Le sombre anniversaire de l’offensive russe du 24 février 2022 ne doit pas occulter celui du 20 février 2014 qui a vu entrer l’agression russe dans sa dixième année.
Neuf années d’invasion russe en Ukraine
L’anniversaire de l’offensive russe du 24 février 2022 n’est pas celui du conflit ukrainien. On ne répétera jamais assez que cette guerre a débuté en 2014, avec l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie.
L’échec de la même opération dans l’est de l’Ukraine a abouti à un conflit larvé. Cet enlisement militaire dans le cœur industriel de l’Ukraine est à la fois un succès et un échec diplomatique.
Un succès d’abord parce que les accords de Minsk ont permis d’éviter une invasion totale de l’Ukraine.
Un échec aussi et à plus d’un titre. Il a fallu attendre le massacre d’un avion de ligne entier par une batterie antiaérienne russe pour y arriver. Les accords de Minsk ne garantissaient ni la démocratie dans les zones occupées ni la souveraineté de l’Ukraine. Ils n’ont également jamais mis totalement fin aux combats.
Enfin, l’offensive russe sur l’ensemble du territoire ukrainien l’année dernière a transformé cette initiative diplomatique en fiasco.
Depuis neuf ans, un membre du conseil de sécurité de l’ONU se livre à une guerre d’invasion. Depuis un an, la Fédération de Russie vit pour et par la guerre infligée à son voisin.
Condamner la guerre, toujours
La guerre est à la fois un élément de clarification et de confusion. La clarification réside dans l’affrontement entre deux camps. La confusion émerge des récits de chaque camp.
Refuser la guerre ne peut pas se résumer à refuser de choisir un camp. Dans une guerre de conquête comme celle menée en Ukraine par la Russie, refuser la guerre c’est condamner l’agression. Dénoncer l’agression russe sur l’Ukraine n’est pas non plus souscrire au récit proposé par le gouvernement ukrainien ou l’OTAN.
Il faut bien comprendre que la condamnation des guerres ne peut pas dépendre des acteurs impliqués. Il faut se réjouir de voir des puissances militaires comme les États-Unis ou la France, habituées d’interventions armées, dénoncer celle de la Russie.
Il ne s’agit pas par là d’absoudre les interventions coloniales françaises ou l’impérialisme américain. Il n’est pas non plus question de s’abaisser à penser qu’un conflit en Europe serait de nature différente qu’une intervention armée en Afrique ou au Moyen-Orient.
Bien sûr que toutes les guerres doivent être condamnées ! C’est parce que la condamnation de la guerre doit être universelle qu’il est parfaitement absurde de ne pas condamner celle-ci parce qu’elle est condamnée par des acteurs qui ont pu eux-mêmes mener des interventions armées.
Une guerre de conquête
Cette guerre d’agression n’est pas unique. L’invasion de l’Irak en 2003 par les États-Unis n’était pas plus légitime. La différence tient au but poursuivi. Impossible de parler de retour de la guerre, quand elle n’a jamais disparu, mais la guerre de conquête semblait appartenir à une époque révolue.
Le discours du président russe Vladimir Poutine est extrêmement clair sur les objectifs poursuivis. La conquête de la totalité ou d’une portion de l’Ukraine en fonction des résultats militaires du moment.
Le respect de l’intangibilité des frontières est au fondement de l’ordre international issu des première et seconde guerres mondiales.
Sans revenir sur les raisons et la légitimité de la découpe de l’URSS au début des années 90, un accord entre les parlements d’Ukraine et de Crimée avait accepté la souveraineté de Kiev sur la péninsule. En 2014, c’est cet état de fait qui est contesté par la Russie pour son principal intérêt et par les armes.
Un risque de conflit mondial
Neuf ans plus tard, on ne peut être que particulièrement alarmiste sur la situation mondiale dans laquelle s’inscrit cette agression.
La quasi-guerre commerciale que se livrent les États-Unis et la Chine en est une illustration. L’épisode du ballon — espion ? — aurait pu être comique, s’il n’avait pas été la triste illustration du refus de la Chine comme des États-Unis de s’engager dans une réduction des tensions.
L’impuissance de l’ONU à mettre fin aux sanglants conflits du Yémen et d’Éthiopie marque aussi un tragique essoufflement des organisations multilatérales. Les votes par l’Assemblée générale des Nations unies de différentes résolutions sur l’Ukraine ont été entachés d’une catastrophique absence d’unanimité.
Le secrétaire général de l’ONU affiche un pessimisme inquiétant :
« J’ai peur que le monde ne marche pas vers une guerre plus large tel un somnambule, mais le fasse bien éveillé. »
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L’annonce du retrait de la Russie du dernier traité de désarmement qui la liait aux États-Unis doit également alarmer tous les pacifistes. Au risque d’une multiplication des conflits armés, il faut désormais ajouter le retour de la menace d’utilisation des armes atomiques.