la société, leurs donnant du temps et des moyens pour exercer leurs engagements et inciter davantage de citoyen-n-es à s’engager.

Il est aussi urgent de libérer le sport de la loi de l’argent. Suite aux différents scandales de corruption, de fraude et d’évasion fiscale, l’État doit engager une grande opération nationale de transparence sur l’origine et la répartition des sommes en circulation dans le monde du sport professionnel.

Depuis de nombreuses années, nous demandons le doublement immédiat du budget de l’Etat consacré aux activités physiques et sportives pour aller jusqu’à 1% du budget en 5 ans (3 milliard d’euros).

La priorité sera la création d’un plan national pour le développement des équipements sportif soutenu par un fonds national pour aider les collectivités territoriales à financer la rénovation des installations existantes et les nouvelles réalisations. L’amorçage pourrait venir de la redistribution des bénéfices des Jeux, comme cela a été le cas en 1998 avec le fonds Sastre.

Cette proposition de loi permettrait d’envoyer un signal fort au monde entier au moment où Paris accueille les Jeux olympiques : réconcilier la fête du sport que sont les Jeux avec le développement de la pratique et la volonté de libérer le sport de l’argent roi.

C’est un sacré défi que les communistes veulent relever depuis de nombreuses années. En 2024 nous avons donc rendez-vous avec l’Histoire, l’histoire de l’olympisme, et notre histoire communiste de militant du sport pour tous.


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