TRIBUNE. “Donner des moyens à Météo-France est crucial pour assurer notre sécurité climatique.”

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TRIBUNE. “Donner des moyens à Météo-France est crucial pour assurer notre sécurité climatique.”

Représentant du personnel à Météo-France et membre de la CE du SNM-CGT, Loïs Pourchet déplore la casse de Météo-France, amputé d’un tiers de son effectif en quelques années. 

Petite contextualisation. Décret n°2016-765 : « Météo-France a pour mission de surveiller l’atmosphère […], d’en prévoir les évolutions et de diffuser les informations correspondantes. 

Il est aussi chargé de contribuer, au plan international, à la mémoire et à la prévision du changement climatique. » Il faut le dire : rien n’est fait pour que Météo-France mène avec brio ces deux missions météorologique et climatique.

Alors que l’hostilité du climat n’a cessé de se renforcer ces dernières années, les gouvernements successifs ont amputé Météo-France d’un tiers de son effectif. Parmi les 3 409 postes à Météo-France en 2012, ils en ont supprimé jusqu’ici 100 chaque année ! 

« Météo-France a pour mission de surveiller l’atmosphère […], d’en prévoir les évolutions et de diffuser les informations correspondantes.” Pour cela, l’établissement fournit, au grand public, entre autres, des données de prévision, notamment via son site internet (meteofrance.com) ainsi qu’une carte de vigilance précisant, chaque jour, le risque météorologique (vigilance.meteofrance.fr).

Dans la perspective de casse du service public, le gouvernement a décidé, en 2017, dans le cadre du plan national Action Publique 2022, entre autres d’automatiser la production des données de prévision météo (c’est le projet « 3P » pour « Programme Prévision Production »). 

Jusqu’au 13 novembre 2023, des prévisionnistes en région avaient encore pour mission quotidiennement d’inclure l’expertise humaine, c’est-à-dire de corriger eux-mêmes les prévisions brutes fournies par les modèles météo. Puis, ces postes ont été supprimés, la correction des prévisions a été centralisée à Toulouse et l’algorithme automatisant la prévision a été déployé. L’optimisme de la direction générale n’a pas suffi ! Le projet 3P a été mené dans la précipitation avec des développements, des calibrations, des tests et des formations sous-dimensionnés et menés à marche forcée, par manque de moyens dans la plupart des services. Le précédent slogan de Météo-France : “Toujours un temps d’avance” ne semble plus d’actualité pour la direction. 

Depuis début novembre et en réalité déjà quelques mois avant, le site internet, l’application mobile et les applications aux professionnels de Météo-France sont donc passés en « mode dégradé » et relayent des prévisions météo par moments non cohérentes avec la vigilance météorologique qui est, elle, toujours issue pleinement de l’expertise humaine. En plus de la sécurité météorologique des personnes et des biens qui est sérieusement mise en péril, ces éléments de dysfonctionnement sont générateurs de stress et d’angoisses particulièrement délétères pour la santé des agents (prévisionnistes, développeurs et déployeurs) attachés à fournir un service de qualité.

Face à l’entêtement et l’irresponsabilité de la direction, nous, le SNM-CGT, appelons à la grève, du 4 décembre 2023 au 7 janvier. La direction doit revoir l’organisation de la chaîne de production afin de fournir un service rendu à la hauteur de l’expertise présente dans notre établissement et elle doit mettre en place en urgence un plan d’action afin d’éliminer les RPS ! 

En plus de la baisse des effectifs, un sous-effectif chronique touche également l’établissement et en particulier ses services informatiques. 150 postes sont actuellement vacants, une proportion qui a doublé ces dernières années. Nous ne voulons plus “faire plus avec moins” ! Il faut impérativement recruter, et ce, non sur la base de contrats précaires, mais par concours. Ce recrutement n’est possible que si on revalorise également les salaires. Il est nécessaire d’investir dans notre service public météorologique afin, à court terme, de pallier le sous-effectif et à long terme, de rester à la pointe des dernières avancées scientifiques en matière de prévision météorologique, d’autant plus compte tenu de l’essor de l’intelligence artificielle. 

Météo-France a aussi la charge de « la prévision du changement climatique. » Mais “qui aurait pu prédire ?”, se questionne quand même le président. Eh bien nous, entre autres. Enfin, tant qu’on nous en donne les moyens ! La France et en particulier l’Hexagone subit de plein fouet le réchauffement climatique. En août 2023, on a enregistré la vague de chaleur la plus tardive depuis 1947. “Limiter le réchauffement bien en deçà de 2 °C et de 1,5 °C si possible”, tels étaient les objectifs de l’accord de Paris signé en 2015. Huit ans plus tard, l’objectif des 1.5 °C fait doucement sourire les climatologues, car les émissions de gaz à effet de serre ne baissent toujours pas. Donner des moyens à Météo-France est crucial pour assurer notre sécurité climatique.

Le gouvernement actuel fait mine de l’avoir compris en allouant des moyens supplémentaires à l’établissement pour étudier et anticiper le changement climatique sur les territoires ultramarins. En vérité, le gouvernement Borne vient enfin de constater à quel point, sur le plan climatique aussi, ces territoires ont été délaissés.

Avec la réforme des retraites et la mobilisation contre le projet 3P, la colère ne cesse de grimper à Météo-France. Cette colère est durable, car chaque mois, de nouveaux agents adhèrent au SNM-CGT. Et c’est tant mieux, puisque c’est le nombre qui fait la force ! Alors, syndiquez-vous ! 


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